mercredi 30 mars 2011

De Piaf à Sarkozy, ou l’esthétique de la France



Lorsque Nicolas Sarkozy a parlé de l’antériorité du christianisme sur l’islam, j’ai pensé : « Le christianisme s’est installé en France alors que le paganisme lui était antérieur ». Lorsqu’il a dit que la chrétienté avait légué aux Français un magnifique héritage de civilisation et de culture [1], j’ai rétorqué : « Ce n’est pas la chrétienté qui a légué aux Français un pays magnifique mais plutôt la culture des Français, fussent-ils ou non chrétiens ». Je m’empressai d’ajouter « L’islam ne peut pas ternir cette magnificence. Les imbéciles le peuvent. »

Plus que belle, la France est l’un des rares pays au monde qui n’appartient pas qu’à sa population, c’est un « pays patrimoine de l’humanité ».

Allons droit au but et disons clairement que la « contre-esthétique » dont parle indirectement le président français concerne avant tout les Arabes. Les Maghrébins, plus précisément. Je parlerai donc explicitement des Algériens tout en sachant que le constat est valable pour les Maghrébins. J’insiste également sur le fait que cette contre-esthétique est imputable aux traditions, et donc au caractère et au tempérament, non à la religion. Le problème de la prière dans la rue étant à aborder différemment.

La violence par l’apparence, à laquelle est confrontée la France en ce moment, est le résultat d’une confusion entre religion et traditions algériennes à travers lesquelles s’identifient ceux qui sont pointés du doigt. A ladite identification à un pays étranger vient s’ajouter l’influence de « guides » spirituels autoproclamés qui leur disent que l’islam a été révélé avec barbe et gandoura et que tout ce qui n’existait pas du temps de Mahomet (qsssl) est « haram » (illicite). Le résultat est une uniformisation wahhabiste ridicule dont un aperçu est disponible en regardant les femmes qui portent la burqa ou le voile intégral.

Juste sur le vêtement, imaginons comment s’habillerait un musulman Français « de souche ». Il est possible qu’après un voyage dans un pays arabe, il se mette à porter la gandoura. Mais il est également possible, et préférable à mes yeux, qu’il continue à porter des vêtements européens pour préserver la culture vestimentaire de son pays. Beaucoup de Français d’origine algérienne le font car ils ont compris que la beauté du pays où ils vivent doit être préservée.

Que serait la culture de l’Extrême-Orient ou celle de l’Afrique subsaharienne si les musulmans y avaient imposé les styles (vestimentaire et autre) de l’Arabie ? Celle d’un no man’s land.

L’islam ne peut pas prétendre à l’universalité s’il ne porte pas en lui les outils de son adaptation aux différentes situations dans le temps et dans l’espace, tant que ces adaptations ne nient pas son dogme. L’islam qui est né dans le désert, loin de toute civilisation urbaine, a su respecter et à faire siennes celles qu’il a rencontrées. Ceci lui a permis de donner à l’humanité un urbanisme et une culture remarquables.

Or, il prétend à l’universalité. Il ne peut donc pas balayer tout cet héritage d’un revers de la main en uniformisant les cultures et les modes sociaux. Le Coran lui-même s’y oppose puisqu’il reconnaît les peuples et cite leur différenciation comme une manifestation de la richesse de sa création [2].

Pourquoi est-on obligé de penser « pays arabes » dès qu’on pense « islam » ? Illustrons.

Lorsqu’on apprit qu’Edith Piaf avait eu une grand-mère Kabyle, cela n’avait diminué en rien son aura dans l’inconscient des Français. Cette aura aurait-elle pu être diminuée si elle avait été musulmane ? De suite, je l’imaginai musulmane et la vis lever les yeux vers le ciel :

« Allah, Allah, ai-je donc mal agi ? Mon Allah, pourrais-tu seulement me reprocher d’aimer, toi qui aimes toutes tes créatures et qui es amour ? Je sais que Marcel n’est pas musulman mais ai-je besoin de te dire le bien qui est en lui ? Tu le sais déjà, n’est-ce pas ? Tu ne peux pas être sourd aux palpitations de mon cœur alors que tu les a faites si fortes. »

D’un élan spontané, elle ouvrit son bahut et se saisit de sa robe kabyle qu’elle enfila par-dessus celle qu’elle portait. Elle se regarda un instant dans la glace. « Et si je montais sur scène avec ? Non. Cette robe kabyle est très jolie mais elle n’est pas faite pour Paris. Je suis sûre que si la Kabylie était en France, les Kabyles porteraient autre chose. »

Elle repensa à Marcel Cerdan et son regard s’illumina. Elle se mit à chanter « la Vie en rose ». Sans qu’elle y fisse attention, elle se mit à enjoliver les mélodies de cette chanson en s’inspirant de mélodies kabyles qu’il lui arrivait d’entendre. Très vite, sa voix grésillante emplit tout l’immeuble, puis toute la rue, et chacun s’arrêta aussitôt de faire ce qu’il faisait. Des camaïeux de rose se mirent à miroiter dans les yeux de ceux qui écoutaient et, pour quelques magiques instants, la dureté de la vie s’estompa. Elle en avait du cœur, la Môme.

Cette courte fiction, que certains n’apprécieront peut-être pas, aurait très bien pu avoir pour principal personnage Maurice Chevalier qui, une fois devenu musulman, n’aurait rien abandonné de son élégance et de son charme indémodables.

Cela n’aurait pas empêché, non plus, Yves Montand de chanter :

« Quand nous chanterons le temps des cerises,
   Et gai rossignol et merle moqueur
   Seront tous en fête !
   Les belles auront la folie en tête
   Et les amoureux, du soleil au cœur 
   Quand nous chanterons le temps des cerises
   Sifflera bien mieux le merle moqueur
». [3]

Ou Barbara de chanter :

« Pour toi soudain le gris du ciel n'est plus si gris,
   Pour toi soudain le poids des jours n'est plus si lourd.
   Voilà que sans savoir pourquoi soudain tu ris,
   Voilà que sans savoir pourquoi soudain tu vis,
   Car te voilà, oui te voilà
   Amoureuse,
   Amoureuse,
   Amoureuse, tellement amoureuse. »
[4]

« Ah là, c’est Allah ». N’aurait pas manqué de s’exclamer Raymond Devos en les écoutant.

Parallèlement à ceux qui ne peuvent pas s’imaginer musulmans sans se projeter en pays arabe, il y a ceux qui le font sciemment. Pour ces Français là, le malaise de la relation de l’ancien empire colonial français à leur pays d’origine est une des causes de leur refus de s’intégrer. La solution est donc à deux grands volets.

  1. Le volet historique qu’il faut confier plus intensément aux sociétés civiles puisque la diplomatie peine à lui trouver une issue honorable.
  1. Le volet socioculturel qui consiste à leur inculquer le pluralisme culturel et à les dissocier de leur attachement géographique à un pays étranger. Cette dichotomie de l’appartenance m’amène à évoquer le concept de communauté (la oumma) dans sa considération islamiste. J’espère pouvoir lui consacrer un article dans le futur.
En parlant de détachement du pays d’origine, je ne dis pas qu’on est obligé de renoncer à ses traditions. Mais lorsqu’on refuse d’en abandonner quelques unes et d’en adopter quelques autres du pays d’accueil, cela devient problématique.

En France, le détachement de ces Français d’origine algérienne aurait pu s’enclencher dès 1983, si la « Marche des beurs » avait suffisamment fait bouger les choses. Et c’est parce que les choses n’ont pas suffisamment bougé, que la génération suivante, désespérée d’être acceptée un jour comme composante citoyenne à part entière, a ressenti le besoin de projeter son appartenance religieuse sur une aire géographique éloignée, avec tout ce que cela induit en matière de comportements. Ce détachement est encore possible.

Pour cela, il faut que ces citoyens prennent conscience qu’être musulman n’est pas lié à une origine géographique donnée. Une prise de conscience pour laquelle ils devront être aidés. Il faut aussi que les autres Français arrêtent de les considérer, ad vitam æternam, comme des étrangers. Le rejet ne fera que raffermir leur attachement à leurs pays d’origine.

Dans la perspective de ce détachement, accepter que des pays musulmans financent les mosquées de France est une contradiction flagrante.

On ne manquera pas, pour autant, d’opposer à cela le fait que la république laïque finance bien les églises. Je crois qu’il faut séparer les églises à financer de celles qui devront elles-mêmes se prendre en charge. Cette séparation pourrait être faite en fonction de celles qui seront ou non classées « monuments historiques ». Ce qui leur permettrait d’être au dessus de la mêlée. Rien de choquant, en considération de leur valeur immatérielle indéniable, qui dépasse largement la dimension religieuse.

Alors, comment faire comprendre à ces Français musulmans d’origine algérienne, que l’islam ne peut pas rejeter l’esthétique d’un pays ou il s’installe ?
 
  1. Associer l’universalité de l’islam à son Histoire qui a respecté les cultures des pays que cette religion a rencontrés. Les universités et les instituts de recherche doivent y prendre part en commençant par ouvrir des filières dans cette perspective. L’Etat inclura dans les programmes scolaires des cours destinés à cela. L’action culturelle ne devra pas être en reste : émissions, revues, colloques, etc. Il faudra éviter d’enfermer ces actions dans le scientisme. La science est nécessaire, la vulgarisation aussi.

  1. Faire exercer ces Français (surtout leurs enfants) à l’empathie afin qu’ils arrivent à se voire comme des Français de souche devenus musulmans et non comme des Arabes musulmans devenus Français. Par les programmes scolaires et par le théâtre et les jeux de rôles. Par le débat public également. Il ne leur est pas demandé de renoncer à leur arabité mais de comprendre qu’il y d’autres voies pour vivre pleinement leur foi sans heurter les autres.

  1. Banaliser la culture du « halal » et insister sur le fait que ce dernier doit côtoyer le non halal. C’est une erreur de combattre le halal comme c’est une erreur de le séparer du reste. Tout doit se tenir côte à côte pour bien signifier qu’aucune culture ne chasse l’autre.

  1. Montrer que les cultures peuvent s’inspirer les unes des autres mais pas s’occire. Pourquoi ne pas associer à cette action le monde du design et de la haute couture pour démontrer que des détails arabes de conception peuvent être intégrés sans chasser le reste. Une idée : Un concours destiné aux jeunes talents et placé sous l’intitulé « Influences méditerranéennes » et dont le règlement limiterait cette influence à l’accessoire vestimentaire ou au motif, par exemple.

Je ne parle pas des musulmans non français qui sont en France, ceux qui acceptent de faire la prière dans la rue en s’accaparant un espace public appartenant aux citoyens dont ils ne sont pas. Par cette attitude, ils font preuve d’inconscience et d’égoïsme. Inconscience de présenter l’islam comme une religion de désordre et d’illégalité. Egoïsme de préférer gagner liturgiquement de bons points (hassanate) par la prière collective mais en occasionnant une gêne aux autres et en les empêchant de passer.

Je parle de ces silencieux Français musulmans d’origine algérienne, qui ont fait le choix de la laïcité et de la république respectueuse de la diversité mais aussi de l’Histoire et de la culture du lieu. Ils doivent se sentir concernés et ne plus se taire. A toutes les occasions, ils devront dire aux réfractaires que : « Allah est beau et il aime la beauté » [5].

Après l'indépendance de l’Algérie, les Algériens ont été spoliés de leur liberté et beaucoup de ceux qui pouvaient parler se sont tus. En serions nous là s’ils avaient eu le courage de dénoncer les dérives et d’agir ?

Si la France, ce pays patrimoine de l’humanité, perd son équilibre esthétique, et ce risque peut vite devenir réel, ils perdront énormément de ce pour quoi ils y vivent. Il faudrait alors qu’ils se demandent, dès maintenant, si y rester continuerait à leur plaire.



Notes
[1] Discours de Puy-en-Velay, du 3 mars 2011.

[2] Coran, 30ème sourate (Ar-Rum), verset 22.

[3] Extrait de « Le temps des cerises », paroles de Jean-Baptiste Clément, 1866.


[5] Citation de Mahomet (qsssl) d’après son compagnon Ibn Messaoud, rapportée par Muslim.


vendredi 25 mars 2011

Elizabeth Taylor et pas seulement ses yeux



Elizabeth Taylor s’est éteinte, pas ses yeux. D’autres grands acteurs de sa génération survivent dans l’oubli mais sa mort nous rappelle qu’était déjà tombé le rideau sur le cinéma de toute une époque. Ses soixante dix-neuf ans lui ont donné le temps de mériter un palmarès plus remarquable par son côtoiement des grands que par le volume de sa filmographie. Est-ce pour autant la fin du cinéma, comme l’avait annoncé Alain Delon ? Je ne crois pas. C’est la fin d’un cinéma qui, en plus d’avoir été un facteur de mondialisation du rêve américain et de la chute du mur de Berlin, avait de beau qu’il était hautement théâtral et que la prestation était toujours due au talent et jamais aux gadgets ni aux effets spéciaux. D’ailleurs, comme tous les grands acteurs, Elizabeth Taylor a fini par délaisser le cinéma pour le théâtre, là où aucun « Coupez ! » ne peut être de secours. Est-ce pour cela qu’on les appelait acteurs et qu’on les appelle maintenant comédiens ? Peut-être.

Le fait qu’elle soit née en Angleterre, de parents Américains, confirme que nul n’est prophète en son pays. En tout cas, la diaspora et l’exil ne sont pas spécifiques aux juifs, nés en tant que tels ou convertis comme Elizabeth Taylor. Même Mahomet (qssl) a été obligé de quitter la Mecque pour Médine avant de pouvoir reconquérir sa ville natale. Je ne peux cacher mon admiration pour cette Amérique de la réussite où le melting-pot racial a été un élément décisif pour l’essor et où l’ « affirmative action » a permis de révéler des stars comme Morgan Freeman, Halle Berry ou Denzel Washington, en dépit de ceux qui en ont profité sans talent particulier. Les Etats-Unis restent un grand pays malgré Georges W. Bush.

Je repense aux yeux d’Elizabeth Taylor. Même en ce temps là, la couleur des yeux était un atout mais cela n’était pas suffisant pour être célèbre. L’inné donnait l’avantage, l’acquis donnait la reconnaissance. Evidemment, aujourd’hui c’est autre chose. Peu importent l’inné et l’acquis quand ils sont concurrencés par la médiatisation, c’est-à-dire par la visibilité.

Le phénomène « people », associé au pouvoir de la télé, a bouleversé les vieux processus d’acquisition de la célébrité. Cette phase de transition devrait durer quelques années encore. Ensuite, la démocratisation et la simplification du multimédia permettront à beaucoup de fabriquer leur propre cinéma. La télévision ne disparaîtra pas mais elle sera de plus en plus regardante aux « web-cinéastes ». Si elle s’y prépare bien, la télé pourra réguler une partie de l’économie que générera ce nouveau cinéma et pourra s’ériger en arbitre entre ses faiseurs. De nouveaux métiers du web verront le jour et une course folle à la célébrité (avant la richesse) s’engagera. Tout le monde n’aura pas pour autant son quart d’heure de célébrité comme l’avait prédit Andy Warhol. Il sera très difficile de réussir à se faire voir dans la jungle et les efforts non reconnus engendreront des « web-terroristes » qui auront changé de méthode pour devenir célèbres (toujours) et qui inspireront les scénaristes. Les cinéastes qui s’inspireront de ces nouveaux hackers feront d’autres mécontents et la boucle sera bouclée.

Bref, je m’éloigne. Je reviens pour saluer l’engagement de cette grande actrice pour la lutte contre le Sida et pour rassurer les internautes en leur disant que le monde ne va pas nécessairement vers le chaos. Il va simplement là où les humains l’emmènent.

jeudi 24 mars 2011

Une prière pour les Japonais et les autres


Cet article a été publié sur facebook le 17 mars 2011.

Une partie de l’humanité est en train de vivre une tragédie. Et quelle partie, le Japon.

Parallèlement à la violence que dégagent les images et les vidéos et qui remet l’humanité à sa vraie place face aux forces de la nature, on ne peut être que subjugué devant tant de discipline et de maîtrise de soi. Cela confirme ce que l’on savait déjà, à savoir que les Japonais sont un grand peuple, digne d’être considéré comme un modèle de beaucoup de points de vue. Moi, j’adore ce peuple.

Lors de l’émission « Face aux Français » diffusée le 16 mars 2011 sur France2, on a demandé à Max Gallo si les prières que fait l’empereur Akihito pour les Japonais pouvaient leur être d’une quelconque utilité. Je dis oui.

Il est possible qu’une prière ait ou n’ai pas d’effet pour atténuer une souffrance. Je conçois qu’il est meilleur d’agir et de prier ensuite mais quand on ne peut pas agir, le fait de prier témoigne au moins d’une chose : le souhait de voir le bien atteindre les autres. C’est pour cela que j’ai fait une prière pour les Tunisiens, les Egyptiens et les Libyens, comme j’avais fait une prière pour les Haïtiens, les Grecs et tous ceux qui souffrent.

Je prie pour les Japonais et je demande à tous ceux qui liront ces lignes de le faire aussi.

Je reviens ici car les malheurs des Japonais me font rappeler le drame des inondations de Bab el Oued à Alger en 2001. Dans ce quartier, on avait autorisé à construire dans des zones inondables et de grandes conduites d’évacuation étaient obstruées faute d’entretien. Que ce serait-il passé si, par malheur, un tel tsunami avait atteint les côtes algériennes ? Peut-être que Dieu nous l’évite parce que nous essuyons déjà un tsunami chaque année. Je parle de celui qui déferle sur l’Algérie la veille de chaque Ramadan et qui se matérialise par une course effrénée à l’approvisionnement, comme si une famine était annoncée et qu’elle allait durer tout le mois. Un mois censé être de jeûne et de privation.

Possible que ce soit là de l’humour noir. Pourquoi pas si cela peut faire réfléchir certains et les inciter à changer leurs habitudes. Prions pour tous.

Kadhafi, le monde et la Ligue Arabe


Cet article a été publié sur Facebook le 12 mars 2011.

Au-delà des maladroites gesticulations de Kadhafi qui prouvent qu’il est deux fois dangereux, par son autoritarisme et par sa mythomanie, il est utile de se résumer ce que font les autres.

Les Etats-Unis ont envoyé des forces militaires dans la région. L’Union Européenne vient de reconnaître le Conseil National Libyen de Transition comme interlocuteur politique. Des internautes s’impliquent et dénoncent à la mesure de leurs moyens. Pendant ce temps, les gouvernements arabes refusent de condamner le fait que Kadhafi tue des Libyens. Lui qui, pire des arrogances, a longtemps continué à nier les faits ou à les minimiser.

On peut comprendre que les gouvernements arabes refusent de condamner explicitement Kadhafi. S’ils le condamnent, ils condamnent son régime et, par la même occasion, ils condamnent les leurs.

On peut comprendre que les gouvernements non arabes soient prudents. Leur rôle n’est pas d’assurer les intérêts des pays arabes mais d’assurer les leurs et le pétrole est un argument commercial et politique que ne peut négliger aucun gouvernement responsable. Aussi, la situation politique en Libye est probablement plus complexe qu’il n’y parait et une éventuelle intervention armée ne peut être envisagée que dans un cadre international légal afin d’éviter de rééditer la gabegie meurtrière qu’a été l’invasion de l’Irak.

Les gouvernements, russe et chinois, semblent être les principaux opposants à l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne. Plus boulimique, ce dernier doit savoir que, s’il est compréhensible qu’il protège un régime qui lui donne accès à 2% de la production mondiale de pétrole, il est en train de perdre l’estime de 340 millions d’Arabes et de 1,5 milliards de musulmans à travers le monde.

On peut comprendre qu’il y ait des non Libyens qui continuent à soutenir Kadhafi sous prétexte qu’il ait fait de bonnes choses ou aidé l’OUA dans le passé comme le soutient Calixthe Beyala, qui croit et milite pour le panafricanisme à une époque où le monde est devenu un grand village.

Je passe outre l’OUA et l’Union Africaine (pour le moment) et je me demande : que fait la Ligue Arabe dans cette conjoncture et à quoi sert-elle ? Je réponds : Elle espère et ne sert pas à grand chose.

Elle espère que la révolte en Libye se termine au plus vite. Ce serait plus commode. Cela enlèverait à cette ligue une épine du pied et éviterait à son secrétaire général de trop rougir. S’il y arrive encore. A défaut d’y arriver ou de s’occuper efficacement des problèmes dont il est en charge, il a mieux à faire : préparer sa campagne pour accéder à la présidence de l’Egypte. Le choix des Egyptiens ne pourra être que respecté, j’espère seulement que, s’il est élu président, Amr Moussa ne plongera pas son pays dans la même léthargie qui caractérise actuellement la Ligue Arabe.

Concernant le rôle de cette ligue, il faut se rappeler que deux des principaux objectifs de sa fondation, en 1945, étaient d’œuvrer pour la décolonisation des pays arabes et d’œuvrer pour empêcher la création d’un foyer national juif en Palestine. Or, le premier objectif a été atteint (à l’exception du cas de la Palestine) et le deuxième a échoué lors de la création de l’Etat d’Israël en 1948. De là à dire que la Ligue Arabe ne sert plus à rien, il n’y a qu’un pas que je suis tenté de franchir. Quant à ses positions, elles ont rarement été à la hauteur de son rôle censé être rassembleur. Impossibilité d’avoir une position unifiée lors de la guerre du Golfe et opposition à toute intervention militaire en Libye.

Certains disent qu’elle a d’autres missions comme la promotion de la langue Arabe. Possible, sauf que la réussite ou l’échec d’une institution ne se mesure qu’aux résultats obtenus sur le terrain. Et à propos de terrain, les Algériens, entre autres, continuent à désigner par « vista » la «veste ». Les académiciens arabes pourront se targuer d’avoir inventé le mot « hakoum » pour désigner une télécommande, il n’en demeure pas moins que les Algériens continuent à l’appeler « télécommande » et les exemples sont légion. Les Arabes n’ont pas attendu cette ligue ni les académies qui lui sont affiliées pour emprunter à l’Occident (c’était l’inverse dans le passé) les sonorités et les mots dont ils ont besoin et pour appliquer à ces mots leurs propres règles de déclinaison ou de conjugaison. Plus que diglossie, éloignement.

Il est temps que les gouvernements Arabes se révoltent à leur tour et se détachent de cette ligue, ou du moins, de ses coutumiers atermoiements. Ils pourront alors se targuer, à juste titre cette fois, d’avoir donné à la langue arabe une grande victoire. Celle de cesser d’être le témoin acquiescant de l’inutilité.

Laïcité et islam de France, la vision d’un Algérien


Cet article a été publié sur Facebook le 02 mars 2011.

Les évènements en cours dans le monde arabe n’en finissent pas de faire parler d’eux. Comment non, devant ce tsunami politique qui est en train de bouleverser les données de la géostratégie et les rapports Nord-Sud. J’espère seulement que ce bouleversement ira vers une ère nouvelle, faite de rapports plus sereins et d’échanges plus équitables.

Par anticipation, je dis à tous ceux qui verront de l’ingérence dans mes propos que, non seulement la révolte des pays arabes les permet mais qu’elle les rend nécessaires. Pour autant, ce sera la vision globale d’un Algérien qui s’exprime en son nom. Mes affinités intellectuelles complexes aidant, j’ai pris le pli de suivre les évènements culturels et sociétaux en France plutôt qu’en Algérie, c’est pourquoi je vais essentiellement me focaliser sur le débat actuel sur l’islam et la laïcité en France. Ceci ne m’empêchera pas de survoler d’autres questions que je pense liées.

La diplomatie française vis-à-vis de l’Algérie
Les Algériens reprochent aux Français leur arrogance et leur côté « donneurs de leçons ». Il n’y a pas que les Algériens qui le leur reprochent, d’ailleurs. Cependant, il n’est pas réaliste d’attendre des Français qu’ils s’en départissent. Cela fait partie de leur caractère général et il faut simplement les accepter tels qu’ils sont. Par souci d’équité, je reconnais, qu’à leur tour, les Algériens sont rebelles et têtus. On peut voir là, des deux côtes de la Méditerranée, de mauvais caractères mais on pourrait voir aussi un caractère commun. La polémique actuelle sur la conduite de la diplomatie française témoigne, pour le moins, du courage de reconnaître les erreurs du passé. Soyons réalistes en présumant que chaque gouvernement veillera toujours à assurer les intérêts de son propre pays. Rien de plus normal. En même temps, les intérêts des deux pays passent par une meilleure compréhension et une meilleure considération des uns par les autres. La situation qui a fait en sorte que soit mis sur la table l’actuel débat sur l’islam et la laïcité, prouve que l’ignorance de l’autre finit toujours pas occasionner des frictions. Il nous faut donc nous comprendre un peu mieux.

Avant de développer les axes de cet article, je propose, d’ores et déjà, de créer une revue on-line qui traitera des cultures algérienne(s) et française(s). Pourquoi la culture ? Parce que les gens de la culture ont cette faculté de transcender les frontières plus vite que les autres. Je sais qu’il existe déjà des revues qui en traitent mais leurs études se limitent à une seule rive à la fois et donnent l’impression d’être des fenêtres ou chacun expose ses propres problèmes ou loue son pays. Il en résulte qu’il y a peu de place à l’échange véritable ou, oserais-je dire, à la comparaison. Avis aux intéressés.

Pour les pays arabes, le plus difficile reste à faire
Pour les pays arabes dont les gouvernements se sont effondrés (ne serait-ce pas complètement), le plus difficile commence à peine. Je ne parle pas de reconstruction politique ou économique, chaque pays mobilisera ses enfants qui seront sans nul doute capables de faire face à la situation, comme l’ont fait leurs parents pour se libérer du joug de la colonisation. Ils savent déjà qu’ils devront promouvoir une renaissance et ne pas se contenter d’un simple toilettage de la part des éventuels récupérateurs de tous bords. Je ne prétends pas, non plus, pouvoir dire aux Tunisiens ou aux Egyptiens, par exemple, où se situent leurs priorités. Je veux juste dire, à tous les Arabes, qu’ils ont un problème qui est souvent passé sous silence mais qui, à mes yeux, constitue l’un des plus grands handicaps au développement et à l’émancipation. C’est la pensée unique.

Les musulmans et la pensée unique
Durant les premiers siècles de l’islam, et même jusqu’à aujourd’hui, les Ecoles de la jurisprudence islamique ont dit au croyant que, du moment qu’il fait partie de la masse, son Ecole est celle de celui qui le renseigne. Par conséquent, il n’avait pas à se soucier de comparer ou de privilégier tel ou tel avis. Ce qui n’est heureusement pas le cas pour l’élite. Dans élite, j’entends ceux qui sont suffisamment outillés pour pouvoir comparer les avis et conclure et je ne la limite donc pas aux ulémas. Rappelons, au passage, que si cette élite y a plus ou moins échappé, cela ne lui a pas valu que des éloges et l’exemple d’Averroès (1126-1198) est excellent pour illustrer l’incompréhension et la persécution dont elle a fait l’objet. Ce que les enseignants de jurisprudence ne disent pas assez aux croyants c’est qu’il y a toujours d’autres avis que celui qu’ils leurs donnent. Ils omettent, par exemple, de leur dire qu’il n’y a pas que quatre grandes Ecoles de jurisprudence islamique. Dans le passé, il y en avait vraisemblablement neuf. Aujourd’hui plus.

Je crois fermement à la nécessité de l’élite dont la prophétie et l’élection sont deux exemples, même s’ils sont de natures différentes. Néanmoins, la masse a besoin d’être un peu plus affranchie. Faut-il continuer à la considérer comme une entité bête ? Pour les sciences politiques, oui. De mon point de vue, non. Evidemment, dans les pays qui ont une longue expérience du pluralisme et de la démocratie, comme en France, la masse est beaucoup plus éveillée (au sens mélioratif du terme). La masse ne doit pas être laissée pour compte dans les pays en voie de développement car ce trop grand décalage s’avère maintenant être facteur de stigmatisation.

Venons en aux multiples sociétés musulmanes (leur ensemble étant appelé umma) et rappelons que celles-ci n’ont quasiment connu que la pensée unique sous forme d’omni dirigisme politique, parfois sous des régimes autoritaristes, fervents exploitants de la religion pour se maintenir en place. La période où Mahomet (qsssl) était le chef vivant de la communauté musulmane fait exception, car ce dernier ne gouvernait pas par l’hégémonie de son seul avis mais était guidé par le moyen de la révélation divine. Il est important de souligner qu’à la fin de cette première grande période qui est celle de l’Etat prophétique (622-632), Mahomet (qsssl) n’a pas désigné de successeur avant de mourir et que ce successeur a été élu.

Après avoir connu la prophétie, la démocratie, la dynastie, le califat, et l’Etat-nation, les musulmans Français d’origine algérienne ou maghrébine, vivent aujourd’hui une situation nouvelle. Situation qui a deux caractéristiques majeures.

La première est la pluralité religieuse au sein d’un même pays mais sans prééminence d’une religion donnée sur les autres. Dans le passé, les musulmans ont connu la cohabitation pacifique, en Andalousie et au Maghreb, entre autres. Ce qui est nouveau, c’est que, cette fois, aucune des religions en place n’est religion d’Etat et tous les croyants sont sur un pied d’égalité, entre eux et avec les non croyants. Afin de garantir cette égalité, l’Etat n’a pas d’autre choix que d’être neutre et cela ne peut se faire que grâce à la laïcité.

La deuxième caractéristique est que cette période et celle qui la précède (celle de l’Etat-nation musulman) se chevauchent, puisque cette dernière dure toujours. Or, ce chevauchement pose problème. Il pose problème en ce fait que : appartenance spirituelle et appartenance géographique ne font plus un. Alors, à qui les musulmans de France se sentent-ils appartenir ? Question de fond qui révèle toute la subtilité de la différenciation entre islam de France et islam en France. La question est assez complexe pour faire l’objet d’un débat à part, d’autant qu’elle ne se pose pas que pour les musulmans. Le propre de l’homme étant de rattacher son appartenance à un lieu géographique, donc à un pays donné, certains préconisent d’interdire la double nationalité sous prétexte qu’on ne peut pas être fidèle à deux pays en même temps. Il est possible qu’ils eussent raison de le préconiser il y a quelques décennies, mais le préconiser aujourd’hui est une erreur. Les principaux conflits dans le futur, auront lieu entre des groupes qui se disputeront la terre et l’eau potable, poussés par l’épuisement des ressources naturelles et par les changements climatiques dus au réchauffement de la planète. Ces conflits auront lieu de moins en moins entre Etats, d’autant que la souveraineté de la plupart de ces Etats s’amenuisera au fur et à mesure que grandira l’hégémonie de la globalisation. Le nationalisme et le protectionnisme peuvent éventuellement résoudre quelques conjoncturels problèmes mais ils ne pourront globalement rien y changer, au train où vont les choses.

Revenons à cette identification par l’appartenance géographique pour nous demander quelle serait l’importance de se référer à un lieu géographique plutôt qu’à un autre. Il faut simplement d’être conscient de ce que l’on est et, surtout, d’accepter l’évolution comme phénomène naturel et nécessaire. Pour toute personne, quelles que soient ses idées ou sa confession, et quel que soit l’endroit où elle se trouve, le plus important est d’être bienveillant envers les autres et d’œuvrer pour le bonheur de tous, dans un cadre organisé et consensuel.

Islam et démocratie
Si les musulmans qui pensent qu’islam et démocratie ne sont pas compatibles, admettent que les premiers califes de l’islam aient été élus, ils arguent que cette démocratie là diffère de celle de la France. Selon eux, la différence réside dans le fait qu’en France, les organes législatifs peuvent voter une loi incompatible avec la charia. Ils oublient que lorsqu’une loi incompatible avec la charia est votée, cela veut tout simplement dire que les Français, à travers les élus qui les représentent, auront choisi de ne pas légiférer conformément à la charia. Ce qui veut également dire que les Français (dans leur majorité) ne veulent pas la charia. Les obliger à la vouloir équivaut à les convertir de force à l’islam, alors que le Coran interdit de convertir par la force.

D’autres acceptent cet état de fait mais refusent, quant à eux, de se conformer aux lois en vigueur. C’est là un cas de figure où le débat peut éventuellement avoir lieu mais où la coercition devient légitime. Je ne veux pas me lancer dans une dissertation appuyée par des avis comparés de juristes musulmans. Je ne le pourrais pas, de toutes façons. Je dis juste à ces gens que, de par cette attitude, ils cheminent vers l’anarchie et le chaos. Ce qu’aucun pays ne saurait accepter. La démocratie française n’empêche pas la liberté de croyance et n’interdit point la pratique du culte. Elle essaie de la gérer. Il faut donc réfléchir pour trouver des solutions face à une situation que cette démocratie n’a jamais connue auparavant.

Islam et intégrisme
Passons outre ceux qui se lamentent sur les différentes politiques de l’immigration qu’a adoptées la France aux XXe et XXIe siècles. Hier, la religion musulmane faisait partie intégrante du paysage cultuel de la France. Aujourd’hui, elle en est partie constituante. Beaucoup continuent à regarder l’islam comme une religion de Maghrébins et, dans leurs esprits, arabité et islam ne font qu’un. Ceci est évidemment faux. Puis, dans ce cas, quelle place y a-t-il, par exemple, pour les Français de « souche » qui sont musulmans ? N’ont-ils pas le droit d’être acceptés pour ce qu’ils ont choisi d’être ? La tolérance n’est-elle pas d’accepter « l’autre » dans sa différence ? Si, tant que cette différence se manifeste dans un cadre républicain.

Les Français ne devraient pas avoir peur de l’islam. Toute chose nouvelle suscite la méfiance, voire le rejet. En se propageant en France, le christianisme a été violemment rejeté. Avant que cette religion ne s’installe durablement, il a fallu du temps et beaucoup de tensions et les guerres de religion qui ont eu lieu, au XVIe siècle notamment, illustrent bien ce parcours. Aujourd’hui, la France en est loin. On reproche aux musulmans de France de ne pas admettre la priorité du christianisme, de par son antériorité. Qu’on se rappelle qu’à l’instar du paganisme en France, le vaudou, en Afrique noire, a existé bien avant le christianisme et que cela ne les a pas empêchés pas de cohabiter.

On aura raison de dire qu’en France, la cohabitation du christianisme et de l’islam souffre d’ « apparences » donnant l’impression que ce dernier est anachronique et régressif. Pour les musulmans radicaux, je comprends qu’on puisse le dire. Il y donc un effort à faire par ces musulmans qui, quand ils sont d’origine étrangère, sont encore fortement imprégnés de leurs traditions d’origine. Je vise par « traditions d’origine » les comportements sociaux en premier lieu. Le sujet est, en soi, matière à beaucoup dire et j’espère pouvoir bientôt lui consacrer un article.

Si les Français ne doivent pas avoir peur de l’islam, ils doivent, par contre, prendre au sérieux l’intégrisme religieux. Sur l’intégrisme islamiste, puisque c’est de lui qu’il s’agit en ce moment, ils devraient s’inspirer de l’expérience de l’Algérie qui a longtemps souffert de ce fléau. Le combat contre l’intégrisme (islamiste ou autre) ne se gagne pas uniquement à coups de lois. Il se gagne aussi par le débat et le raisonnement. J’entends régulièrement parler d’islam modéré et d’islam intégriste. Je ne crois pas qu’il y ait un islam modéré et un islam intégriste. Il y a simplement des musulmans modérés et des musulmans intégristes, comme il y a des non musulmans modérés ou intégristes. Tomás de Torquemada (1420-1498) ne peut pas faire passer les chrétiens pour des intégristes, bien qu’il eusse représenté, à lui tout seul, toute l’intolérance de l’Inquisition espagnole. Tout est question de parcours et d’interprétation des textes sacrés et liturgiques, donc de personnalité et de culture. Or, en parlant des Maghrébins vivant en France (qu’ils soient Français ou non), un problème de taille réside dans le fait que certains n’ont pas encore fait l’apprentissage du pluralisme.

Disons-nous bien une chose : si, par un hasard de l’Histoire, les actuels intégristes islamistes s’étaient trouvés dans un Maghreb chrétien, dans les mêmes conditions culturelles d’unicité de la pensée, ils auraient été, à coup sûr, intégristes « christianistes ».

Ceux qui pensent qu’ils réussiront à leur faire ouvrir les yeux et à se remettre en question en s’attaquant à l’islam n’ont rien compris. Il faut s’intéresser à leur façon de regarder les choses et les aider à comprendre qu’il y a toujours plusieurs manières de lire et d’interpréter un texte sacré. La scolastique peut éventuellement nous inspirer et des exemples de cette multiplicité des interprétations existent à profusion dans l’Histoire de l’islam et dans la Sunna qui est la voie de Mahomet (qsssl), rapportée notamment dans sa biographie.

A propos des mosquées et des minarets de France et d’Europe
Comme tout un chacun, je ne trouve pas plaisant de voir que des prières sont organisées dans la rue, en bloquant la circulation. Parallèlement à cela et sans m’ingérer dans la politique intérieure de la France, j’ai été heureux de voir que, nonobstant la loi de 1905, beaucoup de collectivités locales ont décidé d’aider à l’attribution ou à la construction de lieux de culte.

Voici une idée qui pourrait paraître farfelue. Et si la prière du vendredi se faisait par Webcam ? Cela pourrait résoudre le problème dans les villes françaises qui manquent de mosquées et de salles de prières. Pas si farfelu que çà comme idée. De fait, la prière collective a été recommandée pour que les fidèles gardent contact entre eux et prennent des nouvelles les uns des autres. La prière du vendredi, elle, a été promulguée pour écouter la bonne parole, celle qui apaise et qui rappelle Dieu. Aujourd’hui, on peut prendre des nouvelles des uns et des autres par téléphone portable ou par Internet. De même, il est maintenant tout à fait possible de se réunir sur Internet et par Webcam. Les fidèles pourraient ainsi écouter le prêche du vendredi depuis chez eux et en temps réel. On criera, peut-être, à l’absurdité de cette idée. Qu’on se rappelle que, dans les mosquées où il n’y a pas suffisamment de place, les derniers arrivés prient dehors et ne voient pas l’imam et se contentent d’écouter sa voix. Cette situation existe même dans les pays musulmans et les fidèles s’en accommodent. Il restera toujours des musulmans qui voudront prier dans une mosquée et ce sera leur droit. Néanmoins, la demande diminuera fortement et le problème, qui paraît aujourd’hui insoluble, sera réglé, ne serait-ce que momentanément.

Parlant des minarets, j’ai été déçu à chaque fois qu’on montrait une mosquée nouvelle, bâtie ou destinée à l’être sur le territoire français. Déçu parce que dans les pays musulmans, les mosquées, anciennes notamment, sont toujours bâties dans un style architectural qui traduit la culture locale. Ainsi donc, les mosquées de Jakarta ne ressemblent en rien à celles de Tombouctou ou du Caire. Celles des médinas du Maghreb n’ont rien à voir avec celles de la péninsule arabique. Rien de plus harmonieux.

Mais alors, pourquoi une mosquée à Paris, ou à Strasbourg, ressemblerait-elle à une mosquée d’un pays musulman ? Pourquoi pas une mosquée dont le style s’inspirerait du Centre Georges-Pompidou à Paris et une mosquée à colombages à Strasbourg ?

J’ai compris l’appréhension des Suisses à autoriser la construction de minarets (pas des mosquées) dans leur pays. J’ajoute que lorsque j’ai vu l’un des rares construits en Suisse, j’ai malheureusement constaté que c’est un édifice qui évoque l’architecture des pays balkaniques. Je me suis alors rappelé que Mahomet (qsssl) n’avait pas de minaret à sa mosquée. Si les architectes savent que cet appendice est apparu plus tard, il convient de dire aux autres pourquoi il a été « inventé ». Historiquement, avec la croissance urbaine des villes musulmanes, les muezzins, qui se tenaient debout près du sol ou sur des toitures peu élevées, ne pouvaient plus faire parvenir leurs voix aux fidèles du fait des distances à couvrir. Il a donc fallu monter de plus en plus haut et le minaret a été inventé pour cela. Aujourd’hui, sur Internet, on peut télécharger légalement et gratuitement tous les appels à la prière qu’on veut et pour la ville du monde qu’on veut. Ces genres de programmes, que beaucoup d’Algériens utilisent quotidiennement en Algérie, comprennent les appels à la prière pour une année au moins. Les minarets continuent bien à être construits dans les pays musulmans mais n’oublions pas que, dans ces pays, l’appel à la prière se fait toujours par haut-parleur et qu’Internet couvre rarement l’ensemble du territoire.

Certains disent que le minaret n’est pas seulement pour appeler à la prière mais également pour servir de point de repère dans le tissu urbain. Ce que l’on appelle communément dans le jargon des urbanistes un « élément d’appel ». Ceci n’est vrai que dans un environnement urbain particulièrement homogène comme dans les médinas où tous le édifices se ressemblent de l’extérieur et où il était interdit de bâtir une maison plus haute ou plus basse que celle de ses voisins afin de respecter les vis-à-vis et de ne pas faire étalage de ses moyens financiers. De plus, il faut se tenir assez éloigné pour les voir. Les caravaniers utilisaient ses éléments comme points de repère visuels quand ils approchaient de la médina. Après ces explications, il devient clair que vouloir doter les mosquées, d’Europe et de France, de minarets est un non-sens.

Finalement, je crois que le problème de cette formalisation réside ailleurs. Il est dans le fait que certains confondent Islam et traditions de pays musulmans. Ils doivent se dire que l’islam n’est pas une religion réservée au monde arabe et qu’elle ne peut donc en aucun cas se contenter de telle ou telle esthétique. Dans le passé, les musulmans l’ont compris. Ils se sont alors ouverts sur les autres et cette ouverture leur a permis d’intégrer et de s’inspirer de différents styles pour construire des édifices très divers. Des édifices qui constituent, encore aujourd’hui, de pures merveilles pour les yeux de l’humanité.

Pour conclure rapidement, je dirais qu’à l’évidence, le débat sur l’islam et la laïcité ne gagnera pas à perdurer. Il faudra passer à construire des choses ensemble au lieu de continuer à constater et à subir.

De la révolte du monde arabe et des Algériens Harraga

Cet article a été publié sur Facebook le 19 février 2011.

En suivant les évènements des multiples révoltes dans le monde arabe, en Algérie en particulier, je me suis demandé si les différents présidents et gouvernements qui se sont succédés à la tête du pays étaient réellement les seuls responsables de tous nos maux ? Tout en comprenant parfaitement le désarroi et le ras-le-bol des manifestants, je me suis encore demandé : mais que fuient donc les Harraga ? Si ça se trouve, avant de se jeter à la mer, ces derniers n’avaient jamais rencontré de ministre ni de président. Et si cela venait d’ailleurs ? A coup sûr, c’est plus complexe qu’il n’y parait. Les Algériens ont l’impression d’avoir raté le coche de l’Histoire et cette impression, qui n’est pas totalement fausse, est renforcée par deux faits. D’abord l’existence de potentiels relativement importants en ressources naturelles qui ne se limitent pas aux hydrocarbures, ce qui fait d’eux des pauvres qui habitent un pays riche. Et puis le fait d’avoir vécu le rêve algérien. Un rêve encore plus prometteur puisqu’il est venu après cent trente deux ans de privations et de spoliations et qu’il a été amplement miroité par le pouvoir algérien alors en place.

Alors qui est responsable ? Tout le monde, à priori, a une part de responsabilité. Evidemment, elle est beaucoup plus grande du côté des gouvernants. Viennent ensuite les intellectuels, les universitaires et les cadres de l’indépendance qui ont vécu la dérivé et qui se sont tus et laissé faire. Rares sont ceux qui se sont débattus ou qui ont préféré claquer la porte plutôt que de cautionner ce système. N’empêche que les Algériens, d’une manière plus générale, sont responsables de ce qui leur arrive et ceux qui ne le sont pas payent comme ont toujours payé les bons qui consentent en ne disant mot. Pour autant, je ne les appelle pas à la révolution par la force car les révolutions armées de l’Histoire contemporaine ont toutes échoué. Je les appelle au réalisme. Celui qui consiste à débattre sans passion et à analyser sereinement, dans le but de se comprendre et de trouver des solutions.

Quelques décennies ont passé et nous avons connu la désillusion. Un climat de lassitude puis d’acariâtreté quasi généralisée s’est installé. Une façon de rejeter le système et d’afficher sa haine envers lui. Seulement voilà, quand cette acariâtreté et cette haine ne trouvent pas leurs visés destinataires, elles se déversent sur les compatriotes pour leur pourrir la vie dans ses plus simples expressions.

De ce fait, les guichets des administrations publiques deviennent le théâtre quotidien d’un accueil blasé et d’une aventure dont on ignore l’issue. Tout devient prétexte pour ne pas satisfaire à la démarche de l’usager et ce dernier, quand il ne connaît personne dans l’enceinte, use de faux sourires et de salamalecs pour obtenir ce qui devrait l’être de droit. Ces mêmes agents d’administration, en considérant la faiblesse de leurs salaires et en constatant l’impunité dont bénéficient leurs collègues et les grands voleurs d’Etat, basculent de la bureaucratie vers la corruption. L’usager n’a alors plus le choix. Il doit recourir à l’une des deux monnaies locales de substitution : le piston ou le bakchich. Aujourd’hui, il faut payer pour tout et rien. Les jeunes, aidés par le gouvernement à coup de prêts bancaires à faible taux d’intérêt, voire en partie sans, se heurtent aux banquiers qui leur exigent d’allonger dix ou vingt pour cent du montant demandé. Parfois, l’affaire semble juteuse et ces banquiers en veulent plus. Cinquante pour cent des revenus du projet par exemple. Certains renoncent à monter leur propre affaire et se mettent à chercher du travail, ils réalisent alors que les deux monnaies sont là aussi en vigueur. Cette pratique du pot de vin atteint son paroxysme quand des enseignants de l’école publique obligent tous leurs élèves (y compris les bons) à prendre des cours particuliers chez eux et malheur à ceux qui s’y refusent. Je pourrais écrire sur ces aspects-là à ne plus m’arrêter mais je déborderais. Au bout, quand même, il en demeure que l’Etat est le principal responsable de cette situation. Non seulement parce qu’il l’a provoquée par le passé mais aussi parce qu’il refuse de prendre ses responsabilités pour lutter contre ces fléaux.

Et comme si cela ne suffisait pas, la lassitude mue en un annihilant fatalisme pour une masse qui se complait à dire qu’on n’y peut rien. « Allah ghaleb ! ». Cherchez l’erreur !

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment avons-nous pu faire d’une aussi valeureuse et héroïque révolution que la notre, une pareille déconstruction ?

Je crois que les raisons sont multiples. L’une d’elles, pouvant sembler inopportune mais me tenant à cœur, réside dans le fait que nous avons mal géré la transition de la colonie vers l’état indépendant. Je vais vous raconter une anecdote pour bien me faire comprendre. A Palerme où je participais à une rencontre sur la musique, j’ai fait la connaissance d’un couple de touristes français et, de fil en aiguille autour de la table du petit-déjeuner, je leur ai dit qu’ils étaient partis trop tôt d’Algérie. La dame, un peu interloquée, rétorqua que c’était nous qui l’avions voulu. Je répondis que oui mais que les Algériens reprochaient moins aux civils français leur présence sur le sol algérien que le fait qu’ils se satisfissent du ravin qui séparait leurs conditions de vie de celles des autochtones. Point de vue qu’elle semblait partager.

Je ne sais pas si c’était le hasard ou le sixième sens qui avait poussé le flegmatique que je suis à discuter avec des « étrangers », Français de surcroît, d’un sujet aussi sensible, mais je sus au bout de la discussion que le père de la dame avait vécu à Constantine, ma ville natale. Deux moralités : d’une, on ne se déteste que quand on ne communique pas et de deux, les Algériens et les Français sont plus proches qu’ils ne croient même si la Méditerranée semble les séparer.

Qu’on ne s’y trompe pas, je ne renie pas mes origines et je ne remets pas en cause la légitimité de la lutte armée pendant l’occupation de l’Algérie. Cependant, je crois que les relations passionnées entre l’Algérie et la France restent exagérément tendues. Sans doute parce que le dialogue entre les deux reste trop formel et trop diplomatique. Si l’on peut comprendre que les politiques des deux rives y soient tenus, il est décevant de constater que les intellectuels qui s’en saisissent se jugulent souvent la pensée et l’expression, tenaillés entre le besoin de clamer un patriotisme que personne ne leur dénie et la peur d’être accusés de traîtrise. Quant aux causes de l’émigration de masse que connaît l’Algérie, ces mêmes intellectuels n’en parlent pas sous prétexte de ne déballer le linge sale qu’en famille. Un linge sale dont toute la planète connaît les dessous mais qu’elle ne nous colle pas au nez juste par décence. A mon oncle ancien moudjahid (ancien combattant) qui s’offusquait en évoquant les Algériens qui remettent cette question sur le tapis, je répondis : « Nous les avons jetés à la mer mais nous avons vite fait de les rattraper sur des radeaux de fortune ». Il n’eut pas de réponse.

Pour cohabiter il faut se comprendre et faire preuve dune tolérance qui est d’accepter l’autre avec sa différence. Une tolérance qui a fait que la nuit du 1er novembre (la Toussaint) de 1954, quelques heures avant que n’éclate la révolution algérienne, Mohamed Tahar Fergani, étoile montante de la musique andalouse à Constantine, animait le mariage de l’aîné de mes oncles tandis que, à peine quelques maisons plus loin, Raymond Leyris, déjà star, animait celui d’un voisin musulman.

L’Emir Abdelkader, considéré par beaucoup comme le fondateur de l’Etat algérien et qui a courageusement combattu l’occupation française, a accepté d’être décoré par cette république. A-t-il pour autant trahi ? Les constantinois qui continuent d’appeler leurs faubourgs par Lamy ou Saint-Jean et leurs rues par rue Thiers ou rue de France, trahissent-ils ? Je ne le crois pas. Mon ami Pierre Vaiana, un jazzman belge, m’a dit un jour que les Algériens étaient les seuls habitants d’un pays arabe en présence de qui il n’avait pas besoin de traducteur quand ils s’exprimaient en dialectal tant leur langage intègre de termes français. De même, les Français qui, en 1960, ont signé le « Manifeste des 121 » ont-ils trahi leur pays ? Les exemples sont pléthoriques.

Revenons aux colons. Certains ont fait partie de l’O.A.S., certains l’ont soutenue, ne serait-ce que par le cœur. Certains se complaisent encore dans la nostalgie de l’Algérie française avec tout ce qu’elle instituait d’injuste, à l’image de ceux qui ont condamné le film « Hors-la-loi » de Rachid Bouchareb avant même de l’avoir vu mais qui ne me font pas oublier de saluer l’institution française qui l’a en partie financé. A contrario, il y en a qui ont soutenu la révolution algérienne. Par les armes, par leur art ou par leurs prises de position.

Restent les autres. Etaient-ils responsables de ce qui nous arrivait quand ils étaient en Algérie ? Ils l’étaient au moins par leur silence face au drame que vivaient les autochtones. Responsables mais pas coupables. Parce qu’ils étaient colons, pas colonisateurs. Les vrais coupables sont ceux qui leur avaient promis l’Eldorado et qui les ont abandonnés à leur sort quand ils ont compris que la cause algérienne était en train de l’emporter. De retour en France, ils ont été surpris de voir que les portes des maisons étaient fermées alors qu’en Algérie elles étaient ouvertes. Terrible déchirure dont donne un aperçu un article qui rapporte que, de retour en France, les pieds-noirs ont fini par bien « s’intégrer ». En fait, ces pieds-noirs sont toujours assis entre deux chaises. De ce côté-ci de la Méditerranée, je me sens tout aussi déchiré qu’eux et combien j’ai été bouleversé, il y a quelques années, lorsque j’ai entendu un retraité pied-noir dire, face à la caméra d’une chaîne télévisée française, que son plus grand souhait était de se faire enterrer en Algérie.

Donnant l’écho à Juan Goytisolo qui a dit « Nos musulmans et nos juifs nous manquent. » en évoquant l’Andalousie durant la domination musulmane, je dis que nos bons pieds-noirs nous manquent.

Parallèlement aux pieds-noirs, une autre communauté se tient à part. Ce sont les harkis dont la question ne peut passer sous silence dans un tel propos. Lors d’un débat amical, une amie non harkie m’a dit que certains n’avaient pas eu le choix en tuant des compatriotes avant de fuir et de rejoindre l’armée de l’occupation. Elle faisait allusion à ceux qui avaient été spoliés de leur terre par d’autres Algériens. Elle me demanda ce que j’aurais fait à leur place. Je répondis que je ne me serais certainement pas laissé voler la terre de mes ancêtres sans rien faire. J’aurais même peut-être tué celui qui l’aurait fait ou tenté de le faire mais je me serais ensuite livré aux moudjahidine pour leur expliquer que je n’avais fait que défendre mon honneur et mon bien et je suis persuadé qu’ils m’auraient compris. Et s’ils ne te comprennent pas ? Relança-t-elle. Tant pis, répondis-je. Cela vaut mieux que de passer sa vie à se cacher ou, pire, de me mettre à torturer et à assassiner les miens.

Les harkis, dont je peux comprendre l’humiliation qui a atteint son apogée lorsque Georges Frêche les avait traités de sous-hommes, doivent admettre que si des excuses peuvent être invoquées pour certains d’entre eux, ils s’y sont quand même mal pris. Cette reconnaissance ne leur accordera probablement pas le pardon des Algériens mais ils y gagneront la paix de l’esprit et libéreront leurs enfants du joug de cette douloureuse mémoire.

Alors que faire maintenant ? Demander plus de visas pour les Algériens ? Demander à ce que les Algériens privilégient les entreprises françaises par rapport aux chinoises ? Relancer le « Traité d’amitié franco-algérien » ou se limiter à l’ « Union pour la Méditerranée » ? Ou alors attendre que le parlement algérien vote une loi qui reconnaisse la « cécité mentale » de la France en réponse à la loi française du 23 février 2005 qui reconnaît les « bienfaits » de la colonisation ?

Il est évident qu’il sera toujours subjectif de situer les responsabilités historiques en fonction du camp dans lequel on se trouve. Nonobstant, sans appeler à l’effacement de la mémoire, je plaide la réconciliation et la cohabitation œcuménique car, si nous continuons à nous jeter mutuellement l’opprobre et si des terrains d’entente ne sont pas trouvés, nous arriverons très vite à une impasse dont l’entrée est déjà visible.

Il n’est même pas utile d’en rappeler les enjeux. Il suffit de penser que le « Processus de Barcelone » a échoué et que l’ « Union pour la Méditerranée » vacille après la défection de Hosni Moubarak, d’autant qu’elle évacue certaines questions comme celle de l’immigration par exemple. Quant à la question de l’Islam de France et de l’Islam en France, je lui consacrerai prochainement un article à part. Aux sceptiques je confirme que les destins des deux pays sont liés pour toujours. Les mariages mixtes en témoignent avec, à l’appui, une ou deux générations de citoyens à la double culture. Et que dire de la grand-mère Algérienne d’Edith Piaf ou du grand-père Algérien d’Arnaud Montebourg ? Des bémols sanguins ? Bien au contraire, des richesses qui ont fait ce qu’ils sont de ces deux remarquables acteurs de la vie citoyenne de France.

A l’évidence, les gouvernants des deux rives peinent à trouver une sortie honorable pour chacun et je crois que les sociétés civiles et les intellectuels doivent s’impliquer davantage.

Il est temps de relire ces épisodes communs dans une plus grande sérénité. Il nous faut comprendre ce qui nous arrive et savoir ce qu’il faudrait que nous fassions. J’en débats régulièrement avec mes amis et j’avoue que j’ai hésité avant de publier ce que j’en pense. Les évènements que traverse actuellement le monde arabe sont peut-être pour quelque chose dans cette publication et, tout en déplorant les pertes humaines de ces drames, je m’incline devant le courage de Mohamed El Bouazizi en priant pour la paix de son âme. Le suicide serait proscrit en Islam. Mais un homme qui se sacrifie en s’immolant pour sauver des millions d’autres, mérite d’être glorifié. Un homme plus vivant lorsque mort.

Je me lance moi-même sans tarder et je propose de commencer par quelque chose de très simple : remplacer « repentance » par « reconnaissance » et « cécité mentale » par « erreur historique ». Ce ne sont pas de simples jeux de mots, les mots ne sont jamais un jeu. Ce sont des mots (ceux-là ou d’autres) qui sont les bienvenus s’ils peuvent contribuer à cicatriser la plaie, au lieu de continuer éternellement à la panser. Après cela, j’interpelle tous ceux qui croient en cette idée et je les invite à s’exprimer. De la discussion jaillira la lumière.

Bien entendu, les politiques des deux rives continueront toujours à proposer des solutions et à œuvrer pour leur réussite et personne n’est dupe au point de croire que les sociétés civiles arriveront un jour à imposer quoi que ce soit. D’ailleurs, à observer la sournoise (et maintenant plus discrète) boulimie de la mondialisation, ce seront les multinationales qui en imposeront le plus dans le futur proche, quand bien même l’on confie au FMI, ou à d’autres, le rôle de gendarme financier du monde. Néanmoins, je suis persuadé que les opinions de ces sociétés civiles ne peuvent pas ne pas influer sur les politiques. Il est même possible qu’elles constitueront des courants non négligeables qui, le moment venu, donneront du courage et de la légitimité à certains frileux. A coup sûr, elles permettront de mieux s’accepter et donc de mieux vivre ensemble ou côte à côte. Ce qui est en soi un objectif.

Le sujet fera couler beaucoup de salive et d’encre (numérique ou liquide). Certains internautes n’aimeront pas. D’autres déverseront, peut-être, leur haine de l’Algérie ou de la France. Qu’à cela ne tienne.