Depuis une année, on assiste curieusement à l’apparition de chaînes
télévisées algériennes non étatiques, après que les Algériens aient cessé d’en
rêver. Elles bourgeonnent comme des champignons, sans contredire la botanique.
La nouvelle chaîne Eldjazairia TV parodie et critique des personnes hier
puissantes, comme le général Khaled Nezzar. Du jamais vu. Elles tombent à pic, à
côté de Eldjazairia TV et de Echourouk TV, Ennahar TV est discrètement accréditée,
juste au moment où s’arrête la chaîne d’opposition islamiste Al Magharibia TV, qui émettait depuis Londres. Elles font vite,
aussi, quitte à s’inventer plus tard un historique comme l’ont fait les anciens
combattants qui n’ont jamais pris les armes. Malgré leurs éditoriaux anonymes et
signés, on dit qu’elles fonctionneraient sans budget notable. J’en retiens le
dernier mot. Tout le monde sait que les couteaux sont tirés pour la succession
à Bouteflika, que certains disent déjà mort, et que ces chaînes sont sur le front.
C’est moins mauvais qu’un Printemps dont les fleurs seraient arrosées de sang
puis étiolées de piété ostentatoire.
Les programmes de ces chaînes savent parfois capter
l’attention. Facile en terrain régional vierge et suffisant pour retenir de
zapper avant que ne soit délivré le message. Ce n’est pas pour rien que cela
s’appelle une « grille » de programmes. Sur Ennahar TV, par exemple, l’imam
star Chems Eddine el Djazairi, au nom bien rassurant, dissuade insidieusement de
vouloir le changement, enrobant d’humour son conservatisme. Assez rare chez les
prêcheurs, il faut le dire. Ennahar TV a bel et bien annoncé, la première, la
mort d’un chef d’Aqmi, Abou Zeïd, cela ne lui suffira pas pour remplacer Al
Jazeera ou concurrencer France 24. L’APS (Algeria Press Service), elle, a repris
cette information en préférant citer BFM TV comme source, pour faire preuve
d’honnêteté ou de compétence à sa manière. Je doute que, si elles survivent,
ces nouvelles chaînes informent autrement qu’en rapportant ou qu’elles servent
un réel changement politique en Algérie. Leur seul apport aura été de faire
renaître un espoir, serait-il faux, quand c’est l’absence d’espoir qui décime
le plus au sein d’une population.
La leçon de la déchéance n’est pas retenue par les assoiffés
de pouvoir et elle ne doit pas l’être, cela rendrait morose la conquête et
possible la candidature des pleutres. Seulement, les factions veulent impliquer
le peuple pour qu’il sollicite ou plébiscite un vainqueur qui l’oubliera. Aux
Algériens qui disent ne pas avoir besoin d’un président, je dis que les
tempêtes ne se traversent pas sous commandement collégial et qu’il vaut mieux
avoir un mauvais commandant que de ne pas en avoir du tout. Puis, je rappelle à
ces Algériens que ce sont des compatriotes à eux qui ont peur de leurs cambrioleurs
et qui attendent du président qu’il les attrape. Quel que soit le nom du futur
chef d’Etat, les attitudes des Algériens l’encourageront à la dérive ou le
décourageront du redressement.
De même, je n’approuve pas ceux qui disent à ces factions de
livrer bataille tous seuls. Je me doute bien que le vainqueur et les siens iront
eux aussi soigner leurs rhumes en Europe et que leurs enfants auront des CV
prénataux. Cependant, en attendant de savoir qui sera mat ou pat, je refuse
d’être un pion sur l’échiquier. Je préfère être un fou, gris, qui rit de l’héraldique
des cavaliers et qui se moque de la vacuité des tours de guet.
Hichem Achi
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