Aucune Femen n’est obèse ou squelettique. Alors, soit elles
subissent un entraînement avant d’entrer en scène, soit les canons de la beauté
disqualifient les autres activistes. La vision qu’a cette troisième vague
féministe de la féminité est réductrice de sa cause. La première hypothèse est la
plus plausible car tout producteur impose son casting et il est su que les
Femen ne sont pas financées que par leurs cotisations. Gaëlle-Marie Zimmerman a dit que « la plastique des militantes
aux seins nus est
conforme aux standards de la mode ».
Ce qu’elles réfutent. Quoi qu’il en soit, les fabricants de lingerie n’ont pas à
s’inquiéter, eux qui ont survécu au féminisme le plus baba cool.
La première Femen arabe est égyptienne. Plus nue que les
européennes et moins téméraire que la tunisienne qui est la première à l’avoir
fait dans son propre pays et en pleine rue. Plus prudente que les fréquentes
violées égyptiennes, aussi. La nouveauté a eu lieu le 29 mai dernier. Deux Femen
françaises et une allemande ont manifesté en Tunisie, pour libérer la militante
locale et dénoncer la condition de la femme dans ce pays. Maintenant qu’il se
déplace après s’être exporté, le mouvement pourrait devenir une internationale
socialisante. Pour dénoncer la condition de la femme dans d’autres pays arabes,
elles devront être plus nombreuses.
Les Femen ne choquent pas parce qu’elles rendent public le corps
de la femme. Il l’est déjà, le long d’une chaîne allant de la publicité à la
pornographie. Ce n’est pas le nu, en lui-même, qui rend public ce corps. Les
beaux-arts et la haute couture le montrent. Ces derniers ont su galber et
dénuder, avec une beauté et un glamour qui écartent la bestialité. Hors ces
deux là, la banalisation du nu féminin a anesthésié le désir masculin. Cette
banalisation finit par ne plus vendre comme avant et il n’est pas impossible
que la banalisation du corps de l’homme soit la réponse des mêmes exploitants.
Les Femen choquent d’abord, quand elles brisent la solennité
des lieux dédiés. Manifester seins nus dans une cathédrale ou taguer une
mosquée gérée par des salafistes est de l’irrespect envers les croyants, qu’ils
soient ou non pour la théocratie. Elles étonnent ensuite, quand elles dénoncent
l’exploitation du corps de la femme alors qu’elles le font elles-mêmes,
soi-disant pour attirer l’attention. Elles gavent par l’image afin de dégoûter.
Plus, en voyant le raidissement de ce qu’elles dénudent, on constate que
l’adrénaline des amazones a remplacé le lait des mères. Même si les modèles
traditionnels de société sont dépassés, je trouve violent qu’elles essaient
d’imposer et je confirme que le féminisme souffre aussi bien de son ignorance
du masculin que du machisme.
Les antiféministes affirment que le rabaissement et la
culpabilisation du masculin l’ont psychiquement castré, ce qui aurait favorisé
l’homosexualité et abouti au mariage homosexuel. Je suis d’accord que ce
dernier n’est pas une simple question de liberté et d’épanouissement individuels,
et le fait qu’on continue à manifester dans la rue française après sa
légalisation prouve qu’on appréhende ses conséquences. Les nationalistes français,
par exemple, craignent que leur pays ne procrée plus que grâce aux immigrés ou dans
des laboratoires. Il y a sûrement un peu de racisme dans cette crainte, mais
également un souci démographique et stratégique.
Je n’aime pas le sextrémisme des Femen mais, à son encontre,
l’emprisonnement est une réponse d’ordre public, non de société. Ce qu’il
faudrait, c’est plus de débat sur les modèles de société à venir. Ce débat inclut
des spécificités locales, il en reste mondial, pas seulement arabe ou européen.
Mieux ou pire que l’inertie, les actions de Aliaa
Elmahdy et de Amina Sboui auront été un appel par l’absurde à la morale,
et une façon de nous rappeler que la mondialisation ne fait pas circuler que
des bulles financières.
Hichem Achi
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