L’armée égyptienne vient de déposer le président Mohamed
Morsi. La Constitution
est gelée, l’intérim sera assuré par le président du Conseil constitutionnel et un gouvernement provisoire sera constitué de technocrates.
Profitant des manifestions qui ont commencé le 30 juin 2013, un an après l’élection
de Morsi, l’armée a adressé à ce dernier un ultimatum de 48 heures pour
« satisfaire aux revendications du peuple ». Plutôt court comme
délai, et de la part d’une armée qui n’avait adressé aucun ultimatum à
Moubarak. La menace vient d’être mise à exécution, après que le chef d’Etat ait
rejeté l’ultimatum et que cinq ministres et deux porte-paroles aient démissionné.
Morsi a écarté les tendances politiques qui l’ont aidé à
gagner les élections et a engagé une « frérisation » de la culture et
des mœurs égyptiennes. Les touristes et les investisseurs boudent son pays et
les pénuries se cumulent. Sa solution, d’emprunter au FMI, n’est sûrement pas
la plus brillante et les islamistes sont en train de montrer que ce sont de
piètres politiciens. Néanmoins, déposer un chef d’Etat démocratiquement élu est-il
une bonne solution ? Entre autres contacts, le chef d’état-major étasunien
a contacté son homologue égyptien, avant l’annonce du coup d’Etat qui prétend
ne pas en être un. Cela confirme que le Printemps arabe est sous surveillance,
afin qu’il respecte sa feuille de route. Enfin, le coup d’Etat a une autre
conséquence. Il rend dérisoire toute légitimité dans les élections à venir.
On peut se demander qui vient de déposer Morsi. Lui-même, les Frères musulmans, le
peuple, l’armée ou les Etats-Unis ? Quoi qu’il en soit, si la démocratie
est fragile dans les pays arabes, ce n’est pas seulement à cause de la
domination de l’armée, c’est aussi à cause de l’immaturité des populations. Je
ne prétends pas savoir mieux que les Egyptiens ce qu’il leur faut. Je dis qu’en
cautionnent l’armée et en refusant de négocier avec le gouvernement, ils ont ouvert
la porte à tous les possibles. Longtemps privés d’expression et grisés par leur
victoire contre Moubarak, pas nécessairement contre son régime, les Egyptiens
croient que le mot « dégage » est un sésame. Comme à Moubarak et à
Morsi, ils le diront peut-être à d’autres. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que l’autoritarisme
ne disparaît pas juste en rasant la barbe ou en camouflant le fusil. Jusqu’à ce
qu’ils réalisent que le peuple est le meilleur garant de la démocratie et que
le débat est l’un de ses piliers.
Hichem Achi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire