mardi 30 juillet 2013

La paix des grands profiteurs

La députée Fln Asma Benkada a été interrogée par la police judiciaire. Son neveu, conduisant un véhicule de l’Assemblée nationale, le 24 juillet 2013 à Alger, a tué un enfant de 10 ans et a pris la fuite. Il est difficile de croire que la députée n’a pas remarqué que le véhicule de fonction avait été pris par son neveu et qu’il avait été cabossé. Bel exemple de la part de cette députée chargée de l’Education. Le fait qu’elle soit l’ex-épouse de cheikh Youssef al-Qaradawi, spécialisé dans la fatwa d’assassinat de chefs d’Etats, a-t-il un lien avec sa candidature sur la liste Fln ? On est tenté de le croire, au regard des positions du cheikh dans le Printemps arabe, contradictoires par rapport à celles du régime algérien, même si ce régime ne les exprime pas lui-même.

Dans le même temps, les scandales financiers se succèdent. Après ceux de Sonatrach et de l’Anep, voici celui de Sonelgaz. La Police fédérale suisse enquête sur un possible blanchiment d’argent et des cadres dirigeants de l’entreprise ont été placés sous contrôle judiciaire, en Algérie. La bataille au sommet de l’Etat fait rage et il y aurait des avantages à tenir jusqu’à l’échéance normale de 2014 pour la présidentielle. Plus de vérité éclaterait au grand jour. Ces scandales ne permettent pas que le règlement de comptes. Ils permettent aussi de préparer la privatisation éventuelle de grandes entreprises publiques. En partie, dans un premier temps. On se rappelle de la privatisation de Sonatrach qu’avait préparée l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khalil. Hugo Chavez aurait dissuadé Bouteflika de la concrétiser et, aujourd’hui, on dit que c’était plutôt le Drs (Renseignements algériens) qui avait tiré la sonnette d’alarme.

En attendant que d’autres imprudents ou cavaliers seuls se fassent attraper, le Premier ministre Sellal multiplie les concessions et les dotations illégales. Ses mains libres disent qu’il est le mieux placé pour être le candidat du régime, sous bannière Rnd, dans la présidentielle qui sera celle des Premiers ministres. Je n’irais pas jusqu’à dire que nous pourrions nous passer de président, mais je relève que Bouteflika aura été plus utile malade qu’en bonne santé, puisque la principale paix due à sa présence aura été celle des grands profiteurs, à coups de véhicules de fonction ou beaucoup plus. Plus que celle de la Concorde civile qui aura fait que des terroristes s’affichent avec indécence et laissent au maquis leur reliquat qui continue à tuer. Une élection anticipée serait pourtant meilleure, car le risque n’est pas dans la rareté des candidats consensuels, il est dans les débordements aux conséquences imprévisibles, au Sud, en Kabylie et ailleurs. Les actuels rassemblements populaires viennent surtout suite aux enlèvements, viols et assassinats d’enfants. Ils dégénèrent déjà un peu en cassant des vitrines et des véhicules de citoyens innocents. Pour nous rappeler qu’il y a le feu sous la paille.


Hichem Achi

jeudi 25 juillet 2013

Où sont passés nos ambassadeurs ?

Le monde arabe est en ébullition, les diplomaties du monde s’activent pour faire pencher la balance et la diplomatie algérienne est absente. Qu’on ne nous dise pas qu’elle est discrète. La discrétion n’a même pas permis de trouver un terrain d’entente avec le Maroc plus que voisin.

Bouteflika aurait décidé de rappeler définitivement Missoum Sbih, ambassadeur à Paris, alors que ce dernier était proche de lui. Difficile de croire que c’est parce que ce diplomate n’était pas au courant qu’il y avait des Algériens en France. De l'avis de nos émigrés, nos diplomates en poste à l’étranger le sont rarement. Aussitôt rentré à Alger, Bouteflika aurait bloqué les listes ministérielles de nouveaux ambassadeurs, consuls, magistrats et walis. Il attendrait de changer les ministres de l’Intérieur et de la Justice. Ce n’est pas Bouteflika qui a bloqué ces listes. Elles ont été bloquées pour les remanier à l’obédience de son successeur et cela confirme ce que ses trois mois d’absence ont démontré : le président ne décide plus de rien.

Dans un gouvernement qui ne se réunit pas parce qu’il ne décide pas, lui non plus, notre diplomatie se fait toute petite. Elle craint les élections de 2014, l’armée, les journalistes et les grandes puissances. Cela fait beaucoup et ce n’est pas tout. Elle craint aussi l’immixtion du FBI, au point de ne pas poursuivre en justice Ali Khadraoui, ancien diplomate en poste aux Etats-Unis et soupçonné de corruption.

Qui pourrait bien nous représenter à l’étranger ? Cheb Mami ? Même sa voix ne réussit pas à faire passer les 200 000 euros que l’Algérie a déboursés pour le libérer de prison. Miss Algérie 2013 ? Elle a certes défilé vêtue de la tenue la plus prisée par les Algériens, le survêtement, mais son niveau intellectuel, critère qui serait le plus important, ne se voit pas beaucoup. Les délégations civiles, qui partent en Syrie par exemple ? Elles sont motivées par le désuet panarabisme ou par le baklava de dictateur. Le miel, ça adoucit le Palais et ça tient la langue. En attendant de connaître qui seront nos futurs ambassadeurs officiels, ceux qui nous représentent le mieux à l’étranger sont anonymes. Ils sont loin des projecteurs et leur conscience est leur seule feuille de route. C’est la représentation qui marque le plus là où elle se trouve.


Hichem Achi

mardi 23 juillet 2013

Prochainement sur le monde arabe et l’Europe

L’Union européenne vient de classer « organisation terroriste » la branche armée du Hezbollah, et les Etats-Unis s’activent pour préparer un accord israélo-palestinien. Je l’ai dit précédemment, cet accord veut se conclure pendant que la plupart des Arabes encouragent Bachar el-Assad à épuiser avec lui l’Iran et le Hezbollah et que, comme moi, peu refusent de choisir entre lui et les djihadistes. Les Tunisiennes parties en Syrie faire le djihad du sexe rentrent enceintes. Puisqu’elles veulent toujours émigrer en Europe, pourquoi n’y emmèneraient-elles pas leurs illégitimes enfants ? Ils alimenteraient l’ « adoption pour tous » qui arrive, ou raviveraient la démographie européenne en berne. Avec ou sans adoption, l’Europe deviendra inévitablement plus basanée, et elle aura encore plus peur de contrôler sous le niqab qui la vainc déjà. L’Eurabia, comme certains l’appellent.

En se dirigeant vers l’Europe, les Nigériens traversent le Maghreb ou s’y installent. Le Maghreb doit les attraper deux fois, aux frontières du Sud et sur la côte. Les frontières du Sud étant plus difficiles à surveiller que les côtes, il entre plus de Nigériens qu’il n’en sort et cela donne l’immigration. Un autre sujet. S’ils ne donnent pas l’assaut à Ceuta et à Melilla, où des Espagnols les repoussent avant de venir eux-mêmes travailler clandestinement au Maghreb, ils s’installent dans la région algérienne de Msila. L’Algérie ne les y attrape pas, elle attrape pathétiquement ceux qui ne jeûnent pas pendant le ramadan. Pour l’instant, il n’y a qu’Aqmi et les sociétés pétrolières qui traversent entièrement l’Algérie du Nord au Sud. Un sens dans lequel lucratif et mortel se recoupent.

Sur le monde arabe, une conférence internationale devrait se tenir dans les prochains mois et même l’Iran y participera, avec le nouveau président, plus favorable au dialogue. En contrepartie, on lui proposera de consolider les récents acquis géostratégiques du chiisme. Les grands perdants du Printemps sont les pays Arabes et l’Europe. La France, particulièrement. Pour elle, ladite conférence sera plus un nouveau Yalta qu’un nouveau Sykes-Picot. Alors que leurs politiques étrangères, économiques et migratoires n’ont pas brillé ou ont échoué, les pays arabes et l’Europe ne veulent pas fonder des relations nouvelles. Sans action, le possible ne l’emporte jamais sur le probable, et le probable est que les exclusivités du passé ne dureront pas éternellement. Les temps changent, les aspirations des peuples aussi. On peut s’attendre à ce que, à cause des crises, de nombreux Arabes d’Europe connaîtront un excès de déception et de précarité et retourneront vers leurs pays d’origine. Cependant, il y aura du lobbying pro-arabe parmi ceux qui resteront en Europe, et ceux qui rentreront ne feront pas tous du lobbying pro-européen. Se sentant blousés et retrouvant ce qui les avait fait partir, ils en voudront aux responsables de leurs deux exils.


Hichem Achi

mercredi 17 juillet 2013

Que revient faire Bouteflika ?

Bouteflika est de retour à Alger, accompagné d'un communiqué qui dit : « Ayant achevé la période de soins et de réadaptation fonctionnelle qu’il suivait en France, M. le président de la République a regagné Alger ce jour, mardi 16 juillet 2013, où il poursuivra une période de repos et de rééducation ». Pas de changement notable, donc, même si on pourra dire que la réadaptation est différente de la rééducation et même si les images qu’en a montrées la télévision sont l’acte deux de la mise en scène de la réunion de travail aux Invalides.

A l’évidence, Bouteflika est dans l’incapacité d’assumer ses fonctions. Que revient-il faire à Alger ? Pourquoi ne poursuit-il pas sa rééducation en France, maintenant que la honte est bue et que tout le monde sait qu’aucune structure sanitaire algérienne n’est capable de le prendre en charge ? Sa santé étant ce qu’elle est, peut-être son retour permet-il des choses qui auraient été indiscrètes en France, genre imminent. Rassurer l’opinion publique n’est plus nécessaire. Formatés à l’idée du chef qui décide de tout, les Algériens ont compris que le pouvoir décisionnel est ailleurs, en voyant que le pays a fonctionné pendant les 82 jours d’absence du président. Ils ont le sentiment que Bouteflika les a leurrés puis abandonnés. A moins qu’on veuille calmer certaines parties de la population.

On ménage les chômeurs en colère de Ouargla et on chouchoute la Kabylie. Les deux sont liés et, comme chacun sait, pour être recruté à Ouargla il faut passer par Tizi Ouzou. Comme quoi, revendiquer son identité n’empêche pas de faire des calculs. Successivement, Tizi Ouzou a le taux le plus élevé de réussite au baccalauréat 2013, le Conseil des ministres adopte une liste de 300 prénoms kabyles alors qu’il ne s'était pas réuni depuis décembre 2012, le Premier ministre annonce un budget complémentaire de 1000 milliards de centimes pour la wilaya et promet de l’accompagner dans son développement. Le président de la République n’avait pas fait mieux, lui qui avait fait le kabyle (tamazight) langue nationale sans référendum. Désormais, si on est kabyle, on est susceptible de rallier la cause des séparatistes et on a donc une chance de devenir privilégié, à côté des anciens moudjahidine, de leur descendance et des terroristes repentis. Et tant pis pour les non-fauteurs de troubles.

Les félicitations au chef d’Etat se succèdent, plus intéressées les unes que les autres, et le Fln fera peut-être une trêve interne, en retrouvant un patron virtuel qui ne fera plus peur mais qui fera patienter. L’Assemblée nationale ne peut plus déclarer le président inapte à diriger, puisqu’il est officiellement en meilleure santé. Si les décideurs le convainquent, il démissionnera comme Bendjedid en 1992 et Zeroual en 1998. L’Algérie deviendra la République où les présidents démissionnent le plus, pour mourir dans un lit ou parce que les moutons ne méritent pas mieux. Une forme d’alternance où seuls les super électeurs votent, et qui n’est pas certaine d’éviter le Printemps ou de garantir l’unité du territoire.

Hichem Achi

mardi 16 juillet 2013

Sociétés civiles arabes, entre instinct et idéologie

Ce 14 juillet 2013, le président français a été sifflé et hué par des opposants au mariage homosexuel, du mouvement Printemps Français. A première vue et au-delà de l’irrespect de la date, l’adoption de la loi n’a pas clos le débat. En réalité, le malaise des Français est plus grand. La France vient de perdre son dernier triple A, l’euro est remis en cause, le chômage augmente régulièrement, les capitaux fuient le fisc, les délocalisations ne s’arrêtent pas, les centrales nucléaires sont abandonnées, le gaz de schiste fait peur, l’opposition est mal en point, l’intégration est un échec et le timbre Marianne est inspiré d’une non-française. Malgré ces problèmes et bien d’autres, l’Etat est debout et on cherche des solutions.

Plus largement qu’en France, le monde se réveille en s’indignant et, l’indignation changeant peu ou prou les choses, une post-indignation s’annonce. Pendant que le monde s’organise civilement, le monde arabe demande à l’armée à l’organiser. Je me rappelle de ce slogan populaire algérien, du temps où je baignais dans une ambiance familiale communiste, de mon côté maternel (j’ai connu d’autres expériences, depuis). On scandait « الجيش، الشعب، ضد الرجعية » (L’armée, le peuple, contre l’intégrisme.) Sous entendu, l’intégrisme religieux. Dans ce slogan, l’armée arrive avant le peuple, le fusil est sollicité avant la conscience.

En Algérie, heureusement en retrait par rapport au Printemps arabe de la désillusion, la tendance est au rejet de l’islamisme politique et au plébiscite de l’armée. Tant mieux pour le rejet, dommage pour le plébiscite. A présent, les islamistes sont plutôt perçus comme des alliés de l’Occident planificateur du Printemps. Tout en sachant que les alliances sont plus répandues et plus complexes, je relève que les Arabes privilégient toujours la force au débat et supportent indéfiniment ceux qui leur font peur. C’est respectivement humoral et humain. Contradictoire, cependant, de la part de ceux qui disent vouloir en finir avec les régimes militaires.

Je reviens à la France qui est toujours un eldorado aux yeux des Algériens. Ceux qui n’y sont pas veulent toujours y aller, et ceux qui y sont restent malgré la crise. Que reviendraient-ils faire, à part exploser les prix de l’immobilier et faire échouer un peu plus l’arabisation ? Point positif ou négatif, selon l’émigration ou l’immigration, ils s’intégreraient comme s’ils n’avaient jamais émigré.

De par ma vision que je simplifie, ceux qui réfléchissent et critiquent dialectiquement sont les intellectuels. Parmi eux, ceux qui proposent sont l’intelligentsia. Enfin, parmi ces derniers, ceux qui ont du pouvoir sont l’élite. La société civile se rallie à l’intelligentsia ou à l’élite, elle est vigilante ou révolutionnaire pour que le civil l’emporte sur le militaire et le religieux. La révolte étant déclenchée par l’instinct et la révolution par l’idéologie, je persiste à dire que le Printemps arabe est un ensemble de révoltes et non de révolutions. Il est périlleux que l’instinct et l’idéologie se mélangent. Cela peut arriver quand il y a menace perçue ou réelle sur la patrie ou la religion. Dans les pays arabes, l’islamisme est le plus périlleux des deux, car il fait passer la religion avant la patrie.

Plutôt que de demander tout et son contraire, il faut réfléchir à comment prévenir le plus possible les abus éventuels des gouvernants. La transparence est un moyen, à condition de dépasser la classique liberté de la presse et de garantir l’accès à l’information, et pas seulement pour les journalistes. Les débats de l’Assemblée nationale pourraient être transmis intégralement et en direct sur une chaîne télévisée créée à cette fin. Puisqu’on lâche plus facilement la partie que le tout, il ne faut pas obtenir satisfaction à toutes ses revendications d’un coup. Sinon, c’est le coup d’Etat. C’est sur des revendications ponctuelles et progressives que les intelligentsias et les sociétés civiles arabes doivent se concentrer.


Hichem Achi

dimanche 14 juillet 2013

Plus largement qu’en Syrie

Les Etats-Unis n’interviennent pas directement en Syrie, ils ne veulent pas d’un deuxième Irak et leurs difficultés économiques aiment bien que des pays du Golfe financent la guerre contre el-Assad. Même si la politique étrangère est le point faible d’Obama, le temps joue en sa faveur. Qu’el-Assad gagne la guerre, pourvu qu’il épuise avec lui l’Iran et le Hezbollah, et surtout qu’il les retienne le plus longtemps possible. Le temps de laisser se construire, peut-être, quelque chose entre le Hamas et Israël. Je ne crois pas à la coïncidence en voyant le Qatar financer le Hamas, au moment où ce dernier se démarque du Hezbollah. Les Etats-Unis ont remercié l'émir du Qatar et exigé de son successeur plus de discrétion, pour arrêter de faire de l’ombre à leur fidèle allié dans la région, l’Arabie Saoudite. Le Qatar doit à présent calmer la folie des grandeurs qu’on lui avait tolérée ou suggérée. Il met en sourdine son cheikh al-Qaradawi et sa chaîne télévisée Al Jazeera. Le cheikh fait haïr l’émirat par ses appels au djihad dans les pays arabes et la chaîne concurrence au-delà de la région.

La Chine aussi gagne à l’abdication de l’émir du Qatar. En plus de son implication dans le conflit syrien, l’émirat était trop vorace dans ses investissements à l’étranger, particulièrement en France. Au passage, je fais remarquer qu’outre la rentabilité, l’investissement qatari en France veut le prestige, alors que l’investissement chinois veut délocaliser les enseignes françaises mythiques et déplacer le pôle d’attraction culturel de l’Europe vers l’Asie. La Russie gagne aussi, en devenant encore plus incontournable dans la gestion des grands conflits armés. L’Union européenne perd, parce que sa position n’est pas unifiée et qu’elle est accaparée par sa crise financière et culturelle. D’ailleurs, la crise culturelle de l’Europe n’est pas sans conséquences sur ce qui se passe dans le monde arabe.

En effet, les pays de l’Europe de l’Ouest servent souvent de modèle, en raison de leur développement et des libertés qui y règnent. Pour des considérations liées au fait colonial, également. Or, ces modèles s’essoufflent et sont, par exemple, dans l’incapacité de répondre aux revendications croissantes de leur multiculturalisme. En l’absence d’un modèle laïc probant dans les pays musulmans, aucun modèle endogène ne suscitera la confiance, donc l’adhésion, s’il ne fera pas référence à l’islam. En plus, la religion est un instrument trop puissant pour ne pas être exploité par les politiciens, et même si la plupart des musulmans arrivent un jour à distinguer entre islam et islamisme politique, il y aura toujours intérêt à amalgamer.

Ceci pour dire que l’islamisme politique n’est pas mort, contrairement à ce que dit el-Assad après la chute des Frères musulmans en Egypte. Il l’a dit pour insinuer que c’est soit son autoritarisme soit l’islamisme, occultant tout autre courant politique, donc toute autre solution que lui. Le régime algérien l’a aussi dit, à travers son porte-voix dans ses partis satellites, Amara Benyounes, pour tacler la coalition islamiste qui se prépare. Un mot à propos de la délégation algérienne partie en Syrie soutenir el-Assad, quand le prudent officiel ne le soutient pas directement. Je rappelle que les réseaux sociaux l’ont encouragé à s’accrocher au pouvoir alors qu’il envisageait de partir. Je ne pense pas aux djihadistes venus de l’étranger, et que je dénonce. Je pense aux opposants syriens qui paieront lorsque les délégations seront reparties et que les internautes arabes reviendront à leurs autres « like ».

Avec l’islamisme politique, la solution est de le confronter à la responsabilité pour que les sociétés comprennent que la religiosité n’est pas synonyme d’essor. Les sociétés qui n’essaient pas leurs islamistes sont les plus susceptibles de les essayer dans la crise, là où l’affolement fait se jeter sur la première bouée venue. L’Algérie a payé le prix de la brutalité dans leur mise à l’écart et l’Egypte commence à le faire. En Syrie, en Egypte et en Libye, les Arabes sont les plus grands perdants. Les Arabes veulent les libertés et le développement de l’Occident, en les important sans autre effort. Dans l’impossibilité de le faire, ils préfèrent émigrer que réfléchir à un système de gouvernance adapté à leur réalité. Que serait la colère des Algériens, par exemple, s’il n’y avait plus de pétrole ? Entre autres importateurs de solutions, des islamistes proposeraient de la liturgie. Une grande partie de la société suivrait.


Hichem Achi

mardi 9 juillet 2013

Du pain et de la domination

Sur la destitution du président égyptien, la plupart des Arabes se sont rangés du côté de l’armée, sous prétexte qu’elle aurait agi sur revendication populaire. Depuis quand le ras-le-bol populaire justifie-t-il de placer en résidence surveillée un président de République démocratiquement élu ? Sans parler des mandats d’arrêt lancés contre les Frères musulmans. L’intention d’associer les islamistes au gouvernement de transition ne les calme pas, les manifestations pro-Morsi font des morts et les Frères appellent à l’insurrection. La guerre civile est donc aux portes. Le parti salafiste Al-Noor, lui, vient de se retirer des négociations. Participer à ce gouvernement serait une reconnaissance de sa légitimité, donc de la légitimité du coup d’Etat. Grâce à l’armée, le peuple et les dignitaires religieux, les Frères musulmans ont une excuse à l’échec de leur gestion. En Egypte, ils redeviendront victimes, passées la colère et la liesse. Ailleurs, on les soutient, rajoutant à l’inconfort des gouvernements. La gestion de Morsi ne doit pas faire oublier qu’avant lui, les finances de l’Egypte étaient dopées par les aides étrangères, en particulier l’aide étasunienne à l’armée. Une autre raison du mécontentement des militaires. Si ces aides ne reviennent pas vite, la place Tahrir, désormais baromètre et porte-voix d’un certain pouvoir, risque de chauffer à nouveau. Cette fois-ci pour mesurer la désillusion.

Avant le soutien des Egyptiens à l’illégale destitution, on aurait pu penser que la République était en train de naître. Leur recul rend incertaine cette naissance. Dans un précédent article, j’avais à moitié plaisanté en me demandant si les Algériens, et les Arabes par extension, ne feraient pas mieux de laisser tomber la démocratie « classique ». Je me le demande toujours. Ils ne s’inspireront de la résistance civile de Gandhi qu’en ultime recours, celle-ci permettant difficilement de se cacher et d’attendre que ça se termine. Beaucoup d’entre eux admirent la Révolution française, à cause de ce sur quoi elle a débouché. Ils ne pourront pas la copier, les sociétés et les époques ne sont pas les mêmes. Ils mélangent l’ordre des étapes, en plus, comme en Egypte où la fronde vient après un scrutin accepté.

En Algérie, on procède aux essais d’un prototype de drone fabriqué localement. Si j’en parle, c’est qu’en plus d’être un exploit, ce drone militaire aura été produit avant les véhicules civils de Renault, par exemple, et le parallèle est un clin d’œil au militaire et au civil. Qu’on se rassure, on l’a annoncé, on n’utilisera pas de drones mais des patrouilles supplémentaires pour assurer la sécurité des Algériens pendant le ramadan de la piété. Plus politiquement, Bouteflika serait sur le point de rentrer au pays, après l’anniversaire de l’Indépendance nationale, comme il est rentré au pays après la révolution de 1954 puis après la décennie noire. Afin de ne pas en arriver, éventuellement, à destituer son successeur, faudrait-t-il se joindre à ceux qui lui demandent de devenir Président à vie ? Encore une fois, non. Je me ravise, en me disant qu’un peuple souverain a le droit de prendre en main son destin ou de le confier à qui il veut. Comme les Egyptiens et d’autres, les Algériens ne veulent pas avoir moins de pain. Instinctif, le pain, quoique primaire. Si leur armée venait à prendre le pouvoir, ce serait probablement anticonstitutionnel mais philosophiquement justifiable. Ça voudrait dire que le peuple s’est trompé de revendication ou que je me suis trompé de peuple.


Hichem Achi

jeudi 4 juillet 2013

Algérie : Bilan contradictoire à 51 ans moins un jour



51 ans, c’est court pour un pays, long pour un coma populaire. Prenons du bilan quelques instantanés. Un : A la veille de l’anniversaire de l’indépendance, le président de la République est convalescent dans le pays auquel il réclamait l’indépendance. Deux : Des élus (députés Fln et Rnd) refusent de débattre de la corruption dont se plaignent ceux qui les auraient élus. Trois : Des tricheurs au baccalauréat 2013 veulent entrer à l’Université et en sont empêchés par des tricheurs devenus universitaires. Par calcul, ledit bilan ne chiffrera pas nos contradictions. Une bonne nouvelle, quand même. La hausse des indemnités des députés est remise en cause, sur dénonciation populaire, preuve que cette dernière n’est pas vaine. Si on évite la provocation, c’est que le pouls de l’opinion publique est un branle-bas de paix fragile.



En Egypte, la Constitution est gelée et Adly Mansour, l’intérimaire de Mohamed Morsi, prête serment en jurant de la respecter. Les Egyptiens sont en liesse à l’annonce du putsch militaire contre leur premier président démocratiquement élu, alors qu’ils réclamaient la démocratie. Ces deux observations me rappellent que la contradiction est humaine. Arabe aussi, donc. Pendant que d’autres pays arabes se révoltent dans la rue, les Algériens suivent leur équipe nationale de foot et attendent le ramadan pour s’énerver le jour et s’empiffrer la nuit. La révolte qui leur est souhaitée ravive leur souvenir des années 1990, à quelque chose malheur est bon. Ils ont vu que l’islamisme politique est explosif, directement ou par réplique. Malheureusement, la cherté d’une leçon ne la fait pas retenir par tout le monde.



A plus grande échelle, l’indignation qui se manifeste dans le monde évoluera et sa persistance fait réfléchir plus que ne l’a fait son démarrage. La précipitation est-elle plus dangereuse que la passivité ? La question est trop ancienne pour avoir la même réponse dans tous les contextes, et la ténacité la contourne. Si les gouvernants ont toujours abusé, la médiatisation de leurs abus est, aujourd’hui, telle que se taire serait un appel au féodalisme nouveau. Améliorer le monde au lieu de le refaire, ce serait une autre mondialisation. Bonne, celle-là. L’améliorer en consolidant les réseaux planétaires d’entraide et de partage, d’informations et d’expériences, par exemple.



Le Mouvement citoyen des Algériens de France (Mcaf) appelle à se rassembler devant l’hôpital des Invalides où se trouve le président algérien. A l’intérieur du pays, presque personne ne parle du 5 juillet. Plus loin qu’un bilan, les Algériens doivent se projeter dans une dynamique mondiale. Ils doivent concevoir la différence et pas seulement l’accepter, passer du compromis conjoncturel à la modération permanente, s’ouvrir sur les autres et arrêter de penser que tout ce qui vient de l’étranger est un complot. Ils doivent comprendre que le nationalisme est un barbelé qui, déroulé par le patriotisme, crée un espace d’isolement et de médiocrité.



Hichem Achi

mercredi 3 juillet 2013

Qui a réellement déposé Morsi ?

L’armée égyptienne vient de déposer le président Mohamed Morsi. La Constitution est gelée, l’intérim sera assuré par le président du Conseil constitutionnel et un gouvernement provisoire sera constitué de technocrates. Profitant des manifestions qui ont commencé le 30 juin 2013, un an après l’élection de Morsi, l’armée a adressé à ce dernier un ultimatum de 48 heures pour « satisfaire aux revendications du peuple ». Plutôt court comme délai, et de la part d’une armée qui n’avait adressé aucun ultimatum à Moubarak. La menace vient d’être mise à exécution, après que le chef d’Etat ait rejeté l’ultimatum et que cinq ministres et deux porte-paroles aient démissionné.

Morsi a écarté les tendances politiques qui l’ont aidé à gagner les élections et a engagé une « frérisation » de la culture et des mœurs égyptiennes. Les touristes et les investisseurs boudent son pays et les pénuries se cumulent. Sa solution, d’emprunter au FMI, n’est sûrement pas la plus brillante et les islamistes sont en train de montrer que ce sont de piètres politiciens. Néanmoins, déposer un chef d’Etat démocratiquement élu est-il une bonne solution ? Entre autres contacts, le chef d’état-major étasunien a contacté son homologue égyptien, avant l’annonce du coup d’Etat qui prétend ne pas en être un. Cela confirme que le Printemps arabe est sous surveillance, afin qu’il respecte sa feuille de route. Enfin, le coup d’Etat a une autre conséquence. Il rend dérisoire toute légitimité dans les élections à venir.

On peut se demander qui vient de déposer Morsi. Lui-même, les Frères musulmans, le peuple, l’armée ou les Etats-Unis ? Quoi qu’il en soit, si la démocratie est fragile dans les pays arabes, ce n’est pas seulement à cause de la domination de l’armée, c’est aussi à cause de l’immaturité des populations. Je ne prétends pas savoir mieux que les Egyptiens ce qu’il leur faut. Je dis qu’en cautionnent l’armée et en refusant de négocier avec le gouvernement, ils ont ouvert la porte à tous les possibles. Longtemps privés d’expression et grisés par leur victoire contre Moubarak, pas nécessairement contre son régime, les Egyptiens croient que le mot « dégage » est un sésame. Comme à Moubarak et à Morsi, ils le diront peut-être à d’autres. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que l’autoritarisme ne disparaît pas juste en rasant la barbe ou en camouflant le fusil. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que le peuple est le meilleur garant de la démocratie et que le débat est l’un de ses piliers.


Hichem Achi

lundi 1 juillet 2013

Les Frères musulmans au pouvoir : propulsés ou incompétents ?

Ne pensant pas, comme les salafistes, que la véracité du message divin les exonère de réflexion et de novation, les Frères musulmans pensent, quand même, que la moralisation de la vie publique est préliminaire à toute solution. Aujourd’hui confrontés à la réalité, les principes s’avèrent être trop peu détaillés pour être immédiatement applicables dans le contexte. Dans le passé, les Frères musulmans ont divergé entre ne pas participer au gouvernement pour ne pas se corrompre, et y participer pour influer un tant soit peu sur sa politique. Là où c’est possible, ils ont choisi la deuxième option. D’abord pour acquérir de l’expérience. Puis, parce qu’ils sont épuisés d’attendre et qu’ils sont persuadés que le changement est plus rapide par le haut.

En Egypte, à l’écart du pouvoir exécutif depuis Nasser, la chute de Moubarak a été pour eux une occasion inespérée de parvenir enfin. Avec la possibilité de minimiser les concessions, puisque tout serait balayé et complètement refait. Si les artistes et les intellectuels qui dénoncent ce qu’ils appellent la « akhwana » (je traduirais par : frérisation) de la culture doivent être entendus, demander à Morsi de partir un an seulement après son arrivée est insensé. Autre remarque, il est inhabituel que ce soit l’armée qui donne cette estimation de plusieurs millions d’Egyptiens (17, selon la presse internationale), manifestant contre Morsi, le 30 juin 2013. Cela confirme que l’armée égyptienne ne soutient pas son président qui veut la mettre au pas. Cela fait douter qu’un tel rassemblement ait pu être organisé exclusivement de l’intérieur. Mais, pourquoi cet étranger, planificateur du Printemps arabe, chercherait-il à déstabiliser les Frères qui l’ont aidé pendant ces révoltes ? En aidant les islamistes à accéder au pouvoir puis en les déstabilisant, cet étranger les discrédite aux yeux de leurs peuples et justifie le retour de l’armée, son véritable allié. Persuadés que la démocratie ne leur sied pas et que la dictature est le régime le moins mauvais, ces peuples se soumettront.

En Tunisie, une entente entre les Frères musulmans, les autres tendances politiques et la société civile, est possible. Le projet final de Constitution a commencé aujourd’hui même à être débattu, bien que la troïka islamiste (Ettakattol) n’ait plus la majorité requise aux deux tiers, à l’Assemblée nationale constituante. Que cela aille ou non au référendum, le problème de l’islamisme tunisien est qu’il n’a pas l’expérience du pouvoir, encore moins qu’en Egypte, ainsi que dans l’instabilité que pourrait occasionner l’entêtement des salafistes. Ces derniers ne font pas de concession et les heurts qui ont éclaté entre les autorités tunisiennes et Ansar al-charia, en mai dernier, ont prouvé qu’ils ne se soucient pas de légalité lorsqu’ils activent.


En Algérie, les Frères sont entrés au gouvernement et ont bénéficié d’une certaine indulgence grâce à leur soutien contre le terrorisme. Ils ont perdu en crédibilité en soutenant le candidat du régime pendant des années et leurs ministres soupçonnés de corruption ont fait scission. Au sein de leur principal parti, ils font face à deux défis. Dépasser l’aversion engendrée par le terrorisme islamiste des années 1990 et réintégrer l’opposition avec un nouveau chef politique non charismatique. Plus inquiétants depuis qu’ils tentent de se coaliser avec les autres partis islamistes, ils serviront d’épouvantail, bénéfique au candidat du système, aux prochaines élections présidentielles. Dans le scénario de la main étrangère que j’ai évoqué, le risque est plus faible qu’ailleurs que les Frères prennent le pouvoir. Ce qui justifierait le retour de l’armée serait, alors, la déliquescence des institutions et la menace de chaos, accélérées par l’absence du chef d’Etat, convalescent depuis plus de deux mois à Paris.

Si la sournoiserie est banale en politique, elle est moins tolérée pour les Frères musulmans car, aux yeux des gens, ils sont censés ne pas mentir. Au regard de cette sournoiserie, on comprend pourquoi certains craignent que les islamistes, en général, prennent le pouvoir par la démocratie pour abolir la démocratie. La démocratie n’est pas parfaite, mais il faut savoir qu’elle n’a pas été inventée sous ce nom puis améliorée. Elle est le résultat de maints ajustements qui ont abouti à l’instauration du mandat, pour pouvoir sanctionner l’élu qui ne tient pas ses promesses. Si les Frères musulmans ratent ce virage, ils sont soit utopistes soit incompétents. Dans tous les cas de figure, ils sont en train de démontrer que la piété, prétendue ou réelle, ne confère pas la clairvoyance. Plus encore, la grande leçon est que, pour sanctionner un régime, son extrême opposé n’est pas nécessairement la meilleure solution.

Hichem Achi