dimanche 22 décembre 2013

Algérie : Qui est candidat au système ?

Les pressions étrangères ont toujours accompagné les présidentielles algériennes, hydrocarbures et autres considérations obligent. Toutefois, elles auront été plus évidentes pour 2014 qu’avant. Entre marchands et guerroyeurs, la pression se fait depuis des points cardinaux mobiles et même le Maroc se saisit de l’opportunité pour régler des comptes. La récente déclaration du président français, en faveur de l’autodétermination pour les Sahraouis, lui arrive comme une réplique. Evidemment, cela n’est pas sans lien avec les marchés que la France vient d’obtenir en Algérie, rien n’est gratuit en politique. Ça coûte plus cher qu’avec les Chinois qui travaillent en toutes saisons, au point d’être désormais premiers exportateurs vers l’Algérie. Espérons, au moins, que ce sera qualitatif et que ça créera des emplois productifs. Pour l’instant, le peuple n’y pense pas. Oubliant momentanément les visas, il explique à François Hollande que son ministre de l’Intérieur n’avait rien à craindre en Algérie, alors que lui ne parlait pas de son ministre. Il attend aussi la Coupe du monde de football, au milieu de laquelle l’équipe nationale reviendra bredouille. Une autre dépense.

Le plus important n’est pas qu’Abdelaziz Bouteflika se présente aux présidentielles de 2014, son état de santé laissant, d’ailleurs, penser que non. Le plus important est qu’on continue à le croire, qu’on continue à le prendre pour le candidat du système. Or, candidat ou non, il ne représente actuellement qu’une partie du système. Il est su que ce dernier s’est scindé en deux tendances, chacune accusant l’autre de mauvaise gestion alors qu’elles géraient conjointement. Des chaînes télévisées privées se mettent subitement à décrier la gestion des institutions du pays, en présentant, par exemple, toutes les étudiantes des cités universitaires comme des débauchées. Ça sent la dénonciation intéressée. Qu’on ne s’y méprenne pas, il n’y a pas que des ramasseurs de miettes qui demandent à Bouteflika de briguer un quatrième mandat. Des Algériens ordinaires, de la région de Tlemcen ou non, le font aussi. Ceux-là sont des serfs consentants.

Dans la course, le premier projecteur a été braqué sur l’actuel Premier ministre, Abdelmalek Sellal, passant pour avoir la confiance de Bouteflika, et investi d’une certaine autonomie, du moins en apparence. Après ce qu’on a vu de sa faible expression orale, si on le voit toujours présidentiable c’est qu’on n’a personne d’autre ou qu’on prend le peuple pour de la plèbe. Une explication n’empêchant pas l’autre. Dans l’ombre des projecteurs, Ahmed Ouyahia, détesté par trop d’Algériens, et Mouloud Hamrouche qui n’aurait toujours pas l’intention de se présenter. Ce qui attire l’attention dans la candidature d’Ali Benflis, c’est le fait qu’il bénéficie du plus grand nombre de fans sur les réseaux sociaux. C’est-à-dire là où il y a le plus de critique du système et, en même temps, le plus de faussetés qu’au journal télévisé. On se rappelle aussi de cet inhabituel sondage qui l’avait donné gagnant avec 87% d’intentions de vote. Sans connaître les détails de son programme pour le soutenir ou non, j’ai de la considération pour Ahmed Benbitour depuis que, Premier ministre, il avait préféré partir, en 2000, plutôt que d’être un pantin. Je passe outre les lièvres anciens et nouveaux et les candidats islamistes que le Printemps arabe devrait disqualifier. Je dis, quand même, sur la candidature de l’écrivain Mohammed Moulessehoul, alias Yasmina Khadra, que la facilité avec laquelle ses tribulations avaient pris fin, pour devenir directeur du Centre Culturel Algérien à Paris, jette le doute sur son authenticité.

Bien que mal en point, Bouteflika reste le personnage central de ces élections. S’il ne se présente pas, il est impératif qu’il désigne un remplaçant, afin que le challenger soit étiqueté candidat du changement. Avec deux candidats non identifiés par le président sortant, il y aurait risque de dégénérescence ou d’implosion. Le candidat qui l’emportera sera celui qui saura faire le consensus auprès des deux tendances. Elles-mêmes le cherchent, elles sont trop intelligentes pour ne pas le faire. C’est là qu’il devra convaincre, tout en jouant le jeu de la campagne publique. En attendant que la girouette électorale se stabilise et dissipe le smog politique, je dis encore une fois que le véritable changement ne peut venir que des citoyens, par la conscience que traduisent la position et le comportement. A nous observer, ce n’est pas pour tout de suite.

Hichem Achi

mardi 27 août 2013

Qui fait le plus de mal à la Syrie ?

L’éventualité d’une toute prochaine frappe contre la Syrie ravive les tensions entre Arabes. Je n’aimerais pas que la Syrie devienne un autre Irak. Le massacre du 21 août 2013, à Damas, a définitivement fait passer ce conflit de l’atrocité à l’horreur. Même si les auteurs de cette attaque aux armes chimiques n’ont pas encore été clairement identifiés, je ne perds pas de vue que c’est le régime de Bachar el-Assad qui a rendu cela possible. Qu’on arrête de l’applaudir, 97,62 % de « oui » truqués s’en sont chargés en 2007 et ses stars se courbent devant lui autant qu’elles se dressent sur scène.

Il a accédé au pouvoir à 35 ans (en 2000), après un abracadabrantesque amendement de la Constitution qui en exigeait 40. A son investiture, il a promis une ouverture démocratique sur laquelle il s’est rétracté trois ans plus tard. Il a emprisonné et torturé des opposants, bien avant le Printemps arabe, et il continue à le faire. Il a interdit la messagerie instantanée et l’accès à Facebook et à Youtube, avant de les rétablir pour repérer et surveiller les opposants. Il a réprimé les pacifiques manifestations du 15 mars 2011 et d’après. Il a sacrifié quelques corrompus pour en épargner la plupart. Il s’est maintenu après avoir envisagé de céder sa place. Il a bombardé ou incendié des villes et des villages. On dira que les djihadistes tuent aussi. Oui mais s’il avait agi autrement depuis son accès au pouvoir ou aux débuts de la révolte, le changement se serait engagé dans la paix. Vite ou lentement mais dans la paix. Aucun djihadiste ne serait allé en Syrie.

Je pense toujours qu’el-Assad est moins mauvais gestionnaire que les islamistes. Cependant, quoi qu’il arrive, il est le premier responsable de cette tragédie. Des plus de 100 000 morts, des 2 millions de déplacés et des 4 millions de sous-alimentés. Il sera également responsable de ce qui arrivera aux révoltés s’il gagne. Si les Etats-Unis décident de frapper la Syrie, ils le feront, que les preuves d’utilisation d’armes chimiques soient établies ou temporaires. La Russie laisserait faire, avec son veto en faveur du marché syrien d’armes et d’autres. Bachar el-Assad songerait alors à fuir quelque part, en laissant derrière lui un peuple martyrisé et divisé. Son peuple. Il survolerait des ruines autrefois patrimoine mondial, en emportant son propre patrimoine autrefois patrimoine des Syriens.


Hichem Achi

dimanche 4 août 2013

Islamisme politique, laïcité et démocratie

D’abord acceptés comme palliatifs aux dictateurs arabes, les islamistes sont maintenant hués et détestés. Le déjeuner public à Tizi Ouzou, ce 2 août 2013, en plein ramadan, est une réponse à la chasse aux non-jeûneurs qu’engage l’Etat algérien depuis des années. Si je relie ces deux faits, c’est pour dire que l’intolérance dans les pays musulmans n’est pas spécifique aux islamistes. Aujourd’hui que l’islam est devenu première religion au monde, il est urgent de réfléchir à un système capable de garantir le bon vivre-ensemble dans ces pays. Pour ce faire et au regard de ce qu’on en a vu, les islamistes ne devraient plus jamais être au sommet du pouvoir.

Je passe outre leur alliance fictive ou réelle avec les Etats-Unis et Israël, durant les révoltes arabes. Les alliances peuvent être décisives, elles n’en demeurent pas moins conjoncturelles, donc changeantes. En illustration, John Kerry, qu’on croyait du côté des Frères musulmans, vient de déclarer que l’armée égyptienne a « rétabli la démocratie » en déposant Mohamed Morsi. Les islamistes ne sont pas seulement inexpérimentés en politique. Ils croient que la véracité du message coranique leur donne le droit d’imposer, même s’ils imposent une morale et non une foi. On pourrait se dire que la démocratie est l’instrument de la volonté du peuple et que l’islam n’oblige pas à devenir musulman. Que la démocratie et l’islam se rejoindraient là, donc. Seulement, des théologiens musulmans pensent qu’il n’est pas nécessaire qu’un pays soit majoritairement musulman pour que l’Etat le soit. Plus, certains pensent que c’est la charia qui légitime et non pas les urnes. Il ne faut pas comparer l’islam et la démocratie à tous les niveaux. L’islam est un dogme et une philosophie. La démocratie est un moyen de choisir. Elle n’a pas de dogme et permet de changer de dirigeant, de dogme et de philosophie.

La laïcité garantirait, entre autres, la liberté aux non-musulmans. Stratégiquement, elle permettrait de barrer la route aux sectes qui prolifèrent et au wahhabisme que les Etats musulmans ne savent pas contrer. Dans cette bataille contre le wahhabisme, l’Etat algérien forme des légions de théologiens, entièrement voilés pour beaucoup, et je me demande à quoi ils servent. L’argument de l’inutilité de référer à l’islam dans un pays musulman a montré son inefficacité. Pour preuve, la Constitution algérienne, qui interdit les partis fondés sur des bases religieuses, n’a pas empêché de les autoriser. Même que les Frères musulmans algériens ont été encouragés à fonder le Msp, pour qu’on l’oppose au Fis. Ce serait une erreur de copier la laïcité à la turque ou à la française. La turque s’est faite avoir par Erdogan, la française ne contraint pas ses islamistes. Idéalement, il faudrait une séparation de la religion et du pouvoir, avec des garde-fous permettant d’éviter des dérives de l’Occident. Et il y en a. A ce titre, l’islam resterait religion d’Etat. La morale n’est peut-être pas de l’exclusivité de la religion, mais elle s’en inspire souvent pour faire consensus en la matière. En résumé, il faut trouver le moyen de rendre réellement impossibles les partis fondés sur des bases religieuses.

Actuellement dans le monde arabe, le débat se réduit à des prises de position sur le conflit syrien et les crises égyptienne et tunisienne. Cela a au moins l’avantage de confronter les arguments. Ce débat doit pourtant aller plus loin, le contexte politique y est favorable malgré les tensions. L’Etat algérien ne favorisera pas ce débat et n’interdira pas les partis islamistes agréés. Mohamed Arkoun avait proposé de créer un institut qui étudie le fait religieux au lieu de la religion. Plus près du peuple, Michel Onfray a redémontré les merveilles que pouvait faire l’Université populaire. L’Etat pourrait au moins la concéder. Permettre de vulgariser une pensée musulmane contemporaine, la pensée musulmane ne produisant que dans un cadre universitaire et à son seul usage. L’Université ne provoque pas les évènements, elle les étudie. En amont, c’est le peuple qui élit ou qui se révolte.


Hichem Achi

mardi 30 juillet 2013

La paix des grands profiteurs

La députée Fln Asma Benkada a été interrogée par la police judiciaire. Son neveu, conduisant un véhicule de l’Assemblée nationale, le 24 juillet 2013 à Alger, a tué un enfant de 10 ans et a pris la fuite. Il est difficile de croire que la députée n’a pas remarqué que le véhicule de fonction avait été pris par son neveu et qu’il avait été cabossé. Bel exemple de la part de cette députée chargée de l’Education. Le fait qu’elle soit l’ex-épouse de cheikh Youssef al-Qaradawi, spécialisé dans la fatwa d’assassinat de chefs d’Etats, a-t-il un lien avec sa candidature sur la liste Fln ? On est tenté de le croire, au regard des positions du cheikh dans le Printemps arabe, contradictoires par rapport à celles du régime algérien, même si ce régime ne les exprime pas lui-même.

Dans le même temps, les scandales financiers se succèdent. Après ceux de Sonatrach et de l’Anep, voici celui de Sonelgaz. La Police fédérale suisse enquête sur un possible blanchiment d’argent et des cadres dirigeants de l’entreprise ont été placés sous contrôle judiciaire, en Algérie. La bataille au sommet de l’Etat fait rage et il y aurait des avantages à tenir jusqu’à l’échéance normale de 2014 pour la présidentielle. Plus de vérité éclaterait au grand jour. Ces scandales ne permettent pas que le règlement de comptes. Ils permettent aussi de préparer la privatisation éventuelle de grandes entreprises publiques. En partie, dans un premier temps. On se rappelle de la privatisation de Sonatrach qu’avait préparée l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khalil. Hugo Chavez aurait dissuadé Bouteflika de la concrétiser et, aujourd’hui, on dit que c’était plutôt le Drs (Renseignements algériens) qui avait tiré la sonnette d’alarme.

En attendant que d’autres imprudents ou cavaliers seuls se fassent attraper, le Premier ministre Sellal multiplie les concessions et les dotations illégales. Ses mains libres disent qu’il est le mieux placé pour être le candidat du régime, sous bannière Rnd, dans la présidentielle qui sera celle des Premiers ministres. Je n’irais pas jusqu’à dire que nous pourrions nous passer de président, mais je relève que Bouteflika aura été plus utile malade qu’en bonne santé, puisque la principale paix due à sa présence aura été celle des grands profiteurs, à coups de véhicules de fonction ou beaucoup plus. Plus que celle de la Concorde civile qui aura fait que des terroristes s’affichent avec indécence et laissent au maquis leur reliquat qui continue à tuer. Une élection anticipée serait pourtant meilleure, car le risque n’est pas dans la rareté des candidats consensuels, il est dans les débordements aux conséquences imprévisibles, au Sud, en Kabylie et ailleurs. Les actuels rassemblements populaires viennent surtout suite aux enlèvements, viols et assassinats d’enfants. Ils dégénèrent déjà un peu en cassant des vitrines et des véhicules de citoyens innocents. Pour nous rappeler qu’il y a le feu sous la paille.


Hichem Achi

jeudi 25 juillet 2013

Où sont passés nos ambassadeurs ?

Le monde arabe est en ébullition, les diplomaties du monde s’activent pour faire pencher la balance et la diplomatie algérienne est absente. Qu’on ne nous dise pas qu’elle est discrète. La discrétion n’a même pas permis de trouver un terrain d’entente avec le Maroc plus que voisin.

Bouteflika aurait décidé de rappeler définitivement Missoum Sbih, ambassadeur à Paris, alors que ce dernier était proche de lui. Difficile de croire que c’est parce que ce diplomate n’était pas au courant qu’il y avait des Algériens en France. De l'avis de nos émigrés, nos diplomates en poste à l’étranger le sont rarement. Aussitôt rentré à Alger, Bouteflika aurait bloqué les listes ministérielles de nouveaux ambassadeurs, consuls, magistrats et walis. Il attendrait de changer les ministres de l’Intérieur et de la Justice. Ce n’est pas Bouteflika qui a bloqué ces listes. Elles ont été bloquées pour les remanier à l’obédience de son successeur et cela confirme ce que ses trois mois d’absence ont démontré : le président ne décide plus de rien.

Dans un gouvernement qui ne se réunit pas parce qu’il ne décide pas, lui non plus, notre diplomatie se fait toute petite. Elle craint les élections de 2014, l’armée, les journalistes et les grandes puissances. Cela fait beaucoup et ce n’est pas tout. Elle craint aussi l’immixtion du FBI, au point de ne pas poursuivre en justice Ali Khadraoui, ancien diplomate en poste aux Etats-Unis et soupçonné de corruption.

Qui pourrait bien nous représenter à l’étranger ? Cheb Mami ? Même sa voix ne réussit pas à faire passer les 200 000 euros que l’Algérie a déboursés pour le libérer de prison. Miss Algérie 2013 ? Elle a certes défilé vêtue de la tenue la plus prisée par les Algériens, le survêtement, mais son niveau intellectuel, critère qui serait le plus important, ne se voit pas beaucoup. Les délégations civiles, qui partent en Syrie par exemple ? Elles sont motivées par le désuet panarabisme ou par le baklava de dictateur. Le miel, ça adoucit le Palais et ça tient la langue. En attendant de connaître qui seront nos futurs ambassadeurs officiels, ceux qui nous représentent le mieux à l’étranger sont anonymes. Ils sont loin des projecteurs et leur conscience est leur seule feuille de route. C’est la représentation qui marque le plus là où elle se trouve.


Hichem Achi

mardi 23 juillet 2013

Prochainement sur le monde arabe et l’Europe

L’Union européenne vient de classer « organisation terroriste » la branche armée du Hezbollah, et les Etats-Unis s’activent pour préparer un accord israélo-palestinien. Je l’ai dit précédemment, cet accord veut se conclure pendant que la plupart des Arabes encouragent Bachar el-Assad à épuiser avec lui l’Iran et le Hezbollah et que, comme moi, peu refusent de choisir entre lui et les djihadistes. Les Tunisiennes parties en Syrie faire le djihad du sexe rentrent enceintes. Puisqu’elles veulent toujours émigrer en Europe, pourquoi n’y emmèneraient-elles pas leurs illégitimes enfants ? Ils alimenteraient l’ « adoption pour tous » qui arrive, ou raviveraient la démographie européenne en berne. Avec ou sans adoption, l’Europe deviendra inévitablement plus basanée, et elle aura encore plus peur de contrôler sous le niqab qui la vainc déjà. L’Eurabia, comme certains l’appellent.

En se dirigeant vers l’Europe, les Nigériens traversent le Maghreb ou s’y installent. Le Maghreb doit les attraper deux fois, aux frontières du Sud et sur la côte. Les frontières du Sud étant plus difficiles à surveiller que les côtes, il entre plus de Nigériens qu’il n’en sort et cela donne l’immigration. Un autre sujet. S’ils ne donnent pas l’assaut à Ceuta et à Melilla, où des Espagnols les repoussent avant de venir eux-mêmes travailler clandestinement au Maghreb, ils s’installent dans la région algérienne de Msila. L’Algérie ne les y attrape pas, elle attrape pathétiquement ceux qui ne jeûnent pas pendant le ramadan. Pour l’instant, il n’y a qu’Aqmi et les sociétés pétrolières qui traversent entièrement l’Algérie du Nord au Sud. Un sens dans lequel lucratif et mortel se recoupent.

Sur le monde arabe, une conférence internationale devrait se tenir dans les prochains mois et même l’Iran y participera, avec le nouveau président, plus favorable au dialogue. En contrepartie, on lui proposera de consolider les récents acquis géostratégiques du chiisme. Les grands perdants du Printemps sont les pays Arabes et l’Europe. La France, particulièrement. Pour elle, ladite conférence sera plus un nouveau Yalta qu’un nouveau Sykes-Picot. Alors que leurs politiques étrangères, économiques et migratoires n’ont pas brillé ou ont échoué, les pays arabes et l’Europe ne veulent pas fonder des relations nouvelles. Sans action, le possible ne l’emporte jamais sur le probable, et le probable est que les exclusivités du passé ne dureront pas éternellement. Les temps changent, les aspirations des peuples aussi. On peut s’attendre à ce que, à cause des crises, de nombreux Arabes d’Europe connaîtront un excès de déception et de précarité et retourneront vers leurs pays d’origine. Cependant, il y aura du lobbying pro-arabe parmi ceux qui resteront en Europe, et ceux qui rentreront ne feront pas tous du lobbying pro-européen. Se sentant blousés et retrouvant ce qui les avait fait partir, ils en voudront aux responsables de leurs deux exils.


Hichem Achi

mercredi 17 juillet 2013

Que revient faire Bouteflika ?

Bouteflika est de retour à Alger, accompagné d'un communiqué qui dit : « Ayant achevé la période de soins et de réadaptation fonctionnelle qu’il suivait en France, M. le président de la République a regagné Alger ce jour, mardi 16 juillet 2013, où il poursuivra une période de repos et de rééducation ». Pas de changement notable, donc, même si on pourra dire que la réadaptation est différente de la rééducation et même si les images qu’en a montrées la télévision sont l’acte deux de la mise en scène de la réunion de travail aux Invalides.

A l’évidence, Bouteflika est dans l’incapacité d’assumer ses fonctions. Que revient-il faire à Alger ? Pourquoi ne poursuit-il pas sa rééducation en France, maintenant que la honte est bue et que tout le monde sait qu’aucune structure sanitaire algérienne n’est capable de le prendre en charge ? Sa santé étant ce qu’elle est, peut-être son retour permet-il des choses qui auraient été indiscrètes en France, genre imminent. Rassurer l’opinion publique n’est plus nécessaire. Formatés à l’idée du chef qui décide de tout, les Algériens ont compris que le pouvoir décisionnel est ailleurs, en voyant que le pays a fonctionné pendant les 82 jours d’absence du président. Ils ont le sentiment que Bouteflika les a leurrés puis abandonnés. A moins qu’on veuille calmer certaines parties de la population.

On ménage les chômeurs en colère de Ouargla et on chouchoute la Kabylie. Les deux sont liés et, comme chacun sait, pour être recruté à Ouargla il faut passer par Tizi Ouzou. Comme quoi, revendiquer son identité n’empêche pas de faire des calculs. Successivement, Tizi Ouzou a le taux le plus élevé de réussite au baccalauréat 2013, le Conseil des ministres adopte une liste de 300 prénoms kabyles alors qu’il ne s'était pas réuni depuis décembre 2012, le Premier ministre annonce un budget complémentaire de 1000 milliards de centimes pour la wilaya et promet de l’accompagner dans son développement. Le président de la République n’avait pas fait mieux, lui qui avait fait le kabyle (tamazight) langue nationale sans référendum. Désormais, si on est kabyle, on est susceptible de rallier la cause des séparatistes et on a donc une chance de devenir privilégié, à côté des anciens moudjahidine, de leur descendance et des terroristes repentis. Et tant pis pour les non-fauteurs de troubles.

Les félicitations au chef d’Etat se succèdent, plus intéressées les unes que les autres, et le Fln fera peut-être une trêve interne, en retrouvant un patron virtuel qui ne fera plus peur mais qui fera patienter. L’Assemblée nationale ne peut plus déclarer le président inapte à diriger, puisqu’il est officiellement en meilleure santé. Si les décideurs le convainquent, il démissionnera comme Bendjedid en 1992 et Zeroual en 1998. L’Algérie deviendra la République où les présidents démissionnent le plus, pour mourir dans un lit ou parce que les moutons ne méritent pas mieux. Une forme d’alternance où seuls les super électeurs votent, et qui n’est pas certaine d’éviter le Printemps ou de garantir l’unité du territoire.

Hichem Achi

mardi 16 juillet 2013

Sociétés civiles arabes, entre instinct et idéologie

Ce 14 juillet 2013, le président français a été sifflé et hué par des opposants au mariage homosexuel, du mouvement Printemps Français. A première vue et au-delà de l’irrespect de la date, l’adoption de la loi n’a pas clos le débat. En réalité, le malaise des Français est plus grand. La France vient de perdre son dernier triple A, l’euro est remis en cause, le chômage augmente régulièrement, les capitaux fuient le fisc, les délocalisations ne s’arrêtent pas, les centrales nucléaires sont abandonnées, le gaz de schiste fait peur, l’opposition est mal en point, l’intégration est un échec et le timbre Marianne est inspiré d’une non-française. Malgré ces problèmes et bien d’autres, l’Etat est debout et on cherche des solutions.

Plus largement qu’en France, le monde se réveille en s’indignant et, l’indignation changeant peu ou prou les choses, une post-indignation s’annonce. Pendant que le monde s’organise civilement, le monde arabe demande à l’armée à l’organiser. Je me rappelle de ce slogan populaire algérien, du temps où je baignais dans une ambiance familiale communiste, de mon côté maternel (j’ai connu d’autres expériences, depuis). On scandait « الجيش، الشعب، ضد الرجعية » (L’armée, le peuple, contre l’intégrisme.) Sous entendu, l’intégrisme religieux. Dans ce slogan, l’armée arrive avant le peuple, le fusil est sollicité avant la conscience.

En Algérie, heureusement en retrait par rapport au Printemps arabe de la désillusion, la tendance est au rejet de l’islamisme politique et au plébiscite de l’armée. Tant mieux pour le rejet, dommage pour le plébiscite. A présent, les islamistes sont plutôt perçus comme des alliés de l’Occident planificateur du Printemps. Tout en sachant que les alliances sont plus répandues et plus complexes, je relève que les Arabes privilégient toujours la force au débat et supportent indéfiniment ceux qui leur font peur. C’est respectivement humoral et humain. Contradictoire, cependant, de la part de ceux qui disent vouloir en finir avec les régimes militaires.

Je reviens à la France qui est toujours un eldorado aux yeux des Algériens. Ceux qui n’y sont pas veulent toujours y aller, et ceux qui y sont restent malgré la crise. Que reviendraient-ils faire, à part exploser les prix de l’immobilier et faire échouer un peu plus l’arabisation ? Point positif ou négatif, selon l’émigration ou l’immigration, ils s’intégreraient comme s’ils n’avaient jamais émigré.

De par ma vision que je simplifie, ceux qui réfléchissent et critiquent dialectiquement sont les intellectuels. Parmi eux, ceux qui proposent sont l’intelligentsia. Enfin, parmi ces derniers, ceux qui ont du pouvoir sont l’élite. La société civile se rallie à l’intelligentsia ou à l’élite, elle est vigilante ou révolutionnaire pour que le civil l’emporte sur le militaire et le religieux. La révolte étant déclenchée par l’instinct et la révolution par l’idéologie, je persiste à dire que le Printemps arabe est un ensemble de révoltes et non de révolutions. Il est périlleux que l’instinct et l’idéologie se mélangent. Cela peut arriver quand il y a menace perçue ou réelle sur la patrie ou la religion. Dans les pays arabes, l’islamisme est le plus périlleux des deux, car il fait passer la religion avant la patrie.

Plutôt que de demander tout et son contraire, il faut réfléchir à comment prévenir le plus possible les abus éventuels des gouvernants. La transparence est un moyen, à condition de dépasser la classique liberté de la presse et de garantir l’accès à l’information, et pas seulement pour les journalistes. Les débats de l’Assemblée nationale pourraient être transmis intégralement et en direct sur une chaîne télévisée créée à cette fin. Puisqu’on lâche plus facilement la partie que le tout, il ne faut pas obtenir satisfaction à toutes ses revendications d’un coup. Sinon, c’est le coup d’Etat. C’est sur des revendications ponctuelles et progressives que les intelligentsias et les sociétés civiles arabes doivent se concentrer.


Hichem Achi

dimanche 14 juillet 2013

Plus largement qu’en Syrie

Les Etats-Unis n’interviennent pas directement en Syrie, ils ne veulent pas d’un deuxième Irak et leurs difficultés économiques aiment bien que des pays du Golfe financent la guerre contre el-Assad. Même si la politique étrangère est le point faible d’Obama, le temps joue en sa faveur. Qu’el-Assad gagne la guerre, pourvu qu’il épuise avec lui l’Iran et le Hezbollah, et surtout qu’il les retienne le plus longtemps possible. Le temps de laisser se construire, peut-être, quelque chose entre le Hamas et Israël. Je ne crois pas à la coïncidence en voyant le Qatar financer le Hamas, au moment où ce dernier se démarque du Hezbollah. Les Etats-Unis ont remercié l'émir du Qatar et exigé de son successeur plus de discrétion, pour arrêter de faire de l’ombre à leur fidèle allié dans la région, l’Arabie Saoudite. Le Qatar doit à présent calmer la folie des grandeurs qu’on lui avait tolérée ou suggérée. Il met en sourdine son cheikh al-Qaradawi et sa chaîne télévisée Al Jazeera. Le cheikh fait haïr l’émirat par ses appels au djihad dans les pays arabes et la chaîne concurrence au-delà de la région.

La Chine aussi gagne à l’abdication de l’émir du Qatar. En plus de son implication dans le conflit syrien, l’émirat était trop vorace dans ses investissements à l’étranger, particulièrement en France. Au passage, je fais remarquer qu’outre la rentabilité, l’investissement qatari en France veut le prestige, alors que l’investissement chinois veut délocaliser les enseignes françaises mythiques et déplacer le pôle d’attraction culturel de l’Europe vers l’Asie. La Russie gagne aussi, en devenant encore plus incontournable dans la gestion des grands conflits armés. L’Union européenne perd, parce que sa position n’est pas unifiée et qu’elle est accaparée par sa crise financière et culturelle. D’ailleurs, la crise culturelle de l’Europe n’est pas sans conséquences sur ce qui se passe dans le monde arabe.

En effet, les pays de l’Europe de l’Ouest servent souvent de modèle, en raison de leur développement et des libertés qui y règnent. Pour des considérations liées au fait colonial, également. Or, ces modèles s’essoufflent et sont, par exemple, dans l’incapacité de répondre aux revendications croissantes de leur multiculturalisme. En l’absence d’un modèle laïc probant dans les pays musulmans, aucun modèle endogène ne suscitera la confiance, donc l’adhésion, s’il ne fera pas référence à l’islam. En plus, la religion est un instrument trop puissant pour ne pas être exploité par les politiciens, et même si la plupart des musulmans arrivent un jour à distinguer entre islam et islamisme politique, il y aura toujours intérêt à amalgamer.

Ceci pour dire que l’islamisme politique n’est pas mort, contrairement à ce que dit el-Assad après la chute des Frères musulmans en Egypte. Il l’a dit pour insinuer que c’est soit son autoritarisme soit l’islamisme, occultant tout autre courant politique, donc toute autre solution que lui. Le régime algérien l’a aussi dit, à travers son porte-voix dans ses partis satellites, Amara Benyounes, pour tacler la coalition islamiste qui se prépare. Un mot à propos de la délégation algérienne partie en Syrie soutenir el-Assad, quand le prudent officiel ne le soutient pas directement. Je rappelle que les réseaux sociaux l’ont encouragé à s’accrocher au pouvoir alors qu’il envisageait de partir. Je ne pense pas aux djihadistes venus de l’étranger, et que je dénonce. Je pense aux opposants syriens qui paieront lorsque les délégations seront reparties et que les internautes arabes reviendront à leurs autres « like ».

Avec l’islamisme politique, la solution est de le confronter à la responsabilité pour que les sociétés comprennent que la religiosité n’est pas synonyme d’essor. Les sociétés qui n’essaient pas leurs islamistes sont les plus susceptibles de les essayer dans la crise, là où l’affolement fait se jeter sur la première bouée venue. L’Algérie a payé le prix de la brutalité dans leur mise à l’écart et l’Egypte commence à le faire. En Syrie, en Egypte et en Libye, les Arabes sont les plus grands perdants. Les Arabes veulent les libertés et le développement de l’Occident, en les important sans autre effort. Dans l’impossibilité de le faire, ils préfèrent émigrer que réfléchir à un système de gouvernance adapté à leur réalité. Que serait la colère des Algériens, par exemple, s’il n’y avait plus de pétrole ? Entre autres importateurs de solutions, des islamistes proposeraient de la liturgie. Une grande partie de la société suivrait.


Hichem Achi

mardi 9 juillet 2013

Du pain et de la domination

Sur la destitution du président égyptien, la plupart des Arabes se sont rangés du côté de l’armée, sous prétexte qu’elle aurait agi sur revendication populaire. Depuis quand le ras-le-bol populaire justifie-t-il de placer en résidence surveillée un président de République démocratiquement élu ? Sans parler des mandats d’arrêt lancés contre les Frères musulmans. L’intention d’associer les islamistes au gouvernement de transition ne les calme pas, les manifestations pro-Morsi font des morts et les Frères appellent à l’insurrection. La guerre civile est donc aux portes. Le parti salafiste Al-Noor, lui, vient de se retirer des négociations. Participer à ce gouvernement serait une reconnaissance de sa légitimité, donc de la légitimité du coup d’Etat. Grâce à l’armée, le peuple et les dignitaires religieux, les Frères musulmans ont une excuse à l’échec de leur gestion. En Egypte, ils redeviendront victimes, passées la colère et la liesse. Ailleurs, on les soutient, rajoutant à l’inconfort des gouvernements. La gestion de Morsi ne doit pas faire oublier qu’avant lui, les finances de l’Egypte étaient dopées par les aides étrangères, en particulier l’aide étasunienne à l’armée. Une autre raison du mécontentement des militaires. Si ces aides ne reviennent pas vite, la place Tahrir, désormais baromètre et porte-voix d’un certain pouvoir, risque de chauffer à nouveau. Cette fois-ci pour mesurer la désillusion.

Avant le soutien des Egyptiens à l’illégale destitution, on aurait pu penser que la République était en train de naître. Leur recul rend incertaine cette naissance. Dans un précédent article, j’avais à moitié plaisanté en me demandant si les Algériens, et les Arabes par extension, ne feraient pas mieux de laisser tomber la démocratie « classique ». Je me le demande toujours. Ils ne s’inspireront de la résistance civile de Gandhi qu’en ultime recours, celle-ci permettant difficilement de se cacher et d’attendre que ça se termine. Beaucoup d’entre eux admirent la Révolution française, à cause de ce sur quoi elle a débouché. Ils ne pourront pas la copier, les sociétés et les époques ne sont pas les mêmes. Ils mélangent l’ordre des étapes, en plus, comme en Egypte où la fronde vient après un scrutin accepté.

En Algérie, on procède aux essais d’un prototype de drone fabriqué localement. Si j’en parle, c’est qu’en plus d’être un exploit, ce drone militaire aura été produit avant les véhicules civils de Renault, par exemple, et le parallèle est un clin d’œil au militaire et au civil. Qu’on se rassure, on l’a annoncé, on n’utilisera pas de drones mais des patrouilles supplémentaires pour assurer la sécurité des Algériens pendant le ramadan de la piété. Plus politiquement, Bouteflika serait sur le point de rentrer au pays, après l’anniversaire de l’Indépendance nationale, comme il est rentré au pays après la révolution de 1954 puis après la décennie noire. Afin de ne pas en arriver, éventuellement, à destituer son successeur, faudrait-t-il se joindre à ceux qui lui demandent de devenir Président à vie ? Encore une fois, non. Je me ravise, en me disant qu’un peuple souverain a le droit de prendre en main son destin ou de le confier à qui il veut. Comme les Egyptiens et d’autres, les Algériens ne veulent pas avoir moins de pain. Instinctif, le pain, quoique primaire. Si leur armée venait à prendre le pouvoir, ce serait probablement anticonstitutionnel mais philosophiquement justifiable. Ça voudrait dire que le peuple s’est trompé de revendication ou que je me suis trompé de peuple.


Hichem Achi

jeudi 4 juillet 2013

Algérie : Bilan contradictoire à 51 ans moins un jour



51 ans, c’est court pour un pays, long pour un coma populaire. Prenons du bilan quelques instantanés. Un : A la veille de l’anniversaire de l’indépendance, le président de la République est convalescent dans le pays auquel il réclamait l’indépendance. Deux : Des élus (députés Fln et Rnd) refusent de débattre de la corruption dont se plaignent ceux qui les auraient élus. Trois : Des tricheurs au baccalauréat 2013 veulent entrer à l’Université et en sont empêchés par des tricheurs devenus universitaires. Par calcul, ledit bilan ne chiffrera pas nos contradictions. Une bonne nouvelle, quand même. La hausse des indemnités des députés est remise en cause, sur dénonciation populaire, preuve que cette dernière n’est pas vaine. Si on évite la provocation, c’est que le pouls de l’opinion publique est un branle-bas de paix fragile.



En Egypte, la Constitution est gelée et Adly Mansour, l’intérimaire de Mohamed Morsi, prête serment en jurant de la respecter. Les Egyptiens sont en liesse à l’annonce du putsch militaire contre leur premier président démocratiquement élu, alors qu’ils réclamaient la démocratie. Ces deux observations me rappellent que la contradiction est humaine. Arabe aussi, donc. Pendant que d’autres pays arabes se révoltent dans la rue, les Algériens suivent leur équipe nationale de foot et attendent le ramadan pour s’énerver le jour et s’empiffrer la nuit. La révolte qui leur est souhaitée ravive leur souvenir des années 1990, à quelque chose malheur est bon. Ils ont vu que l’islamisme politique est explosif, directement ou par réplique. Malheureusement, la cherté d’une leçon ne la fait pas retenir par tout le monde.



A plus grande échelle, l’indignation qui se manifeste dans le monde évoluera et sa persistance fait réfléchir plus que ne l’a fait son démarrage. La précipitation est-elle plus dangereuse que la passivité ? La question est trop ancienne pour avoir la même réponse dans tous les contextes, et la ténacité la contourne. Si les gouvernants ont toujours abusé, la médiatisation de leurs abus est, aujourd’hui, telle que se taire serait un appel au féodalisme nouveau. Améliorer le monde au lieu de le refaire, ce serait une autre mondialisation. Bonne, celle-là. L’améliorer en consolidant les réseaux planétaires d’entraide et de partage, d’informations et d’expériences, par exemple.



Le Mouvement citoyen des Algériens de France (Mcaf) appelle à se rassembler devant l’hôpital des Invalides où se trouve le président algérien. A l’intérieur du pays, presque personne ne parle du 5 juillet. Plus loin qu’un bilan, les Algériens doivent se projeter dans une dynamique mondiale. Ils doivent concevoir la différence et pas seulement l’accepter, passer du compromis conjoncturel à la modération permanente, s’ouvrir sur les autres et arrêter de penser que tout ce qui vient de l’étranger est un complot. Ils doivent comprendre que le nationalisme est un barbelé qui, déroulé par le patriotisme, crée un espace d’isolement et de médiocrité.



Hichem Achi

mercredi 3 juillet 2013

Qui a réellement déposé Morsi ?

L’armée égyptienne vient de déposer le président Mohamed Morsi. La Constitution est gelée, l’intérim sera assuré par le président du Conseil constitutionnel et un gouvernement provisoire sera constitué de technocrates. Profitant des manifestions qui ont commencé le 30 juin 2013, un an après l’élection de Morsi, l’armée a adressé à ce dernier un ultimatum de 48 heures pour « satisfaire aux revendications du peuple ». Plutôt court comme délai, et de la part d’une armée qui n’avait adressé aucun ultimatum à Moubarak. La menace vient d’être mise à exécution, après que le chef d’Etat ait rejeté l’ultimatum et que cinq ministres et deux porte-paroles aient démissionné.

Morsi a écarté les tendances politiques qui l’ont aidé à gagner les élections et a engagé une « frérisation » de la culture et des mœurs égyptiennes. Les touristes et les investisseurs boudent son pays et les pénuries se cumulent. Sa solution, d’emprunter au FMI, n’est sûrement pas la plus brillante et les islamistes sont en train de montrer que ce sont de piètres politiciens. Néanmoins, déposer un chef d’Etat démocratiquement élu est-il une bonne solution ? Entre autres contacts, le chef d’état-major étasunien a contacté son homologue égyptien, avant l’annonce du coup d’Etat qui prétend ne pas en être un. Cela confirme que le Printemps arabe est sous surveillance, afin qu’il respecte sa feuille de route. Enfin, le coup d’Etat a une autre conséquence. Il rend dérisoire toute légitimité dans les élections à venir.

On peut se demander qui vient de déposer Morsi. Lui-même, les Frères musulmans, le peuple, l’armée ou les Etats-Unis ? Quoi qu’il en soit, si la démocratie est fragile dans les pays arabes, ce n’est pas seulement à cause de la domination de l’armée, c’est aussi à cause de l’immaturité des populations. Je ne prétends pas savoir mieux que les Egyptiens ce qu’il leur faut. Je dis qu’en cautionnent l’armée et en refusant de négocier avec le gouvernement, ils ont ouvert la porte à tous les possibles. Longtemps privés d’expression et grisés par leur victoire contre Moubarak, pas nécessairement contre son régime, les Egyptiens croient que le mot « dégage » est un sésame. Comme à Moubarak et à Morsi, ils le diront peut-être à d’autres. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que l’autoritarisme ne disparaît pas juste en rasant la barbe ou en camouflant le fusil. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que le peuple est le meilleur garant de la démocratie et que le débat est l’un de ses piliers.


Hichem Achi

lundi 1 juillet 2013

Les Frères musulmans au pouvoir : propulsés ou incompétents ?

Ne pensant pas, comme les salafistes, que la véracité du message divin les exonère de réflexion et de novation, les Frères musulmans pensent, quand même, que la moralisation de la vie publique est préliminaire à toute solution. Aujourd’hui confrontés à la réalité, les principes s’avèrent être trop peu détaillés pour être immédiatement applicables dans le contexte. Dans le passé, les Frères musulmans ont divergé entre ne pas participer au gouvernement pour ne pas se corrompre, et y participer pour influer un tant soit peu sur sa politique. Là où c’est possible, ils ont choisi la deuxième option. D’abord pour acquérir de l’expérience. Puis, parce qu’ils sont épuisés d’attendre et qu’ils sont persuadés que le changement est plus rapide par le haut.

En Egypte, à l’écart du pouvoir exécutif depuis Nasser, la chute de Moubarak a été pour eux une occasion inespérée de parvenir enfin. Avec la possibilité de minimiser les concessions, puisque tout serait balayé et complètement refait. Si les artistes et les intellectuels qui dénoncent ce qu’ils appellent la « akhwana » (je traduirais par : frérisation) de la culture doivent être entendus, demander à Morsi de partir un an seulement après son arrivée est insensé. Autre remarque, il est inhabituel que ce soit l’armée qui donne cette estimation de plusieurs millions d’Egyptiens (17, selon la presse internationale), manifestant contre Morsi, le 30 juin 2013. Cela confirme que l’armée égyptienne ne soutient pas son président qui veut la mettre au pas. Cela fait douter qu’un tel rassemblement ait pu être organisé exclusivement de l’intérieur. Mais, pourquoi cet étranger, planificateur du Printemps arabe, chercherait-il à déstabiliser les Frères qui l’ont aidé pendant ces révoltes ? En aidant les islamistes à accéder au pouvoir puis en les déstabilisant, cet étranger les discrédite aux yeux de leurs peuples et justifie le retour de l’armée, son véritable allié. Persuadés que la démocratie ne leur sied pas et que la dictature est le régime le moins mauvais, ces peuples se soumettront.

En Tunisie, une entente entre les Frères musulmans, les autres tendances politiques et la société civile, est possible. Le projet final de Constitution a commencé aujourd’hui même à être débattu, bien que la troïka islamiste (Ettakattol) n’ait plus la majorité requise aux deux tiers, à l’Assemblée nationale constituante. Que cela aille ou non au référendum, le problème de l’islamisme tunisien est qu’il n’a pas l’expérience du pouvoir, encore moins qu’en Egypte, ainsi que dans l’instabilité que pourrait occasionner l’entêtement des salafistes. Ces derniers ne font pas de concession et les heurts qui ont éclaté entre les autorités tunisiennes et Ansar al-charia, en mai dernier, ont prouvé qu’ils ne se soucient pas de légalité lorsqu’ils activent.


En Algérie, les Frères sont entrés au gouvernement et ont bénéficié d’une certaine indulgence grâce à leur soutien contre le terrorisme. Ils ont perdu en crédibilité en soutenant le candidat du régime pendant des années et leurs ministres soupçonnés de corruption ont fait scission. Au sein de leur principal parti, ils font face à deux défis. Dépasser l’aversion engendrée par le terrorisme islamiste des années 1990 et réintégrer l’opposition avec un nouveau chef politique non charismatique. Plus inquiétants depuis qu’ils tentent de se coaliser avec les autres partis islamistes, ils serviront d’épouvantail, bénéfique au candidat du système, aux prochaines élections présidentielles. Dans le scénario de la main étrangère que j’ai évoqué, le risque est plus faible qu’ailleurs que les Frères prennent le pouvoir. Ce qui justifierait le retour de l’armée serait, alors, la déliquescence des institutions et la menace de chaos, accélérées par l’absence du chef d’Etat, convalescent depuis plus de deux mois à Paris.

Si la sournoiserie est banale en politique, elle est moins tolérée pour les Frères musulmans car, aux yeux des gens, ils sont censés ne pas mentir. Au regard de cette sournoiserie, on comprend pourquoi certains craignent que les islamistes, en général, prennent le pouvoir par la démocratie pour abolir la démocratie. La démocratie n’est pas parfaite, mais il faut savoir qu’elle n’a pas été inventée sous ce nom puis améliorée. Elle est le résultat de maints ajustements qui ont abouti à l’instauration du mandat, pour pouvoir sanctionner l’élu qui ne tient pas ses promesses. Si les Frères musulmans ratent ce virage, ils sont soit utopistes soit incompétents. Dans tous les cas de figure, ils sont en train de démontrer que la piété, prétendue ou réelle, ne confère pas la clairvoyance. Plus encore, la grande leçon est que, pour sanctionner un régime, son extrême opposé n’est pas nécessairement la meilleure solution.

Hichem Achi

vendredi 28 juin 2013

Fatwas aux hormones

Après la fatwa pour voiler les filles dès leur naissance, la fatwa pour tuer les chiites, les sunnites, et tous ceux qui sont différents, la fatwa pour le concubinage en période de djihad armé, voici celle sur la licéité de la sodomie pour les besoins des attentas-suicides. Cela permettrait d’élargir le conduit anal, pour pouvoir y insérer des capsules explosives. A observer les mouvements de lèvres du cheikh, il est possible que la vidéo soit un montage comme cela est souvent le cas en ce moment.

Les pays ciblés par les attentats-suicides vont penser à remplacer les scanners corporels par des scanners médicaux, ou alors à généraliser le toucher rectal que pratiquent parfois les Etasuniens à leurs frontières. Sinon, faire boire une potion aux contrôlés pour qu’ils évacuent les capsules éventuelles avec leurs selles. Il ne faudrait pas s’étonner d’entendre, un jour, une fatwa autoriser le mariage homosexuel pour espionner l’ennemi sur une longue durée. Les homosexuels musulmans deviendraient tous des moudjahidine espions.

Plus sérieusement, parmi ces vidéos qui pullulent sur Internet, certaines sont là pour dégoûter les arabophones de l’islam. Elles ont des chances, parmi la majorité qui ne lit pas, ne réfléchit pas, ne critique pas. Dans les maisons de cette majorité, on ne trouve de livres que des classiques religieux achetés pour décorer le living ou pour la baraka.

Que la vidéo soit vraie ou fausse, le sang et le sexe reviennent sans cesse dans les fatwas des wahhabites. Il y a plus d’hormones que de bon sens. Puis, le fait qu’on gobe ces absurdités prouve qu’un minimum d’habileté permet de faire dire ce qu’on veut aux textes sacrés et d’être cru. Les muftis qui captent le plus l’attention sont ceux qui stimulent la passion. Ceux qui défoulent. La qualité de la mise en scène et le talent de l’acteur, comme chez Amrou Khaled qui n’est pas wahhabite, rajoutent au succès. Le gouvernement algérien sait que ce ne sont pas ses imams qui remplissent les mosquées les vendredis mais la peur de l’enfer pour les absents. Dans les années 1990, il a vainement tenté de promouvoir les zaouïas pour contrer les salafistes. Au pays de la laïcité, où les muftis sont censés être financièrement indépendants, hors Cfcm, l’islam des Lumières convainc peu.

A défaut d’une fatwa obligeant les musulmans à cogner sur des punching-balls à leur effigie, il en faudrait une pour les exhorter au multilinguisme et à la lecture. Il n’y en aura pas, bien sûr, cela ouvrirait la porte à une concurrence dangereuse. La solution est dans l’universalité de l’islam. Une universalité qui apportera une variété de langues et de cultures, mais aussi, et surtout, une variété de tempéraments.


Hichem Achi

mercredi 26 juin 2013

L’été des trônes arabes

L’émir du Qatar (61 ans) a cédé son trône à son fils Tamim (33 ans). Décidément, ce prince est atypique. Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani avait pris le pouvoir en déposant son propre père, en 1995. Pareille abdication n’est pas arrivée depuis longtemps dans les monarchies arabes. Possible que ce soit là un choix aussi libre que ceux de Bendjedid et de Zeroual qu’on avait démissionnés de la présidence de la République algérienne, respectivement en 1992 et en 1998. Je doute que Bouteflika apprécie ce qui se passe au Qatar. Hamad était l’alibi qui transforme l’échec de sa politique étrangère de ces dernières années en complot, et l’idée même de l’abdication lui fait sécréter une bile supplémentaire. Du reste, on l’a sans doute prié de faire comme s’il n’en avait pas entendu parler, pour le moment. J’observe le ménagement qui accompagne l’abdication des reines des Pays-Bas et d’Angleterre, cette dernière étant en préparation. Des monarchies constitutionnelles, beaucoup moins influentes sur la vie politique de leurs pays que ne le sont les arabes, proclamées ou non. Dans le passé, les monarques se sont rarement souciés du bonheur de leurs peuples, ce sont les peuples qui leur ont imposé de s’en soucier. Qu’attend le nôtre pour respecter son pays et se faire respecter ?

Loin du Qatar, sauf par les insultes, et à l’approche du ramadan, mois de piété et de compassion exprimées par la hausse des prix, les Algériens se demandent s’ils doivent se payer des vacances ou un couffin plus grand. Les babines seront plus fortes que la transpiration. Puis, à quelle plage aller, puisque les Algériens vont majoritairement à la plage, en été ? Nos plages sont sales sans touristes, parfois chères et pas aménagées malgré les plagistes et les gardiens de parkings qui se sont accaparés le sable et les trottoirs du peuple. Les plages tunisiennes, elles, traditionnellement florissantes d’Algériens, font craindre la baignade voilée, plus surveillée et plus coûteuse que la douche chez soi. En plus de leur loisir estival préféré, selon le sexe : les mariages dans des salles de fêtes pas insonorisées ou les matchs de foot, les Algériens attendent le plus de viandes et de friandises que leur enverra Bouteflika depuis les Invalides. Peu importe si les exportations algériennes ont fléchi de 8,26 % durant les cinq premiers mois de cette année, nous serions la troisième réserve mondiale de gaz de schiste. Mais, à qui vendre ce gaz si quasiment tous les pays en ont chez eux ? A l’opinion publique algérienne, pardi.

Ramadan ou pas, beaucoup louent Bouteflika, peu voient que Nelson Mandela se fait soigner dans son pays et encourage ses compatriotes à produire pour être la première économie d’Afrique. Beaucoup sont contents qu’Arnold Schwarzenegger implante l’Ong écologiste R20 en Algérie, peu voient que rares sont les usines algériennes qui fument encore et que Renault Algérie sera peut-être écologique mais peu contribuable. Beaucoup abandonnent leurs postes de travail pour suivre les éliminatoires du mondial de foot, peu entendent les Brésiliens hurler, dans la rue, que l’évènement leur coûte trop cher. Beaucoup dénoncent un Occident qui sème la zizanie entre sunnites et chiites, en Irak, en Syrie et ailleurs, peu voient que sunnites et chiites n’attendent personne pour s’exclure, s’entre-tuer ou se lyncher, comme maintenant en Egypte.

Cela fait beaucoup de critiques, je sais. Le problème n’est pas dans leur nombre, il est dans le fait que ce qui est critiqué est le plus souvent le fruit de nos attitudes. Alors, au marché ou à la plage, n’espérons pas de baisse tant que nous n’aurons pas élevé notre esprit et nos aspirations.


Hichem Achi

vendredi 21 juin 2013

Les Algériens, leurs élus, leurs oulémas.

En Algérie, des candidats à la présidence de la République bougent et on essaie de les discréditer ou de les booster. Les amateurs de restes de votes et de festins attendent de connaître le candidat du système pour faire, contre lui, une campagne volontairement faible pour le montrer fort. Ou alors pour dire qu’ils ne peuvent pas être candidats car celui du système est, comme ses prédécesseurs, le seul sauveur possible du pays.

Pourquoi le président de la République ne se déclare-t-il pas lui-même dans l’incapacité d’assumer ses fonctions ? Est-ce un fol espoir de quatrième mandat ou une persuasion accompagnée de gâteaux au miel, aux Invalides ? Il sait que, quelles qu’aient été ses promesses et ses réalisations, son bilan est un échec.

L’Association des oulémas algériens ne parle pas de la situation politique dans son pays. Pourtant, est éminemment politique sa présence au Caire, le 13 juin 2013, pour établir la position de la Ligue des oulémas musulmans sur la question syrienne. Quoi qu’il en fut, elle a bien fait d’y aller, la chaise vide aurait pu être occupée par nos salafistes religieux et suggérer à nos salafistes politiciens un gouvernement parallèle. Elle a bien fait de ne pas être d’accord pour l’exclusion des oulémas chiites. Elle a bien fait de ne pas appeler les non-syriens au djihad contre Bachar el-Assad. Mais, pourquoi ne demande-t-elle pas à l’Assemblée algérienne de prendre ses responsabilités ? Son deux poids, deux mesures, montre que, comme dans les autres pays musulmans, nos officiels oulémas sont au service du politique. J'ai du mal à croire que cette allégeance est sans contrepartie. Les musulmans doivent arrêter de regarder aux avis et fatwas des oulémas d’ici et d’ailleurs, le temps où la science ne s’acquérait qu’en se déplaçant au péril de sa vie est révolu.

Entre affaiblis et renforcés par l’incapacité de Bouteflika, les deux solutions présentent des inconvénients. En organisant des élections on risque d’être écarté du pouvoir, en se passant d’élections on risque de provoquer un Printemps algérien. Se passer d’élections tout en évitant le Printemps n’est pas impossible, cependant, et c’est ce vers quoi nous mène la léthargie de l’Assemblée. La déliquescence et le ras-le-bol général, qui s’installent, justifieraient cette « solution ». D’autres éléments aideraient à la justifier ou à l’adoucir, comme la présence d’Aqmi au Sud du pays, ou le rassemblement des partis islamistes à Sidi Fredj, le 14 juin 2013, brèche éventuelle pour l’engouffrement du Fis relooké.

Que faire ?

Appeler l’armée à intervenir, comme a eu tort de le faire Mohamed Mechati, est anticonstitutionnel. Appeler Bouteflika à reprendre ses fonctions est une sottise. Sortir dans la rue ouvrirait la voie au chaos. Ce qu’il faut faire, c’est appeler l’Assemblée à prendre ses responsabilités, en déclarant l’état d’empêchement du président. Le pays est dans un tournant dont la signalisation est cachée par le pessimisme général et occultée par le calcul politique. Les Algériens pourraient faire la différence en faisant la révolution. Pas celle à laquelle les avait conviés Karl Marx, ni celle de la décennie noire. Celle où les ennemis sont l’égoïsme, le je-m’en-foutisme et le fatalisme. Le veulent-ils ? C’est la question qui fera d'eux une population ou une nation.


Hichem Achi

dimanche 16 juin 2013

Le transgenre au chevet du genre humain

A partir du 1er juillet 2013, l’Australie ajoutera une case sur ses passeports, devant les traditionnelles H et F (Homme ; Femme). Ce sera un X. La cour de Canberra l’a décidé à partir du cas d’un citoyen devenu ni homme ni femme, après avoir arrêté le traitement hormonal qu’il suivait depuis trente ans. Il y a des personnes qui présentent des anomalies génétiques, la médecine en juge et en traite. Pour les autres, le changement de sexe se simplifie administrativement et complique autrement.

La théorie du genre (gender) ne date pas d’hier et des dispositions liées arrivent. La cour suprême du Népal vient d’ordonner au gouvernement d’ajouter une catégorie « transgenre » aux passeports, par exemple. Dans les écoles maternelles suédoises, on donne des voitures aux filles et des poupées aux garçons et, respectivement, des gobelets bleus et roses. Après les anglo-saxon, les programmes scolaires français vont inclure la théorie du genre. On ne peut pas s’empêcher de faire le lien avec le mariage homosexuel, autorisé dans de plus en plus de pays, et les revendications qui le suivent. Si personne ne peut dire exactement sur quoi tout cela débouchera, on peut d’ores et déjà imaginer, satiriquement ou non, quelques chamboulements.

Avant qu’il ne soit reconnu en sport, le transgenre n’aura pas besoin de se doper, juste à s’inscrire parmi les femmes et à viser la barre des hommes. Le transgenre généralisera l’article neutre dans les langues ; il terminera par des voyelles tous les prénoms masculins et élidera les féminins ; il créera des emplois chez les chirurgiens esthétiques et les couturiers qui classeront rétro Jean-Paul Gaultier ; il fera fondre les canons de la beauté en disant De Vinci précurseur et l’ambiguïté de la Joconde enfin expliquée ; il transformera les pin-up en papier vintage, pour cadeaux discrets, après la plainte portée contre une chaîne française de supermarchés, pour publicité montrant une famille « classique ».

Le transgenre pourra vendre son sperme et louer son utérus à la fois. Mais il pourra être non procréatif et il y aurait moins de monde sur Terre que prévu. Il paraît qu’il y en aura 9 milliards en 2050. Heureusement que les Algériens stagneront autour de 55 millions entre 2050 et 2100. Avec leur démographie actuelle et seulement deux sexes, ils ne passent déjà inaperçus nulle part. Peut-être que le transgenre rééquilibrera leurs chances à l’embauche et au mariage, et qu’il permettra de voyager sans autorisation patriarcale et sans justifier de service militaire. Les Norvégiens s’en fichent, eux qui vont étendre le service militaire aux femmes, en temps de paix.

Une chose ne se crée que pour combler un vide et, sur ce sujet, le vide est le triomphe de l’individu sur la collectivité. Un thème dont se saisit la religion, même si elle produit la morale moins qu'elle la prêche. Dans le futur, faute de place sur les passeports et dans les esprits, on proposera sûrement de supprimer la case du sexe. Peu importe qu’on soit né sous X ou qu’on vive sous X, l’essentiel est d’être reconnu humain ou en voie de devenir Ogm. On sera libre d’épouser qui on veut ou ce qu’on veut. Tant qu’on acceptera le fichage biométrique et qu’on dépensera son argent pour les actionnaires de la planète, on sera ex-citoyen ou « citoyex » modèle.


Hichem Achi

vendredi 14 juin 2013

Le massif préélectoral

Un sondage des intentions de vote, pour les prochaines élections présidentielles algériennes, a été réalisé en ligne, par Jeune Afrique, entre le 3 et le 12 juin 2013. Je m’interroge sur sa commande, sa fiabilité et son interprétation. Néanmoins, il est possible d’en tirer des choses.

D’après les sondeurs, il y aurait eu fraude en faveur du candidat du Msp (Mouvement pour la société de la paix). Le fait que les internautes fraudeurs se trouvent aux Etats-Unis n’étonne pas, ce pays nous conseille bien l’islamisme en nous donnant les exemples, tunisien, égyptien et libyen. Le Msp n’a pas de candidat de taille et son ancien président a pris trop de kilos, une fois devenu ministre, pour rester crédible. Dans les trois premières positions, le sondage donne Ali Benflis (87 %), Ahmed Benbitour (2 %) et Abderrezak Mokri du Msp (1 %). Quel que soit le degré de fiabilité de ce sondage, ce score de 87 % retient l’attention.

Si ce score est fiable, il voudrait dire que les Algériens aiment toujours ce qui est massif. Benbitour l’intègre a démissionné de son poste de Premier ministre en 2000, et il est déjà sur le terrain avec des propositions. Seuls 2 % l’auraient remarqué ? Benflis s’était classé deuxième en 1994, avec 6,42 %. Comment expliquer qu’il ait obtenu 87 %, alors qu’il se prépare dans le secret et qu’on ne connaît rien de son programme ?

Après la fraude, ce sont l’idéologie et les promesses, même irréalisables, qui ramènent le plus de voix. Beaucoup plus que le détail des programmes. De fait, durant les émissions télévisées des premiers temps du multipartisme, peu de questions étaient techniquement embarrassantes. Depuis, les candidats ne sont plus embarrassés et font somnoler ceux qui les regardent. La biométrie pourrait aider à contrôler les listes des électeurs, mais rien ne vaut la conscience et la vigilance.

Dans les scrutins à deux tours, on est censé choisir au premier et éliminer au deuxième. Les Algériens éliminent dès le premier tour. C’est le caractère du prédisposé à l’extrémisme, de celui qui donne le tout et ne nuance pas, qui interdit et ne tolère pas, et ce caractère se ressent dans les rapports sociétaux. On se rappelle des législatives de 1991 où, au premier tour, ils avaient voté pour le Fis (aujourd’hui dissous). Même si on ne peut pas se fier totalement aux scores finaux, la tendance était palpable dans la rue et le vote étonne par son taux (81,38 %) plus que par la volonté de sanctionner le régime de l’époque. Eliminer dès le premier tour a pour inconvénient de ne pas permettre aux candidats de se positionner réellement entre deux élections, alors qu’ils en ont besoin pour établir leurs tactiques à venir.

Si, par contre, le score de 87 % est l’œuvre des fraudeurs officiels, il voudrait dire deux choses. D’une, que ces fraudeurs savent que le peuple aime les scores lourds et ils ne se priveront pas de lui en servir. De deux, que ces fraudeurs miseraient sur Benflis, ce qui ne ferait pas nécessairement de lui le candidat du régime. Le candidat du régime c’est celui que soutiendront les syndicats, les organisations nationales et les partis satellites. En attendant de découvrir qui sera le héros du prochain vaudeville électoral, je ne sais pas si j’irai voter. Je cautionnerais le régime ou l’esprit populaire. Peut-être les deux. Les deux à la fois, c’est ça le véritable système.


Hichem Achi

jeudi 13 juin 2013

La rue et l’empêchement de Bouteflika

Le ministère de la Défense vient de communiquer, après que Mohamed Mechati ait appelé l’armée à intervenir. Mechati est l’un des derniers en vie du groupe des 22, qui avait décidé de déclencher la révolution de 1954. L’armée ne destituera pas le président de la République. Tant mieux. Le président de l’Apn (Assemblée), lui, estime qu’il n’y a pas de justificatif valable pour appliquer l’article 88 de la Constitution et que la rue ne le réclame pas. Curieux que l’Assemblée dise être à l’écoute de la rue alors que, d’habitude, elle lui fait la sourde oreille. Les paraboles orientées vers Paris doivent faire mieux ouïr. De toute façon, la rue attend le retour de Bouteflika à ses fonctions mais n’y croit pas vraiment. Les images que la télévision algérienne en a diffusées hier, depuis l’hôpital des Invalides, ont montré un président très affaibli, qui bougeait peu les lèvres et pas du tout le bras gauche. Il est difficile de croire qu’il a réellement examiné les dossiers en cours.

Les institutions civiles gagnent du temps, tergiversent ou attendent de voir dans quelle direction va tourner le vent. La solution n’est pas dans la tergiversation ou dans un bulletin de santé présidentielle, plus clair que celui qui a été publié. D’ailleurs, les médecins réécriraient ce bulletin aussi illisiblement qu’ils rédigent leurs ordonnances. Dans la rue, on ressort qu’Abdelkader Bensalah, président du Cn (Conseil de la nation, dit sénat) ne pourrait pas être intérimaire du président de la République. Pour cause, la loi exige que le chef de l’Etat soit Algérien de naissance, alors que Bensalah (né en 1941) ne serait devenu Algérien qu’en 1965.

Bensalah est énigmatique, par sa biographie strictement professionnelle en dépit des doutes. Toutefois, il est invraisemblable qu’il ait tu sa supposée origine marocaine et que Bouteflika l’ait laissé présider le Cn. Comme si Bouteflika voulait devenir indispensable jusqu’après son départ. Indispensable, la rue semble dire qu’il l’est, en scrutant l’horizon. Et les autres, pourquoi n’auraient-ils rien dit ? Enfin, si c’était vraiment le cas, Bensalah pourrait démissionner de la présidence du Cn, au profit d’un Algérien de naissance qui assurerait l’intérim à la tête de l’Etat. Quoi qu’on dise ou spécule, les élections présidentielles anticipées sont la solution.

Ironiquement, Bensalah serait né Marocain près de Tlemcen, alors que Bouteflika est né Algérien près de Oujda. L’incertitude des frontières aurait alors compliqué l’imbroglio. En tout cas, au lieu d’inspirer la souhaitable paix entre les deux pays, la proximité historique de Bouteflika avec le Maroc aura fait jouir ou souffrir de monarchie multi-quinquennale. Sans couronne et sans prix Nobel de la paix, on aura intronisé le président de la République avec des burnous régionaux et autant de courbettes. Sans sujets pas de roi, sans roi pas de cour. Libre à chacun de faire le baisemain là où il veut. Au-dessus de rue et cour, le ciel est plus beau.

Hichem Achi

mercredi 12 juin 2013

Promesse de ripaille au halal des Invalides



Bouteflika est très malade mais vivant, on l’a vu aujourd'hui, s’entretenir aux Invalides, à Paris, avec le Premier ministre le chef d’état-major algériens.

Première observation, sa robe de chambre est sombre, comme les costumes de ses deux visiteurs. Le fond et le mobilier sont également sombres. Je regarde les porcelaines, à l’arrière-plan de la pièce où ils sont assis, et je me réjouis de ne pas y voir un vase de Soissons, la symbolique aurait rajouté du cassant à la situation. Quel spécialiste en communication a conseillé ces tons vestimentaires qui siéent à la gravité mais pas à l’augure ? Peut-être que nos meilleurs en communication sont installés en France. Mais alors, pourquoi ne pas les avoir consultés sur place puisque l’entretien a eu lieu à Paris ? Non, si la sollicitation était une question de distance, l’Algérie les aurait consultés pendant qu’ils étaient dans leur pays.

Deuxième observation, un président qui donne des instructions depuis l’étranger donne l’image d’une présidence provisoire. Cela me rappelle le gouvernement provisoire algérien le (Gpra), écarté en 1962 par les militaires. Malgré les conditions différentes, l’expérience acquise, dans les procédés, dit que la mise à l'écart pourrait continuer.

Mourad Medelci, ministre des Affaires Etrangères, disait il y a quelques jours que Bouteflika donnait des instructions par téléphone, surtout concernant l’approvisionnement du pays en denrées pour le ramadan. J’ai presque une overdose de nourriture en voyant comment le président conforte les Algériens dans leur stomacale piété. Marine Le Pen s’est étonnée, à juste titre d’ailleurs, que le président algérien se fasse soigner en France. Après ce qu’a dit Medelci, elle invitera elle-même le président algérien à venir chaque année juste avant le ramadan. Comme ça, elle videra son pays des produits halal. Et si nos estomacs se surpassent, elle pourra même puiser dans les cantines scolaires françaises et faire taire les parents d’élèves musulmans. Il n’y a pas que les estomacs qui affichent le trop-plein pendant le ramadan, les poubelles aussi. Or, nos sacs-poubelles sont souvent des sacs en plastique tout court. Le Premier ministre veut interdire les sacs en plastique et, en même temps, rendre le pays plus propre. Je présume qu’il a prévu quelque chose à la place et j’aimerais savoir si ce quelque chose sera fabriqué ici ou importé.

Des Algériens attendent le retour du messie Bouteflika, en oubliant qu’il nous a fait dégringoler dans tous les classements mondiaux. Il y en a qui espèrent le voir briguer un quatrième mandat ou un mandat à vie. Ceux qui savent n’attendent pas, dont Zeroual qui refuse toujours d’assurer la transition jusqu’aux élections présidentielles. Parallèlement aux candidats inexpérimentés ou de remplissage, il y a sûrement ou éventuellement Belkhadem, Benbitour, Benflis, Hamrouche, Ouyahia et Sellal. Ils ont tous été Premiers ministres ou chefs de gouvernement. Et si Sellal continuait à gérer les affaires courantes en attendant que soient organisées des élections anticipées ? Ce serait la solution constitutionnelle. Ce serait aussi celle qui m’éviterait de penser que les monarchistes votants ont raison et que j’ai tort d’être né à l’Est.

Hichem Achi

mardi 11 juin 2013

Ecouter ou être écouté




Après le Projet Echelon, voici Prism. Un programme secret étasunien, permettant d’intercepter les communications d'internautes étrangers se trouvant hors des Etats-Unis. Commencé en 2007, Prism permet à la NSA et au FBI d’accéder aux serveurs de neuf géants nationaux de l’Internet, dont Facebook, Google, Microsoft et Yahoo!, d’après The Washington Post et le quotidien britannique The Guardian. AOL, Apple, Paltalk, Skype et Youtube y participeraient aussi. Les mis en cause réfutent et nuancent, on ne révèlerait que ce à quoi la loi autorise.

 

En Europe on s’inquiète, on n’a pas oublié comment les écoutes ont raflé des marchés sous le nez d’Airbus. Les écoutes pourraient rafler plus que des marchés économiques, en l’occurrence. Rattrapera-t-on les écoutes en étant à l’écoute ? L’avenir le dira.


Ce n’est pas parce que le FBI et la NSA espionnent qu’on doit ne plus communiquer. On verrait plus de flou à travers les écrans. La communication entre internautes du monde est une bonne chose même si, en circulant, l’information s’amplifie et peut se mal interpréter ou intoxiquer. Je ne sais pas pourquoi les réseaux sociaux me font penser à la bataille entre partisans du Printemps algérien et partisans de son hiver interminable. Ne soutenant ni les uns ni les autres, je trouve l’actuel régime moins mauvais qu’un remplaçant qui voilerait les corps et les cerveaux en plus des esprits. Possible que les Algériens se retiennent car tétanisés par le souvenir de la décennie noire. Mais, qui a dit qu’un obus ne tombe jamais deux fois au même endroit ?

Ce programme Prism me rappelle l’ancienne Première dame roumaine, Elena Ceausescu, qui passait son temps à écouter les conversations téléphoniques intimes de ses sujets. Moralité de sa fin en 1989 : il y a plus de longévité à écouter qu’à mettre sur écoute.

Hichem Achi

dimanche 9 juin 2013

Le malaise de la mémoire algérienne



Les institutions symboles de l’Etat algérien fonctionnent mal ou ne fonctionnent pas. Or, elles sont l’Etat. Donc l’Etat fonctionne mal ou ne fonctionne pas. Si, au baccalauréat 2013, des candidats ont agressé des surveillants qui ne voulaient pas les laisser frauder, les autres surveillants voient la fraude et ferment les yeux, par peur ou par complicité. A l’état civil, les nombreuses erreurs font réagir le Premier ministre qui sait que les fonctionnaires font semblant de l’écouter. Durant l’opération de recopiage de registres d’état civil usés, des scribes auraient déchiré et jeté des pages entières pour aller plus vite. Dans l’éducation, ceux qui ont échoué dans leurs études enseignent et se joignent à leurs collègues qui font payer aux élèves des cours particuliers obligatoires, sous menace de saper leur scolarité. A l’Université, les cursus se notent au coup de pouce, au dinar ou au cuissage. Pire, on peut étudier à l’Université, y enseigner et en devenir administrateur, le tout sans baccalauréat. Le diplôme a peu de valeur et n’ouvre droit qu’au chômage pour les non pistonnés. Le président de la République se fait soigner chez ceux qui ont colonisé son pays, pendant que les hôpitaux de son pays, plus délabrés qu’avant, tuent les malades et révoltent les personnels médicaux.

Je n’arriverai pas à rendre exhaustive la liste de ce qui ne va pas. J’arrive à répartir les responsabilités en voyant des Algériens donner des pots-de-vin pour aller faire le pèlerinage à la Mecque, alors que ce pèlerinage est facultatif et que l’islam damne le corrupteur avant le corrompu.

Le plus grave dans ce pré-chaos c’est sa banalisation et l’impunité de ceux qui en sont à l’origine. Avec leurs comportements, les Algériens ont assis le contre-Etat et sont en train d’asseoir la non-société. La distribution de gouttes de pétrole, aux plus tapageurs d’entre eux, permet de contenir le vase de déborder. Pour le moment. Après, on se posera les questions qu’on évite maintenant. On se pose un peu la question du où va-t-on. On se pose beaucoup celle de pourquoi la révolution si c’est pour aboutir à la situation d’aujourd’hui. Mais il y en a qu’on ne pose pas, par peur ou par honte. Pourtant, on y répond déjà en disant que la gestion était meilleure avant l’indépendance. On y répond en préférant ce qu’a bâti la France à ce qu’a bâti l’Algérie indépendante. On y répond avec des ex-ministres algériens qui s’installent en France. On y répond en s’installant chez l’ex-colonisateur et en demandant à devenir son compatriote. Qu’ils sont ridicules, ces Algériens qui n’en parlent pas sous prétexte de ne laver le linge sale qu’en famille. Comme si les Français ne s’étaient pas aperçus des flux de déçus qui leurs arrivent.

Je regarde les souffrances que les Algériens ont endurées pendant la colonisation française, et avant, les sacrifices qu’ils ont consentis pendant la révolution de 1954, la morale de l’islam qu’ils contredisent au quotidien. Je regarde tout cela et je me demande ce qu’il faudrait pour qu’ils arrêtent de saborder leur pays de manière plus durable que ne l’a fait le terrorisme.

L’Emir Abdelkader, considéré, à tort ou à raison, comme le fondateur de l’Etat algérien, a accepté d’être médaillé par la France. Le mouvement des Jeunes Algériens comptait des assimilationnistes. Messali Hadj, père du nationalisme algérien, a opté pour la lutte politique. L’imam Benbadis n’a jamais explicitement appelé à l’indépendance et a été pour l’assimilation. Ferhat Abbas, président du Gpra (Gouvernement provisoire algérien), a également été pour l’assimilation. Malek Bennabi a dit que les Algériens sont colonisables. Avaient-ils tort ou raison, eux et les innombrables méconnus Algériens qui étaient de leur avis ? Le problème n’est pas de savoir s’il fallait se battre contre la tyrannie, il est de savoir comment fallait-il le faire et qu’aurait-il fallu faire après. La décolonisation a-t-elle été trop rapide ? Les Algériens veulent-ils vraiment se prendre en main ? On n’a quasiment pas débattu des deux premières questions et, à la troisième, on répond unanimement par discours officiel ou par vœu pieux. Dans cette dernière réponse, le plus décontenançant est que chacun sait la démagogie de l’autre.

D’autres questions peuvent être posées, mais le malaise de l’Algérien se tapit précisément dans celles-ci. Ne pouvant ni s’en extirper ni partir, en France en premier lieu, il le fait payer aux autres Algériens. Je vois là une explication à la « hogra » (mépris ; abus de pouvoir) dont se plaignent les Algériens et qu’ils reprochent à tous les responsables confondus. L’accès à la responsabilité hiérarchique ne génère pas la hogra, il lui permet de se manifester alors qu’elle était latente. Les Algériens ne fuient pas l’Algérie, ils se fuient les uns les autres, ils se fuient donc eux-mêmes. Le nécessaire travail de réconciliation avec leur mémoire ne sera pas initié par le régime, ce dernier a intérêt à l’étouffer pour garder l’exclusivité à sa version de l’Histoire, à sa version du savoir-faire. Ce travail doit être fait par les intellectuels pour que suive la société civile qui en naîtra.

Je reviens à ce qui va mal et qui retient le plus l’attention en ce moment. Il me semble vite dit qu’il n’y a que l’armée qui peut assurer la transition, avec Liamine Zeroual, en attendant les présidentielles de 2014 ou plus loin. Oui, la préemption du militaire sur le civil dure depuis plus d’un demi-siècle et elle ne peut s’arrêter brutalement. Oui, Bouteflika a fait des mécontents dans l’armée en s’accaparant les pouvoirs. Oui, la situation requiert la vigilance de l’armée. Malgré tout cela, cette armée est aujourd’hui interpellée par une situation à l’issue de laquelle elle pourrait gagner le meilleur, le respect par temps de paix. Le profond, pas celui qu’on lui témoigne par crainte. Là, elle aurait l’adhésion de tout un peuple, plus que ce que pourrait recueillir un président. La seule façon républicaine d’être indétrônable.

Hichem Achi