Ce 14
juillet 2013, le président français a été sifflé et hué par des opposants au mariage
homosexuel, du mouvement Printemps Français. A première vue et au-delà de
l’irrespect de la date, l’adoption de la loi n’a pas clos le débat. En réalité, le malaise des Français est plus grand. La France vient de perdre son dernier triple A, l’euro est remis en cause, le chômage augmente régulièrement, les
capitaux fuient le fisc, les délocalisations ne s’arrêtent pas, les centrales nucléaires
sont abandonnées, le gaz de schiste fait peur, l’opposition est mal en point, l’intégration
est un échec et le timbre Marianne est inspiré d’une non-française. Malgré ces
problèmes et bien d’autres, l’Etat est debout et on cherche des solutions.
Plus
largement qu’en France, le monde se réveille en s’indignant et, l’indignation
changeant peu ou prou les choses, une post-indignation s’annonce. Pendant que le
monde s’organise civilement, le monde arabe demande à l’armée à l’organiser. Je
me rappelle de ce slogan populaire algérien, du temps où je baignais dans une
ambiance familiale communiste, de mon
côté maternel (j’ai connu d’autres expériences, depuis). On scandait « الجيش، الشعب، ضد
الرجعية » (L’armée, le peuple, contre l’intégrisme.) Sous entendu,
l’intégrisme religieux. Dans ce slogan, l’armée arrive avant le peuple, le
fusil est sollicité avant la conscience.
En Algérie,
heureusement en retrait par rapport au Printemps arabe de la désillusion, la
tendance est au rejet de l’islamisme politique et au plébiscite de l’armée. Tant
mieux pour le rejet, dommage pour le plébiscite. A présent, les islamistes sont
plutôt perçus comme des alliés de l’Occident planificateur du Printemps. Tout
en sachant que les alliances sont plus répandues et plus complexes, je relève que
les Arabes privilégient toujours la force au débat et supportent indéfiniment ceux
qui leur font peur. C’est respectivement humoral et humain. Contradictoire, cependant,
de la part de ceux qui disent vouloir en finir avec les régimes militaires.
Je reviens
à la France qui
est toujours un eldorado aux yeux des Algériens. Ceux qui n’y sont pas veulent
toujours y aller, et ceux qui y sont restent malgré la crise. Que reviendraient-ils
faire, à part exploser les prix de l’immobilier et faire échouer un peu plus
l’arabisation ? Point positif ou négatif, selon l’émigration ou
l’immigration, ils s’intégreraient comme s’ils n’avaient jamais émigré.
De par ma
vision que je simplifie, ceux qui réfléchissent et critiquent dialectiquement
sont les intellectuels. Parmi eux, ceux qui proposent sont l’intelligentsia. Enfin,
parmi ces derniers, ceux qui ont du pouvoir sont l’élite. La société civile se
rallie à l’intelligentsia ou à l’élite, elle est vigilante ou révolutionnaire
pour que le civil l’emporte sur le militaire et le religieux. La révolte étant
déclenchée par l’instinct et la révolution par l’idéologie, je persiste à dire
que le Printemps arabe est un ensemble de révoltes et non de révolutions. Il
est périlleux que l’instinct et l’idéologie se mélangent. Cela peut arriver quand
il y a menace perçue ou réelle sur la patrie ou la religion. Dans les pays arabes, l’islamisme est le
plus périlleux des deux, car il fait passer la religion avant la patrie.
Plutôt que
de demander tout et son contraire, il faut réfléchir à comment prévenir le plus
possible les abus éventuels des gouvernants. La transparence est un moyen, à
condition de dépasser la classique liberté de la presse et de garantir l’accès
à l’information, et pas seulement pour les journalistes. Les débats de
l’Assemblée nationale pourraient être transmis intégralement et en direct sur
une chaîne télévisée créée à cette fin. Puisqu’on lâche plus facilement la partie
que le tout, il ne faut pas obtenir satisfaction à toutes ses revendications
d’un coup. Sinon, c’est le coup d’Etat. C’est sur des revendications ponctuelles
et progressives que les intelligentsias et les sociétés civiles arabes doivent
se concentrer.
Hichem Achi
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