mardi 27 août 2013

Qui fait le plus de mal à la Syrie ?

L’éventualité d’une toute prochaine frappe contre la Syrie ravive les tensions entre Arabes. Je n’aimerais pas que la Syrie devienne un autre Irak. Le massacre du 21 août 2013, à Damas, a définitivement fait passer ce conflit de l’atrocité à l’horreur. Même si les auteurs de cette attaque aux armes chimiques n’ont pas encore été clairement identifiés, je ne perds pas de vue que c’est le régime de Bachar el-Assad qui a rendu cela possible. Qu’on arrête de l’applaudir, 97,62 % de « oui » truqués s’en sont chargés en 2007 et ses stars se courbent devant lui autant qu’elles se dressent sur scène.

Il a accédé au pouvoir à 35 ans (en 2000), après un abracadabrantesque amendement de la Constitution qui en exigeait 40. A son investiture, il a promis une ouverture démocratique sur laquelle il s’est rétracté trois ans plus tard. Il a emprisonné et torturé des opposants, bien avant le Printemps arabe, et il continue à le faire. Il a interdit la messagerie instantanée et l’accès à Facebook et à Youtube, avant de les rétablir pour repérer et surveiller les opposants. Il a réprimé les pacifiques manifestations du 15 mars 2011 et d’après. Il a sacrifié quelques corrompus pour en épargner la plupart. Il s’est maintenu après avoir envisagé de céder sa place. Il a bombardé ou incendié des villes et des villages. On dira que les djihadistes tuent aussi. Oui mais s’il avait agi autrement depuis son accès au pouvoir ou aux débuts de la révolte, le changement se serait engagé dans la paix. Vite ou lentement mais dans la paix. Aucun djihadiste ne serait allé en Syrie.

Je pense toujours qu’el-Assad est moins mauvais gestionnaire que les islamistes. Cependant, quoi qu’il arrive, il est le premier responsable de cette tragédie. Des plus de 100 000 morts, des 2 millions de déplacés et des 4 millions de sous-alimentés. Il sera également responsable de ce qui arrivera aux révoltés s’il gagne. Si les Etats-Unis décident de frapper la Syrie, ils le feront, que les preuves d’utilisation d’armes chimiques soient établies ou temporaires. La Russie laisserait faire, avec son veto en faveur du marché syrien d’armes et d’autres. Bachar el-Assad songerait alors à fuir quelque part, en laissant derrière lui un peuple martyrisé et divisé. Son peuple. Il survolerait des ruines autrefois patrimoine mondial, en emportant son propre patrimoine autrefois patrimoine des Syriens.


Hichem Achi

dimanche 4 août 2013

Islamisme politique, laïcité et démocratie

D’abord acceptés comme palliatifs aux dictateurs arabes, les islamistes sont maintenant hués et détestés. Le déjeuner public à Tizi Ouzou, ce 2 août 2013, en plein ramadan, est une réponse à la chasse aux non-jeûneurs qu’engage l’Etat algérien depuis des années. Si je relie ces deux faits, c’est pour dire que l’intolérance dans les pays musulmans n’est pas spécifique aux islamistes. Aujourd’hui que l’islam est devenu première religion au monde, il est urgent de réfléchir à un système capable de garantir le bon vivre-ensemble dans ces pays. Pour ce faire et au regard de ce qu’on en a vu, les islamistes ne devraient plus jamais être au sommet du pouvoir.

Je passe outre leur alliance fictive ou réelle avec les Etats-Unis et Israël, durant les révoltes arabes. Les alliances peuvent être décisives, elles n’en demeurent pas moins conjoncturelles, donc changeantes. En illustration, John Kerry, qu’on croyait du côté des Frères musulmans, vient de déclarer que l’armée égyptienne a « rétabli la démocratie » en déposant Mohamed Morsi. Les islamistes ne sont pas seulement inexpérimentés en politique. Ils croient que la véracité du message coranique leur donne le droit d’imposer, même s’ils imposent une morale et non une foi. On pourrait se dire que la démocratie est l’instrument de la volonté du peuple et que l’islam n’oblige pas à devenir musulman. Que la démocratie et l’islam se rejoindraient là, donc. Seulement, des théologiens musulmans pensent qu’il n’est pas nécessaire qu’un pays soit majoritairement musulman pour que l’Etat le soit. Plus, certains pensent que c’est la charia qui légitime et non pas les urnes. Il ne faut pas comparer l’islam et la démocratie à tous les niveaux. L’islam est un dogme et une philosophie. La démocratie est un moyen de choisir. Elle n’a pas de dogme et permet de changer de dirigeant, de dogme et de philosophie.

La laïcité garantirait, entre autres, la liberté aux non-musulmans. Stratégiquement, elle permettrait de barrer la route aux sectes qui prolifèrent et au wahhabisme que les Etats musulmans ne savent pas contrer. Dans cette bataille contre le wahhabisme, l’Etat algérien forme des légions de théologiens, entièrement voilés pour beaucoup, et je me demande à quoi ils servent. L’argument de l’inutilité de référer à l’islam dans un pays musulman a montré son inefficacité. Pour preuve, la Constitution algérienne, qui interdit les partis fondés sur des bases religieuses, n’a pas empêché de les autoriser. Même que les Frères musulmans algériens ont été encouragés à fonder le Msp, pour qu’on l’oppose au Fis. Ce serait une erreur de copier la laïcité à la turque ou à la française. La turque s’est faite avoir par Erdogan, la française ne contraint pas ses islamistes. Idéalement, il faudrait une séparation de la religion et du pouvoir, avec des garde-fous permettant d’éviter des dérives de l’Occident. Et il y en a. A ce titre, l’islam resterait religion d’Etat. La morale n’est peut-être pas de l’exclusivité de la religion, mais elle s’en inspire souvent pour faire consensus en la matière. En résumé, il faut trouver le moyen de rendre réellement impossibles les partis fondés sur des bases religieuses.

Actuellement dans le monde arabe, le débat se réduit à des prises de position sur le conflit syrien et les crises égyptienne et tunisienne. Cela a au moins l’avantage de confronter les arguments. Ce débat doit pourtant aller plus loin, le contexte politique y est favorable malgré les tensions. L’Etat algérien ne favorisera pas ce débat et n’interdira pas les partis islamistes agréés. Mohamed Arkoun avait proposé de créer un institut qui étudie le fait religieux au lieu de la religion. Plus près du peuple, Michel Onfray a redémontré les merveilles que pouvait faire l’Université populaire. L’Etat pourrait au moins la concéder. Permettre de vulgariser une pensée musulmane contemporaine, la pensée musulmane ne produisant que dans un cadre universitaire et à son seul usage. L’Université ne provoque pas les évènements, elle les étudie. En amont, c’est le peuple qui élit ou qui se révolte.


Hichem Achi