En Algérie,
l’actualité politique de ces derniers jours ne prête pas à sourire. Avec un
certain retard, sans doute par ras-le-bol et peut-être par infuse dose de
défaitisme, je condamne la bastonnade et le fichage des manifestants pacifiques
anti quatrième mandat. Mais quoi après la condamnation ? Participer aux
présidentielles cautionnera la mascarade électorale et les boycotter
n’empêchera pas de gonfler le taux de participation.
Comme à
tous les rendez-vous, on titille la fibre patriotique en évoquant la convoitise
étrangère, comme si nos richesses n’attiraient pas entre deux élections. En
même temps, se plante un autre épouvantail, local, celui-là. Ali Belhadj, ex
numéro deux du FIS dissous et qui voudrait se présenter.
Malgré la
candidature de Bouteflika et les 32 parti(e)s politiques qui la soutiennent, le
véritable candidat du système n’est pas encore définitivement identifié. Le
fichage des manifestants pacifistes est une façon de prétendre que Bouteflika
est le candidat du système. De même, le vol des signatures de soutien au
candidat Rachid Nekkaz ne nous dit pas qu’il avait des chances d’être élu et qu'il faisait peur. Il
nous dit que, s’il avait une chance, c’est que le scrutin ne serait pas si truqué
que ça et qu’il faut y participer.
La solution
n’est pas de voter massivement le tout sécuritaire pour faire barrage à la
théocratie. Elle n’est pas dans la participation massive pour bloquer un
candidat du système et en permettre un autre. Elle n’est pas dans le simple boycott.
Dans le passé proche, le régime n’a eu vraiment peur que deux fois, de la désobéissance
civile envisagée par le FIS dissous et de la rencontre historique de Sant’Egidio
où aucun participant n’avait trahi. Aujourd’hui, en l’absence de plateforme
civile fiable, c’est individuellement mais publiquement qu’on doit faire savoir
qu’on boycotte.
Plus
essentiel que cela, il faut se poser des questions. Pourquoi est-ce que rien n’a
marché depuis l’indépendance ? Pourquoi est-ce que les Algériens affectionnent
de plus en plus les photos en noir et blanc de leur pays ? La République que nous
voulons est-elle adaptée à notre réalité ? Si un jour un candidat non issu
du système est élu, pourra-t-il enclencher le changement que les Algériens
refusent par leurs pratiques quotidiennes ? Le pot-de-vin, le favoritisme
et le non-droit sont des pratiques de la société civile et pas seulement des
gouvernants.
On pourrait
se dire que le temps est la solution. C’est-à-dire que, contrairement à leurs
parents, les enfants des anciens moudjahidine ne savent pas commander une
armée. C’est-à-dire que la biométrie finira par rendre impossible le trucage
des scrutins. Seulement, a-t-on le temps ? On doit continuer à dénoncer et
à critiquer, pour rendre les dépassements plus difficiles, donc moins nombreux.
Plus important, il faut relire son Histoire contemporaine et étudier le
melting-pot. Démocratie ou pas, le peuple ne sera jamais au gouvernail et n’aura
jamais d’asile, dans son pays ou sur une quelconque île paradisiaque. Il endossera
toujours la dernière responsabilité et en paiera le prix. Un prix que les
hydrocarbures n’arriveront bientôt plus à compenser.
Même si je
deviens puissant, je concèderai son droit à qui de droit. Même si je reste
pauvre, je n’accepterai de pot-de-vin de personne. Et, cette fois encore, je
n’irai pas voter.
Hichem Achi