jeudi 24 avril 2014

Le syndrome algérien de Stockholm


On accuse les vieux et les femmes d’avoir fait réélire Bouteflika le 17 avril 2014. On accuse les abstentionnistes aussi. Or, la culpabilité est nationale. Les Algériens ont toujours préféré cohabiter avec le tyran que de s’opposer à lui. Houari Boumediene a consacré le pouvoir des militaires et des anciens moudjahidine, les Algériens les rendent responsables de tout et l’idolâtrent. Ils laissent faire quand quelqu’un est agressé et lui sautent dessus quand il se défend. Ils se taisent lorsqu’un policier tape sur un homme évanoui à Tizi Ouzou et disent à ceux qui le dénoncent de ne pas commencer. Ce qu’ils appellent stabilité, en plébiscitant un chef d’Etat après l’autre, n’est rien d’autre que le syndrome de Stockholm.

En plus de la généralisation de la corruption et de la dégringolade dans tous les classements mondiaux, les précédents mandats de Bouteflika ont engendré deux choses. Le cercle des profiteurs a été élargi aux jeunes (prêts bancaires sans suivi et autres) et le FLN est redevenu parti unique malgré le multipartisme. Alors, quoi après cela ?

En créant ou non le poste de vice-président de la République, les factions se disputant le pouvoir se mettront d’accord. Bouteflika leur a fait gagner du temps avec son quatrième mandat, après les avoir divisés pour régner. Ils continueront à préparer aux multinationales, aux zones interdites au public et aux privatisations, y compris dans la police et l'armée en commençant pas la sous-traitance. La paupérisation s’aggravera, les réclamations s’accentueront, et le pouvoir sera dans l’incapacité financière de satisfaire ou de corrompre tout le monde. Il vaudrait mieux que le scénario ne soit pas vénézuélien, la Chavez algérienne, Louisa Hanoune, a mené campagne au profit de Bouteflika sans s’en rendre compte.

Il ne faut plus avoir peur des étrangers-épouvantails, il faut se mélanger aux autres. Le nationalisme est révolu et il n’y a plus de politique que mondiale. A l’image des pays arabes, la démocratie n’est pas algérienne ou pas encore. Un système qui nous est propre doit être inventé, partant de la réalité de l’individu algérien et de la lecture dépassionnée de son Histoire.

Oui, les puissances politiques et financières ne nous veulent pas du bien. Nous n’en voulons pas à nous-mêmes, non plus. Pour la stabilité, les Egyptiens choisiront le militaire qui a emprisonné le civil qu’ils ont élu. Pour la stabilité, les Syriens choisiront une troisième fois celui qui continuera à les tuer. Pour la stabilité, les Algériens choisiraient une cinquième fois celui qui les a volés et traités de lâches. Et le pire, c’est qu’ils reprochent aux monarchies du Golfe de ne pas instaurer la démocratie. Si les Algériens choisissent de toujours accepter la continuité, et ils en ont le droit, qu’ils arrêtent de demander le changement.


Hichem Achi

vendredi 18 avril 2014

Entre poltrons et corrompus


La réélection d’Abdelaziz Bouteflika vient de démontrer, une fois de plus, que voter dans les conditions actuelles sert le régime. Si personne ne s’attendait à une élection propre, quelques uns ont voté et soutenu un autre candidat. Je les respecte et je les appelle à se désillusionner. Les autres se divisent grosso modo entre ceux qui ont peur des représailles du régime et ceux qui veulent encore des avantages chiffrables.

La fraude ne s’aide pas seulement de bourrage d’urnes ou de listes électorales, elle s’aide aussi de peur. Il n’y a pas de honte à avoir peur. Il y a de la honte à maquiller sa peur de ralliement contre l’ingérence qui, de toute façon, ne disparaîtra pas. Malgré l’incertitude sur l’issue de la lutte interne qui continue après ce 17 avril 2014, je me dis que la vigilance et la dénonciation ont augmenté et que cela a permis de baisser le taux annoncé de participation (51,70 % contre 74,11 % en 2009), ce qui est un balbutiement de société civile.

Cependant, avec ou sans fraude, la plupart des votants ont choisi Bouteflika. Les Algériens l'annonçaient et les sondages les plus sérieux le donnaient gagnant dès le premier tour. Alors, je me demande si, parmi ses électeurs, il y a eu plus d’apeurés que d’avantagés ou l’inverse. Il est important de savoir si les poltrons ont été plus patriotes que les corrompus ou l’inverse. Pour une certaine écriture de l’Histoire.


Hichem Achi

mercredi 2 avril 2014

Bouteflika n’est pas l’Algérie


On craint que la visite de John Kerry, ces 2 et 3 avril, n’influe en faveur d’un quatrième mandat pour Bouteflika. Comme si les Etats-Unis allaient observer de loin nos présidentielles, avant de féliciter le gagnant et de travailler avec lui.

D’abord, s'ils préfèreraient travailler avec Bouteflika qu’avec un inconnu, son état de santé est un facteur à risques et le scénario où il serait réélu et ne terminerait pas son mandat ne peut pas avoir été négligé. Puis, il y a le Sahel, le Sahara occidental, le différend qataro-saoudien, les négociations israélo-palestiniennes, la Syrie et l’Ukraine.

Les puissances continueront à se faire la course aux ressources et aux marchés et ça ne suffira pas à résoudre leur endettement. Les Algériens peuvent en faire un avantage mais ils doivent comprendre que le principal problème est interne. Ces jours-ci, nous entendons des partisans de Bouteflika dire qu’ils voteraient pour lui vivant ou mort. Nous les entendons nous demander de choisir entre lui et la démocratie. Nous entendons son directeur de campagne se demander « Comment ne serait-il pas béni, alors que les pluies en cette campagne électorale annoncent de bonnes récoltes ? ». Nous entendons des artistes chanter Notre serment pour l’Algérie et y dire qu’il a « tenu la promesse d’un million et demi de martyrs », puis certains d’entre eux qu’ils croyaient chanter pour le pays et non pour le président. Paroles absurdes ou destinées à ceux qu’on prend pour des imbéciles, le fait qu’elles soient parfois dites du fond du cœur indique que nous sommes encore tribalistes.

Les intéressés-patriotes ne doivent pas récupérer ce qui est à tout un peuple. Quoi que fasse l’Algérie pour aider à solutionner les questions mondiales de l’heure, son action sera au bénéfice du pays et non pas au bénéfice d’un président donné. Bouteflika peut demander le Nobel de la paix ou l’aura de Houari Boumediene, il ne sera jamais l’Algérie à lui tout seul.


Hichem Achi