Sur la destitution du
président égyptien, la plupart des Arabes se sont rangés du côté de l’armée,
sous prétexte qu’elle aurait agi sur revendication populaire. Depuis quand le
ras-le-bol populaire justifie-t-il de placer en résidence surveillée un
président de République démocratiquement élu ? Sans parler des mandats
d’arrêt lancés contre les Frères musulmans. L’intention d’associer les islamistes
au gouvernement de transition ne les calme pas, les manifestations pro-Morsi font
des morts et les Frères appellent à l’insurrection. La guerre civile est donc aux
portes. Le parti salafiste Al-Noor, lui, vient de se retirer des négociations. Participer
à ce gouvernement serait une reconnaissance de sa légitimité, donc de la
légitimité du coup d’Etat. Grâce à l’armée, le peuple et les dignitaires
religieux, les Frères musulmans ont une excuse à l’échec de leur gestion. En
Egypte, ils redeviendront victimes, passées la colère et la liesse. Ailleurs,
on les soutient, rajoutant à l’inconfort des gouvernements. La gestion de Morsi
ne doit pas faire oublier qu’avant lui, les finances de l’Egypte étaient dopées
par les aides étrangères, en particulier l’aide étasunienne à l’armée. Une
autre raison du mécontentement des militaires. Si ces aides ne reviennent pas
vite, la place Tahrir, désormais baromètre et porte-voix d’un certain pouvoir, risque
de chauffer à nouveau. Cette fois-ci pour mesurer la désillusion.
Avant le soutien des
Egyptiens à l’illégale destitution, on aurait pu penser que la République était en
train de naître. Leur recul rend incertaine cette naissance. Dans un précédent
article, j’avais à moitié plaisanté en me demandant si les Algériens, et les
Arabes par extension, ne feraient pas mieux de laisser tomber la démocratie
« classique ». Je me le demande toujours. Ils ne s’inspireront de la
résistance civile de Gandhi qu’en ultime recours, celle-ci permettant difficilement
de se cacher et d’attendre que ça se termine. Beaucoup d’entre eux admirent la Révolution française, à
cause de ce sur quoi elle a débouché. Ils ne pourront pas la copier, les
sociétés et les époques ne sont pas les mêmes. Ils mélangent l’ordre des
étapes, en plus, comme en Egypte où la fronde vient après un scrutin accepté.
En Algérie, on procède
aux essais d’un prototype de drone fabriqué localement. Si j’en parle, c’est
qu’en plus d’être un exploit, ce drone militaire aura été produit avant les
véhicules civils de Renault, par exemple, et le parallèle est un clin d’œil au
militaire et au civil. Qu’on se rassure, on l’a annoncé, on n’utilisera pas de
drones mais des patrouilles supplémentaires pour assurer la sécurité des Algériens
pendant le ramadan de la piété. Plus politiquement, Bouteflika serait sur le point de rentrer au pays, après l’anniversaire de l’Indépendance nationale, comme
il est rentré au pays après la révolution de 1954 puis après la décennie noire. Afin
de ne pas en arriver, éventuellement, à destituer son successeur, faudrait-t-il
se joindre à ceux qui lui demandent de devenir Président à vie ? Encore
une fois, non. Je me ravise, en me disant qu’un peuple souverain a le droit de prendre
en main son destin ou de le confier à qui il veut. Comme les Egyptiens et
d’autres, les Algériens ne veulent pas avoir moins de pain. Instinctif, le
pain, quoique primaire. Si leur armée venait à prendre le pouvoir, ce serait probablement
anticonstitutionnel mais philosophiquement justifiable. Ça voudrait dire que le
peuple s’est trompé de revendication ou que je me suis trompé de peuple.
Hichem Achi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire