vendredi 2 septembre 2011

L’Algérie après la Libye de Kadhafi


Kadhafi est tombé. Espérons qu’éclatera son totalitarisme camouflé en « populocratie » à plébiscite tribal pré-héréditaire. Il avait réussi à étouffer toute contestation dans un linceul vert codifié sur livret de même couleur. Souhaitant, comme les autres arabes, mourir de vieillesse sur son trône, il aurait mieux valu qu’il entende la détresse de son peuple et qu’il comprenne que ce qu’il lui veut n’est pas nécessairement ce que ce peuple se veut. Je le comprends sans l’excuser, lorsqu’on règne sans partage pendant 42 ans, on finit par se croire éternel et indestructible. Les gouvernants comme lui enseignent la morale de l’Histoire à leurs peuples et oublient de la lire eux-mêmes.

On s’insurge que l’OTAN soit intervenue. J’ai été pour la force d’interposition, pas pour l’offensive contre Tripoli. Cependant, que serait-il arrivé aux rebelles libyens si l’OTAN avait laissé faire ? Au mieux, un bourbier interminable et au pire, un massacre. On voit bien qu’il n’est pas facile de dire qui avait raison et qui avait tort. En tout état de cause, ce qui est fait est fait et il est plus utile de s’adapter au présent et de penser l’avenir au lieu de pleurer un dictateur subitement devenu héros de la résistance à l’invasion philosophique et militaire.

Je ne m’attarde pas sur les raisons de la non dénonciation des exactions de Kadhafi par le régime algérien. Les reconnaître aurait été reconnaître les siennes, bien que les deux systèmes soient d’organigrammes différents. Par contre, j’ai clairement été pour l’accueil d’une partie de la famille de Kadhafi, une fois à notre porte. Ne pas les accueillir aurait été le fait de sadiques inconscients. Dans la férocité de la bataille et le souvenir de ce qu’ils leur reprochent, à tort ou à raison, des Libyens les auraient peut-être lynchés. Je ne suis pas pour cette méthode. Si les membres de la famille Kadhafi doivent être remis aux Libyens, ils devront l’être dans un cadre légal, garant de leurs droits (oui, ils en ont) et du respect des lois internationales en la matière.

Déjà avant le printemps arabe, les relations algéro-libyennes n’étaient pas au beau fixe, entre autres à cause des fréquentes volte-face et frasques de Kadhafi. Lorsqu’il a décrit l’Algérie comme « une grande  révolution qui n’a pas donné ses fruits », il a soulevé un tollé de la part de journalistes algériens dont le faux patriotisme a fait nier la vérité. Qu’on se rassure, l’Algérie finira par reconnaître le CNT ou ce qui lui succédera et les relations diplomatiques reprendront tant bien que mal. Une question reste cependant en suspens.

Jusqu’à quand aurons-nous à surveiller nos frontières avec la Libye, maintenant qu’on dit la nébuleuse AQMI en train de prendre place dans le champ politique officiel libyen ? Nos forces armées surveillent déjà nos frontières avec le Maroc.

Il est temps de se réconcilier avec nos voisins et amis de toujours pour nous consacrer à surveiller nos frontières du Sud, derrière lesquelles a élu domicile un terrorisme se réclamant d’une religion qu’il ne représente pas. Il est temps de nous consacrer à la plus grande et la plus difficile des batailles, celle de la construction d’un avenir moins lugubre, avec le courage de reconnaître les erreurs du passé et le réalisme de dire les vrais chiffres et de préparer l’après pétrole. La vraie bataille se gagnera en permettant que se mettent en place de vraies réformes. Elle se gagnera en s’ouvrant sur les autres, ses voisins en premier et dans toutes les directions qu’imposent la géographie et l’Histoire. Elle ne se gagnera pas en se barricadant derrière un nationalisme mondialement obsolète ou en criant au loup du Nord afin de rassembler par diversion et redorer le blason de la décriée seigneurie.

A propos de ce loup imaginaire, des Algériens se mobilisent, des messages circulent sur Facebook pour se préparer à défendre son pays et des groupes se créent sur le même réseau. Défendre l’Algérie contre qui ou contre quoi ? La convoitise que suscitent les sous-sols algériens n’a pas attendu le printemps et leur défense, partielle ou totale, a commencé un certain 24 février 1971. Quant au loup, je dis qu’il est dans la bergerie depuis un demi-siècle et qu’il est poilu de laine.

Dans la foulée des révoltes et révolutions arabes, Bachar el-Assad tombera inéluctablement et les regards se tourneront encore plus vers l’Algérie. Les regards des Algériens avant ceux des autres. Aux gouvernants, je conseille de relire l’actualité en se limitant à l’année passée. Au peuple, je rappelle que la révolution n’abolit pas les privilèges et qu’elle les fait juste changer de mains. Alors, n’ayons pas peur du zoomorphe épouvantail local et menons la réforme, pas la guerre.