D’abord acceptés
comme palliatifs aux dictateurs arabes, les islamistes sont maintenant hués et
détestés. Le déjeuner public à Tizi Ouzou, ce 2 août 2013, en plein ramadan, est
une réponse à la chasse aux non-jeûneurs qu’engage l’Etat algérien depuis des
années. Si je relie ces deux faits, c’est pour dire que l’intolérance dans les
pays musulmans n’est pas spécifique aux islamistes. Aujourd’hui que l’islam est
devenu première religion au monde, il est urgent de réfléchir à un système capable
de garantir le bon vivre-ensemble dans ces pays. Pour ce faire et au regard de ce
qu’on en a vu, les islamistes ne devraient plus jamais être au sommet du pouvoir.
Je passe
outre leur alliance fictive ou réelle avec les Etats-Unis et Israël, durant les
révoltes arabes. Les alliances peuvent être décisives, elles n’en demeurent pas
moins conjoncturelles, donc changeantes. En illustration, John Kerry, qu’on
croyait du côté des Frères musulmans, vient de déclarer que l’armée égyptienne a
« rétabli la démocratie » en déposant Mohamed Morsi. Les islamistes
ne sont pas seulement inexpérimentés en politique. Ils croient que la véracité
du message coranique leur donne le droit d’imposer, même s’ils imposent une
morale et non une foi. On pourrait se dire que la démocratie est l’instrument de
la volonté du peuple et que l’islam n’oblige pas à devenir musulman. Que la
démocratie et l’islam se rejoindraient là, donc. Seulement, des théologiens
musulmans pensent qu’il n’est pas nécessaire qu’un pays soit majoritairement
musulman pour que l’Etat le soit. Plus, certains pensent que c’est la charia
qui légitime et non pas les urnes. Il ne faut pas comparer l’islam et la
démocratie à tous les niveaux. L’islam est un dogme et une philosophie. La
démocratie est un moyen de choisir. Elle n’a pas de dogme et permet de changer
de dirigeant, de dogme et de philosophie.
La laïcité
garantirait, entre autres, la liberté aux non-musulmans. Stratégiquement, elle permettrait
de barrer la route aux sectes qui prolifèrent et au wahhabisme que les Etats musulmans
ne savent pas contrer. Dans cette bataille contre le wahhabisme, l’Etat
algérien forme des légions de théologiens, entièrement voilés pour beaucoup, et
je me demande à quoi ils servent. L’argument de l’inutilité de référer à
l’islam dans un pays musulman a montré son inefficacité. Pour preuve, la Constitution
algérienne, qui interdit les partis fondés sur des bases religieuses, n’a pas
empêché de les autoriser. Même que les Frères musulmans algériens ont été
encouragés à fonder le Msp, pour qu’on l’oppose au Fis. Ce serait une erreur de
copier la laïcité à la turque ou à la française. La turque s’est faite avoir par
Erdogan, la française ne contraint pas ses islamistes. Idéalement, il faudrait
une séparation de la religion et du pouvoir, avec des garde-fous permettant
d’éviter des dérives de l’Occident. Et il y en a. A ce titre, l’islam resterait
religion d’Etat. La morale n’est peut-être pas de l’exclusivité de la religion,
mais elle s’en inspire souvent pour faire consensus en la matière. En résumé,
il faut trouver le moyen de rendre réellement impossibles les partis fondés sur
des bases religieuses.
Actuellement
dans le monde arabe, le débat se réduit à des prises de position sur le conflit
syrien et les crises égyptienne et tunisienne. Cela a au moins l’avantage de
confronter les arguments. Ce débat doit pourtant aller plus loin, le contexte politique
y est favorable malgré les tensions. L’Etat algérien ne favorisera pas ce débat
et n’interdira pas les partis islamistes agréés. Mohamed Arkoun avait proposé
de créer un institut qui étudie le fait religieux au lieu de la religion. Plus
près du peuple, Michel Onfray a redémontré les merveilles que pouvait faire
l’Université populaire. L’Etat pourrait au moins la concéder. Permettre de vulgariser
une pensée musulmane contemporaine, la pensée musulmane ne produisant que dans
un cadre universitaire et à son seul usage. L’Université ne provoque pas les
évènements, elle les étudie. En amont, c’est le peuple qui élit ou qui se
révolte.
Hichem Achi
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