mercredi 29 juin 2011

Réformes en Algérie, propositions simples ou utopiques



Depuis un mois, on remet en cause la capacité de Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la Nation, à synthétiser les réformes dont celle de la constitution algérienne. Bensalah était controversé avant mais, cette fois, la raison est la révélation de sa supposée origine marocaine. D’après Mohamed Sifaoui, dans son livre Bouteflika, ses parrains et ses larbins, qui vient de paraître aux éditions Encre d’Orient, il aurait été naturalisé en 1965.

L’éventuelle origine étrangère de Abdelkader Bensalah n’est pas un argument sérieux dans sa controverse. S’il est réellement d’origine étrangère, l’important c’est qu’il est maintenant algérien et je ne crois pas que la révélation remette en cause son patriotisme. D’ailleurs, Abdelaziz Bouteflika lui-même est né dans la banlieue de Oujda, au Maroc, contrairement à ce qui est dit. Les relations entre l’Algérie et le Maroc n’en sont pas pour autant au beau fixe. Quant au régionalisme polarisé autour de Tlemcen (la région de Bouteflika et de Bensalah, entre autres), le président algérien lui-même a reconnu sa réalité sans nommer la région qui a le vent en poupe. D’ailleurs, il n’a pas besoin de le faire. Je ne cautionne pas le régionalisme mais je me demande pourquoi les journalistes ne trouvaient rien à redire quand le pouvoir était quasi réservé aux gens de l’Est dont était originaire El Houari Boumediene.

Dans le smog politique des réformes annoncées et au regard du tournant dans lequel se trouve l’Algérie, beaucoup d’analystes oublient d’adopter une vision plus générale avant de rentrer dans les détails. Faire une analyse globale serait long et prétentieux de ma part, par contre, je me permets de dire que les réformes attendues ne peuvent pas être à la hauteur des attentes du peuple, venant de personnes qui feront tout pour préserver leurs acquis. Je ferai donc quelques remarques destinées à placer les choses dans un contexte général.

La première remarque est relative à la nécessité de remettre en cause la légitimité des fondateurs du système en pensant aux réformes que leurs héritiers sont censés mener. On ne réforme pas ce qui est génétiquement gauche pour ne pas dire malformé. Politiquement parlant.

La deuxième remarque est pour attirer l’attention sur le principe selon lequel nous avons besoin des autres comme les autres ont besoin de nous. Le partenariat doit être une constante. Des analyses qui crient à l’OPA par les puissances étrangères sont fondées sur le principe, mais irréalistes sur les propositions. Quel pays pourrait se passer de composer avec les grandes puissances ? Plutôt que d’essayer vainement de s’en détacher, il faut dialoguer avec. Les relations pourraient être du genre « Vous voulez du pétrole, nous voulons du savoir-faire ». On dira que c’est déjà ce qui se dit. Je réponds : pas toujours. Trop souvent, les relations cèdent le pas à l’attribution mutuelle de la faute originelle (pour un certain pays seulement) ou au bradage de l’économie nationale pour une poignée de dollars.

Le problème dans la programmation des consultations actuellement menées par Bensalah, c’est qu’elles appellent à contribution des organisations et des personnalités nommées par le pouvoir en place et de son obédience. Qui pourrait dire, aujourd’hui, que l’UGTA (principal syndicat algérien) représente les travailleurs ? Plus qu’une plaisanterie, c’est une injure, et je tire chapeau bas à son secrétaire général de ne pas être déjà mort de honte. Il paraît qu’on s’habitue à tout.

Demander qu’on donne la parole aux harraga et aux hitistes, comme le fait l’indéfinissable Yasmina Khadra, est démagogique. Les harraga et les hististes ne veulent pas s’entretenir avec Bensalah. Ils veulent moins de bureaucratie et plus d’emplois. Moins de corruption et plus de pouvoir d’achat. En résumé, ils veulent de la dignité et de l’espoir. Demander qu’on donne la parole à la société civile algérienne est une gageure car cette dernière est aussi peu organisée qu’une masse de vendeurs sur un marché informel. Restent les partis politiques d’opposition parmi lesquels les vrais se comptent en ne finissant pas les doigts d’une seule main.

Sur le plan politique

Bien que fondamentale, la réforme politique est celle qui aura certainement la petite part. Néanmoins, à travers les attendues propositions de lois sur les partis politiques, elle reconduira les coalitions plébiscitaires et n’aura pas le courage de demander la réhabilitation des partis historiques injustement taxés de traîtrise, comme le MNA.

Idéalement, il faudrait une constituante, comme le demandent certains dont Hocine Aït Ahmed. Des états généraux dans le genre de Sant’Egidio, qui se tiendraient en Algérie et auxquels participerait le FLN. Cela n’aura pas lieu car le parti au pouvoir (et ses dérivés) ne remettra jamais en jeu sa préemption et son unicité pralinée au multipartisme.

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Le « tiens » s’appelant Abdelkader Bensalah et le « tu l’auras » ne portant pas encore de nom, voici quelques propositions qui pourraient être jugées utilement simples ou niaisement utopiques. A part celles touchant aux privatisations de la santé et de l’éducation, les autres sont faciles à mettre en pratique et auront le mérite de rendre plus humain le quotidien des citoyens.

Pour la lutte contre la bureaucratie

En Algérie, les formalités ne s’effectuent qu’au bakchich ou au piston. Pourquoi avoir besoin de connaître quelqu’un dans telle ou telle administration pour obtenir ce que de droit ? Eh bien, le système algérien a habitué les administrateurs à ne donner ce droit qu’en montrant au demandeur qu’on lui a rendu service. De façon à gagner potentiellement un service de la part de celui qu’on a « aidé ». Le paradis des bureaucrates.

Propositions :

1. Généraliser le retrait de formulaires administratifs par Internet.
2. Généraliser la carte d’identité biométrique en y incluant le NIS.
3. Supprimer les pièces attestées par la carte biométrique elle-même : extrait de naissance, résidence, nationalité.

Pour l’éducation et la formation

La privatisation des entreprises publiques était une nécessité parce qu’on ne perfuse pas un mort au sérum. L’ouverture de l’enseignement général (et de la médecine, d’ailleurs) aux investissements privés est une grossière erreur. Parallèlement, les jeunes éjectés du système scolaire n’on rien à faire de la terminale qu’ils ont théoriquement atteinte et qui ne débouche sur aucun métier.

 Propositions :

1. Fermer les écoles privées d’enseignement général.
2. Mettre en place un système de favorisation des doués et surdoués tel que celui qui consistait à leur faire sauter des classes.
3. Détecter les vocations dès le cycle d’enseignement moyen pour orienter en cas d’échecs scolaires répétés.
4. Interdire aux enseignants des cycles primaires, moyens et secondaires de donner des cours particuliers. Exiger des professeurs de cours particuliers de répondre aux normes de sécurité de classes et de payer des impôts. N’autoriser les cours particuliers que pour les enseignants ayant une longue expérience dans l’enseignement et des taux de réussite élevés dans les classes qu’ils avaient.
Pour l’emploi

 Propositions :

1. Supprimer les monopoles pour les agences d’emploi.
2. Supprimer l’obligation de résider dans le secteur administratif du lieu de travail souhaité. Les communes où sont implantées les entreprises de l’industrie des hydrocarbures doivent faire l’objet d’une législation spécifique qui ne remettra pas en cause l’unité nationale.
3. Autoriser la création de micro entreprise à domicile. Créer une agence privée d’emploi on-line est un exemple des possibilités pour la micro entreprise.
4. Donner accès au change du dinar en devises aux PME privées qui envoient leurs stagiaires se former dans des pays développés. La qualité en sera rehaussée et le coût sera plus supportable pour les employeurs. La sélection des PME bénéficiaires peut se faire sur la base des efforts évalués en chiffre d’affaires et en progression dans le recrutement.

Pour la santé

L’ouverture de la médecine hospitalière aux investissements privés est aussi une erreur. Je ne nie pas que la privatisation a apporté une modernisation dans l’équipement et dans l’aménagement des locaux. Cependant, le patient est vu comme un chéquier sur chariot et on n’hésite pas à plumer ceux qu’on sait condamnés.

 Propositions :

1. Fermer progressivement les hôpitaux et cliniques privés au profit de la réhabilitation des hôpitaux publics.
2. Interdire aux laboratoires privés d’analyses médicales d’ouvrir des antennes car un laboratoire d’analyses n’est pas une chaîne de supermarchés.

Pour l’information

Les acquis de la presse algérienne dérangent mais ils sont la garantie de ne pas être classé parmi les dictatures. Le gouvernement le sait déjà et ne doit pas revenir dessus.

 Propositions :

1. Supprimer les peines de prison ferme pour les journalistes.
2. Ouvrir le champ audiovisuel et radiophonique aux investissements privés ou mixtes.

Le printemps arabe est une occasion historique pour les Algériens. Plus grave que se tromper est de refaire les mêmes erreurs. Je parle aussi bien des erreurs de la décennie sanglante que de celles qui l’ont précédée ou suivies. Aujourd’hui, les Algériens sont devant deux options.

Dans la première, ils prennent le train en marche même si le conducteur de la locomotive n’est pas crédible. Dans ce cas, la vigilance est requise et tout n’est pas acceptable à l’avance. Le problème qui se posera sera le trucage des urnes lors de l’annonce des résultats du referendum qui, on le sait, dira oui. Le taux dudit oui exprimera le degré de respect qu’éprouve le pouvoir à l’égard du peuple, en proportion inverse. Resterait alors la manifestation pacifique mais personne ne peut dire si elle tournerait à la tunisienne ou à la libyenne.
Dans la deuxième, ils rejettent, par avance, le rapport Bensalah sur le fond et la forme. D’ailleurs, certains boycottent les consultations lancées par Bensalah. Cette option semble d’ores et déjà peu prometteuse vu que les manifestations se font moins denses et que la commission Bensalah est au travail sans regarder par la fenêtre et sans consulter la liste des absents.

Plus personne ne nie les impardonnables dérives qui ont ancré l’actuel système. Les gens du système en reconnaissent aussi les dérives mais, généralement, seulement après en avoir été éjecté. Qu’on se rappelle que ce système a été enfanté par une révolution, et pas des moindres. La véritable révolution n’est pas celle qui change les privilèges de mains, elle est celle que tout un chacun doit mener contre lui-même. Pour penser aux autres en pensant à lui-même et pour parfaire son travail même lorsque personne ne le surveille. Mais, cette révolution là, personne ne veut la faire.

mardi 28 juin 2011

Qui veut asphyxier Gaza ?


« Israël a le droit d'autodéfense ». Cela a été dit par l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, qui a ajouté que l’initiative qui vise à casser l’embargo sur Gaza est une « provocation et n'a rien à voir avec une aide humanitaire ». Le Government Press Office israélien menace les journalistes qui prendront part à la mission (humanitaire) de 10 ans d’interdiction d’entrée sur le territoire, sachant que certains de ces journalistes couvrent habituellement les évènements dans cette aire géographique. Le GPO ne menace pas ces journalistes de les priver d’accréditation. On aura remarqué la nuance.

Décevant et, surtout, affamant qu’Israël considère la flottille comme une provocation, elle qui transportera des médicaments, une ambulance équipée et du ciment. Bien des ennuis auraient été évités si Israël avait considéré le piétinement de l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa, par Ariel Sharon, comme une provocation. Ce qui était le cas. Plus décevant, Ban Ki-moon a demandé aux chefs des Etats concernés de décourager leurs ressortissants volontaires et Lynn Pascoe, secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des affaires politiques, a annoncé l’opposition de l’Organisation à cette initiative humanitaire.

A cela ne tenant, la « flottille de la liberté 2 » qui devrait compter une dizaine de bateaux appareillant essentiellement depuis des ports grecs, regroupera 350 militants originaires de 22 pays, décidés à briser le blocus imposé sur Gaza depuis 5 ans maintenant, même s’ils s’attendent à être arraisonnés par l’armée israélienne. Des juifs états-uniens envisagent de rejoindre la flottille. C’est là la preuve qu’il ne faut pas stigmatiser les juifs. Beaucoup d’entre eux veulent la paix.

La première tentative de briser l’embargo, en 2010, avait fait neuf morts parmi les humanitaires, suite à l’assaut contre le navire amiral (un ferry turc) de la flottille humanitaire. L’initiative avait été un échec physique mais une victoire médiatique.

Vaguélis Pissias, de l'organisation grecque « Un bateau pour Gaza » a dit : « … notre objectif n'est pas seulement de forcer l'embargo mais de prouver aux Israéliens et aux peuples de la région qu'ils ont le droit de vivre d'une façon plus harmonieuse entre eux ». Les Israéliens dont il parle ne sont pas ceux qui soutiennent Benyamin Netanyahou. Ce sont ceux qui sont conscients de cette injustice israélienne.

Il faut rappeler que l’embargo sur Gaza a été renforcé en 2007, suite à l’arrivée du Hamas au pouvoir. A partir du moment où ce parti y est arrivé d’une façon démocratique que personne ne remet en cause, une question se pose.

L’absence de démocratie, souvent avancée comme alibi à la mainmise sur le voisin ou à sa mise sur le ban, n’est-elle pas ici contredite ?

Jusqu’à ce que Ismaïl Haniyeh parte, Netanyahou devra faire avec et négocier avec. On ne peut pas  reconnaître ou accepter un gouvernant voisin seulement quand on l’aime bien. Quant à la position du Hamas selon laquelle l’actuel territoire israélien doit être entièrement restitué aux Palestiniens, elle est en train de changer. Ce fait là, historique, additionné à la réconciliation entre Hamas et Fatah qui devrait rendre les négociations moins difficiles, est une occasion inespérée pour faire la paix durablement. A condition qu’on la veuille.

Netanyahou a oublié ce qui est arrivé à la génération qui l’a précédé dans les sinistres camps d’extermination. Le voilà sur les pas des tortionnaires de ses parents, pour asphyxier 1,5 millions de personnes, en les privant de nourriture, de médicaments, d’électricité et de carburant. Au fait, quand est-ce qu’il part, lui ?


lundi 27 juin 2011

Geert Wilders a un peu raison et beaucoup tort



Le politicien néerlandais Geert Wilders vient d’être acquitté pour les quatre chefs d’accusation dont le principal est l’« incitation à la haine », suite à la diffusion de son court métrage Fitna. Je ne vais pas remettre en cause la décision d’un tribunal souverain ni faire un procès à ce politicien qui se fait élire au Parlement Européen pour demander ensuite son abolition. Je vais dire pourquoi il a raison sur quelques points et a tort sur beaucoup d’autres.

Juste pour le rappel chronologique et pour le rappel au calme, Geert Wilders avait multiplié les déclarations que des musulmans ont estimées provocantes, après l’assassinat de Théo Van Gogh, en 2004. Ceci pour son court métrage Submission, dans lequel il montrait une femme au corps imprimé de versets coraniques, pour dénoncer la soumission des femmes dans l'islam. Je m’arrête un instant pour dire que le corps de la femme n’est pas blasphématoire, que la soumission est discutable et qu’il était absurde de tuer Van Gogh. S’il l’a été, c’est n’est pas par une quelconque recommandation coranique mais par le tempérament de l’assassin. Nerveux comme il se doit pour revendiquer son origine des pays du Sud au sang chaud. L’assassin aurait dû se rappeler que Théo Van Gogh avait aussi insulté les Juifs en parlant d'« odeur de caramel » qu'il sent alors qu'on brûle des Juifs diabétiques (ndla : pendant la déportation) et insulté les Chrétiens en parlant de « poisson pourri de Nazareth » en parlant de Jésus (qsssl). Pour autant, Juifs et Chrétiens n’ont pas tenté de le tuer, même si certains avaient souhaité sa mort. Aujourd’hui c’est Geert Wilders qui est menacé alors qu’il ne devrait pas l’être.

Là où Geert Wilders a raison, c’est quand il dit que « nous avons un problème avec l’idéologie islamique ». Cependant, le problème ne vient pas de l’« idéologie islamique » en elle-même mais de la conception de cette idéologie par les musulmans contemporains. Preuve en est, même les pays musulmans ont un problème avec l’« idéologie islamique » dans sa conception par certains de leurs citoyens.

Une fois, un ami m’a dit que les Européens méritaient ce qui leur arrivait. Parce qu’ils avaient privilégié l’immigration de musulmans peu instruits, corvéables à souhait et peu revendicateurs. Dans les pays musulmans, ce sont les plus instruits qui admettent la diversité dans les interprétations et dans les façons de vivre son islamité. Les moins instruits sont les plus « coincés » et ce sont les moins instruits que l’Europe a essentiellement fait venir chez elle. Je parle des premières vagues d’immigration massive.

Là où Wilders se trompe, c’est quand il affirme l’infériorité de la culture islamique à la sienne. Aucune culture n’est inférieure à une autre. Les cultures peuvent être plus ou moins développées dans leur expression ou dans leur philosophie, en fonction du développement de leur dialectique. Elles sont certainement différentes et ce qui est évident quelque part, ne l’est pas automatiquement ailleurs. Un médecin hésitera avant de prescrire un suppositoire à un Etats-unien parce que ce dernier l’avalera. Cela ne rend pas l’Etats-unien inférieur.

Concernant la soumission, je pense qu’elle comporte deux dimensions.

La première : la soumission qui signifie « reconnaissance » de la suprématie de Dieu sur les hommes est celle qui est dogmatique en islam. La profession de foi en elle-même l’atteste. La fausse soumission selon laquelle les croyants doivent se morfondre en adoptant des postures physiques et mentales de larbins, n’est pas du tout requise en islam. L’islam ne veut pas attirer de larbins. Il veut attirer des personnes qui croient en Allah, tout en lui apportant (à l’islam) leurs richesses personnelles et en conservant leurs personnalités. Le Calife Omar ibn al-Khattab avait reproché à un musulman qui priait devant lui de courber l’échine en mimant le repentir. Il voulait lui dire que c’est avec le cœur qu’on atteste de la suprématie de Dieu et non avec le corps. Ce qui ne signifie pas l’inutilité de la liturgie.

La deuxième : la soumission liée au tempérament individuel. Les femmes volontairement soumises à leurs compagnons (il y en a) et les hommes volontairement soumis à leurs compagnes (il y en a aussi) ne sont pas mauvais. Dans la plupart des sociétés, c’est plutôt la femme qui est soumise, mais l’équilibre dans la dualité domination-soumission est assuré par l’entente dans le couple, souvent tacite et de discussion taboue. Cette soumission ne signifie pas de facto la portance sur les pratiques sexuelles de type sado-masochiste. Quant à la soumission forcée, personne ne doit l’imposer à personne.

Il est vrai que la mode tend à libérer tout le monde de tout, avec son gré ou contre son gré. Si elle est si bénéfique que ça, pourquoi cette libération n’arrive-t-elle pas à libérer l’homme de ses envies ou de ses pulsions, souvent causes du malheur des autres ?

On croit toujours que son modèle à soi est le meilleur, sinon on en changerait. Mais, lorsqu’on veut imposer ce modèle aux autres, n’est-ce pas là hégémonie, domination et fascisme ? Joanie de Rijcke ne souffre pas du syndrome de Stockholm juste parce qu’elle a refusé de condamner l'islam après avoir été enlevée et violée par des Talibans. Elle a simplement su faire la différence entre des salauds et la religion dont ils se réclament. Tout comme personne ne condamne le christianisme parce que Hitler a été chrétien. Rendre libre n’est pas affranchir mais permettre de choisir.

Lorsqu’elle s’adressait à Allah, sans intermédiaire, la soufie Rabia el Adawiyya tenait en une main un pichet repli d’eau et, dans l’autre, une torche allumée. Elle lui disait : « Ô Allah, j’aurais aimé éteindre ton enfer avec cette eau et brûler ton paradis avec ce feu. Ainsi, plus personne ne t’adorerait par peur ou par cupidité. Ne t’adoreraient plus que ceux qui t’aiment pour ce que tu es ».

Moi, j’aimerais qu’on arrête d’abuser du qualificatif « islamique ». Rien n’est islamique et tout est musulman. C’est toujours une affaire d’interprétation et, donc, d’hommes. L’islam n’est pas attardé, des musulmans le sont. Seulement, il faut se rappeler qu’ils le sont, entre autres, par la colonisation qui leur a refusé l’instruction dont ils bénéficiaient avant elle. La solution n’est pas dans le rejet pur et simple de leur différence ou l’interdiction de leur livre saint. Elle n’est pas, non plus, dans leur victimisation, alliée de leur fainéantise intellectuelle. Elle est dans la rencontre, l’échange et la tolérance. Par le bon sens qu’impose l’irréversibilité de la cohabitation.


dimanche 26 juin 2011

Omar les a aider


Après les livres Omar m’a tuer : Histoire d’un crime de Jacques Vergès, Pourquoi moi ? de Omar Raddad, L’affaire Omar Raddad de François Foucart et La construction d’un coupable de Jean-Marie Rouart, voilà que Roschdy Zem prend le risque calculé de relancer le débat sur l’affaire Omar Raddad. Le scénario de son film Omar m’a tuer est applaudi par certains et condamné par d'autres, en avant première, comme l’avait été Hors-la-loi de Rachid Bouchareb. Ce qui n’a pas empêché ce dernier d’être projeté lors du Festival de Cannes 2010. Au sujet qui ressurgit, d’autres livres seront écrits et d’autres émissions dédiées.

Pendant et après sa détention, écourtée par grâce partielle de Jacques Chirac et intervention de Hassan II, Omar Raddad en aura aidé plus d’un. Les journalistes usent claviers et prompteurs, les écrivains et les cinéastes se font la course pour la primauté et les marcheurs de rue abusent du participe passé « tuer » forcé à l’infinitif, pour infiniment dire qu’ils se considèrent comme boucs émissaires des réformes politiques, économiques et sociales.

Je ne m’étalerai pas sur les éléments qui plaident l’innocence ou la culpabilité de Omar Raddad mais le procès et sa couverture médiatique m’ont rappelé que les affaires où sont impliqués des Arabes musulmans ou des Juifs déchaînent toujours les passions. Lorsqu’on appartient à une communauté victime, on étale sa faiblesse pour susciter la compassion. Or, les minorités sont toujours victimes. Les unes plus que les autres, ou vice-versa, en fonction de l’ancienneté d’immigration et du classement sur la liste aryenne des problèmes de la république. La pire des variantes est celle où un musulman est opposé à un Juif. Là, non seulement les passions se déchaînent, mais le conflit israélo-palestinien trouve une arène de plus dans laquelle les tenants oublient presque leur cause à eux pour s’autoproclamer délégués porte-drapeaux du Proche-Orient. Les Aryens, eux, jubilent de l’aubaine.

Ceux qui n’appartiennent pas à ces minorités, se saisissent de leur actualité pour prendre position ou juste pour ne pas qu’on les oublie. Dans l’affaire de l’expulsion des Roms, qui, Dieu merci, n’a pas fait de morts, les positions on été radicales. Quelques uns ont demandé l’expulsion de tous les voleurs, pardon, de tous les Roms. Les clichés ont été ressortis et la stigmatisation a cédé la place à l’amalgame : après les Roms, les Gens du Voyage ont été montrés du doigt alors qu’ils n’étaient pas concernés et qu’ils criaient leur différence. S’il fallait expulser tous les voleurs, tout pays expulserait une bonne partie de ses plus sédentarisés citoyens. Il y a des voleurs chez les Roms comme il y en a parmi les autres communautés. Pas plus et pas moins.

D’autres ont pris la parole pour demander la régularisation de tous les Roms, après les trois mois de séjour réglementaire. Il n’est nul besoin de dire que c’était difficile à concevoir et que l’administration était en droit de traiter les demandes au cas par cas. Ce qui est à relever, c’est que les reproches faits à l’administration n’étaient souvent motivés que par la volonté de contredire et de traiter de racistes ceux qui ne voulaient pas céder aux médiatiques accès de méchanceté ou de sympathie. On reproche toujours à l’autre ce qu’on soigneusement oublié de faire quand ont était à sa place. Dans beaucoup de pays européens, un des exemples les plus édifiants est la question de l’ouverture des listes électorales aux candidats noirs ou d’origine maghrébine. L’opposition réclame la diversité ou, plus rarement la parité, mais la passe sous silence dès qu’elle revient au pouvoir.

Je reviens à la victimisation pour donner deux exemples français. En 2006, lorsque Ilan Halimi a été assassiné, on a dit qu’il ne l’a été que parce qu’il était Juif. Environ un mois plus tard, lorsque Chaïb Zehaf a été assassiné après le match OL-Ajaccio, on a dit qu’il ne l’a été que parce qu’il était Arabe. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de racisme dans ces deux assassinats. Je dis qu’il est possible qu’il y ait eu quelque chose de plus derrière le racisme. Chez les personnes qui émettent des jugements officieux et à chaud dans ce genre d’affaires, le racisme peut être prétexte à l’erreur, la fixation ou à la complicité mais, du point de vue de la morale, je me demande ce que pourrait changer sa race ou sa religion à l’innocence ou à la culpabilité de quelqu’un. Je comprends qu’elle soit, pour un avocat, une « astuce » comme une autre pour essayer d’innocenter le client payeur. Cependant, si les média doivent continuer à véhiculer l’information et à donner la parole, ils doivent aussi faire preuve de plus de professionnalisme quant au temps d’antenne accordé aux avis divergents.

La mort d’une personne est toujours un drame, quoi qu’il fût de son vivant. Néanmoins, il faut que les gens arrêtent de manifester pour influer sur les jugements éventuels et qu’ils laissent la Justice faire son travail. Quant à l’argument racisme, qui peut être opportun, rien n’empêche, le moment venu, que les procureurs, les avocats ou les témoins l’avancent.

Dans quelques mois ou quelques années, l’affaire Raddad sera peut-être qualifiée de défaitiste pour avoir été confiée à Jacques Vergès et de prétentieuse pour avoir espéré décrocher le label « Dreyfus ». D’ici là, il n’est pas impossible qu’elle soit réexaminée, sans passions ni pressions, j’espère. Le parquet de Grasse vient de demander qu’on établisse « un profil génétique à partir des traces d'ADN relevées sur la scène du crime ».

Il en reste déjà une question que certains posent : La société ne gagnerait-elle pas à permettre aux accusés de mener leur contre-enquête, comme c’est le cas aux Etats-Unis ? Je crois que oui, tout en dénonçant le système de cette même démocratie, qui « hollywoodise » le menottage de l’accusé en attendant qu’il prouve son innocence.

Et une deuxième question que personne ne pose pour le moment : Un juré citoyen « ordinaire » est-il vraiment en mesure de juger alors qu’il est susceptible de céder à sa passion au lieu de se limiter aux faits établis ? Alors qu’il est susceptible de confondre probabilité et certitude ? Rendre justice est l’affaire de gens formés et obligatoirement blasés de sentiments, sans en être nécessairement dénués. Des conditions sine qua non à l’impartialité, âme de la Justice. Si elle doit faire preuve de lucidité et de discernement, la Justice doit aussi se bander les yeux par-dessus sa balance symbole, à l’égard de la côte des intellectuels qui prennent position et de l’ampleur des manifestations de soutien ou de dénonciation.

samedi 25 juin 2011

Diplômer c’est aussi tromper


En France, le monde de l’éducation est secoué par la fuite d’un des sujets du baccalauréat scientifique. Certains voudraient l’attribution de la note complète (4 points) à tous les postulants. Des parents d’élèves rassemblent 15 000 signatures (par Internet) et les envoient au ministère de tutelle pour rouspéter contre la décision du ministre de maintenir les épreuves aux sujets non divulgués. D’autres se demandent s’il ne faudrait pas supprimer pour de bon l’examen du bac, pour évaluer les lycéens sur la base de résultats étalés sur toute l’année. Au-delà des interpellations et des revendications qui ne concernent que les Français, certaines questions sont planétaires.

Dans l’exemple du bac français de cette année, la photo du sujet divulgué aurait été prise par un téléphone portable et transmise par MMS avant d’être publiée sur Internet. La déconcertante facilité du procédé pose la question de savoir s’il ne serait pas opportun d’interdire les téléphones portables et les appareils électroniques dans des endroits comme celui où se fixent ou s’entreposent les sujets du bac. Plus généralement, ces appareils devraient être moins facilement tolérés dans les endroits sujets à l’espionnage, industriel ou autre. Le danger avait déjà été signalé mais avec un faible écho, notamment pour les possibilités de porter atteinte à la vie privée des gens. Autrement dit, la possibilité pour un citoyen ou un touriste de jouer au paparazzi pour surprendre, vendre et étaler. La question a été oubliée dès qu’on a compris que les people (puisqu’ils sont les cibles des paparazzis) sont ravis d’être surpris. Mieux, ils s’inquiètent de ne pas l’être ou planifient la surprise.

Sur la question de savoir s’il ne faudrait pas supprimer le bac, la question est plus que d’actualité. Elle répond au souci de résoudre un problème connu de tous les bacheliers : le trac de l’examen le plus préoccupant de toute la scolarité. Je vais plus loin et je dis que, dans le proche futur, même le diplôme deviendra un mythe. Les secteurs publics embaucheront de moins en moins et les employeurs seront de plus en plus des privés. Y compris pour la sous-traitance de tâches habituellement du ressort des Etats, comme les services postaux, la vidéosurveillance ou le ramassage des ordures ménagères. Ce qui a déjà commencé dans pas mal de pays.

Les employeurs privés ne se satisferont plus d’un papier incapable de garantir la compétence rentable qu’ils attendent de leurs recrues. Les plus talentueux décrocheront les postes même s’ils n’auront pas de diplômes. N’échapperont à la généralisation de ce mode de sélection que les diplômés des grandes écoles. Ce qui aura pour conséquence de pousser ces grandes écoles à se gérer comme des entreprises, tenues de résultats chiffrés et communiquant plus avec son extérieur. Beaucoup de pays ont aussi entamé cette phase de capitalisation de l’université.

D’autres raisons démythifieront le diplôme. Les disparités entre les niveaux d’enseignement dans le monde rendent douteux les diplômes délivrés par une institution mal connue de l’employeur. Ce qui est le connu problème des équivalences. Une autre pratique rend douteux les diplômes, à échelle mondiale. Dans les pays fortement corrompus, le pot de vin et le service de chair remplacent souvent le théorique contrôle continu des connaissances. En Algérie, où le président de la république lui-même a reconnu que les diplômes nationaux ne valent rien, je connais une licenciée en langue française qui se fait un devoir de commettre au moins une faute par ligne sur un texte au thème de son choix. Et je ne parle pas de ces contrôlés étudiants en économie qui ont disserté sur le « facteur micro géographique dans les économies locales » en le décrivant comme un métier difficile, surtout dans les communes enclavées. En fait, ils parlaient de monsieur le facteur qui distribue le courrier postal en faisant la tournée des boîtes aux lettres. Edifiant !

Le diplôme sera également démythifié car beaucoup le considèrent, à tort, comme une simple garantie de compilation d’un nombre minimum d’informations. Or, la compilation des informations se fera de plus en plus par le réseau le plus démocratique qui est Internet. Des encyclopédies en ligne, alimentées par des spécialistes ou par tout le monde comme la critiquée Wikipedia, remplaceront les traditionnels lieux de stockage d’informations comme les bibliothèques physiques. Pour ceux qui confondent savoir et connaissance, pourquoi le diplôme serait-il alors le seul garant de la recherchée compilation ?

La bonne université n’est pas celle qui se contente de compiler des informations. La bonne université est celle qui compile les informations et qui apprend la méthodologie. Confronté à un problème qu’il n’a jamais rencontré, le bon ingénieur est celui qui s’ « ingéniera » à trouver la meilleure solution en utilisant les formules théoriques et pratiques qu’il a acquises à l’université. Le mauvais ingénieur, c’est-à-dire le plus couramment rencontré, baissera les bras après avoir vainement cherché la solution à son problème exact, dans les antécédents techniques de ses homologues. Ce qui n’empêchera pas qu’il puisse être un bon technicien d’application. Dans cette considération, des pays comme l’Algérie devraient délivrer moins de diplômes d’ingénieurs et en exiger moins pour les entreprises qui, nous le savons, n’en ont pas besoin.

Parler du diplôme amène à parler de ce qui est visé par ceux qui veulent le diplôme, à savoir le travail. Pour le chômage, la minoration des chiffres statistiques n’est pas la solution. La solution doit être produite avant ses propres statistiques et je la vois à 6 volets.

1er volet : Les institutions de formation doivent former moins longtemps et en donnant plus de place aux stages pratiques.

2ème volet : La polyvalence doit être une aptitude décrétée. Chaque formé devra apprendre un métier parallèlement à sa formation de base. Par souci de pratique, le deuxième domaine peut très bien être en rapport avec le premier mais il doit être essentiellement appliqué.

3ème volet : Les gouvernements doivent simplifier les procédures de création d’entreprises. Le premier problème que rencontrent les jeunes qui veulent se mettre à leur compte étant celui de louer un local. Dans le cas de l’Algérie, le gouvernement devrait interdire que les propriétaires de locaux commerciaux exigent le paiement à l’avance du loyer de tout le bail. Payer au mois le mois, en déposant une caution de 3 mois de loyer, serait bénéfique. Les moyens de coercition destinés aux mauvais payeurs sont faciles à mettre en place.

4ème volet : Les gouvernements doivent autoriser les micro entreprises aux activités non dangereuses à être créées à domicile. Tout micro entrepreneur pourrait ainsi monter son affaire en sollicitant moins les banques et en puisant moins dans sa tirelire et dans celles de ses proches. Un exemple algérien, l’Ordre des Architectes, à qui le gouvernement à délégué la charge d’organiser la profession, exige un local pour toute Etude alors même que la loi ne l’exige pas. Les « petits » architectes pourraient très bien exercer une architecture de proximité en travaillant avec les particuliers, y compris pour les réfections et les réagencements.

5ème volet : Le système édité à répétition par les gouvernements et qui oblige à une scolarité obligatoire, généralement jusqu’à 16 ans, doit être repensé. Je suis pour la scolarité obligatoire. Seulement, est-on obligé d’étudier jusqu’à cet âge pour réaliser ensuite qu’on est fait pour un métier artisanal ? Dans l’artisanat, les apprentis n’apprennent jamais mieux le métier qu’en commençant tôt. Cela peut être considéré comme une forme de scolarité et être assujetti à des mesures garantissant la non exploitation de l’adolescent, en lui évitant les tâches exténuantes, entre autres. D’ailleurs, rien n’empêche que cette formation soit ponctuée de cours « classiques » dans une école. Cela veut dire que ledit adolescent sera suivi par les institutions qui chapeautent l’éducation et la formation professionnelle. L’échec scolaire sera réduit, le chômage moins massif et le nombre de « hitistes » diminué. Les économies locales gagneront aussi en diversifiant la palette des métiers et des débouchés pour leurs populations. Pour un adolescent clairement non prédestiné aux études secondaires ou universitaires, porter quotidiennement un cartable de 20 kg et passer des heures assis sur un banc d’école est plus fatiguant que d’être dans un atelier d’artisan.

6ème volet : En conséquence du précédent, les programmes de scolarité primaire et moyenne doivent également être repensés. Ils doivent être plus diversifiés, par des visites aux ateliers d’artisans par exemple, afin de détecter les talents et de susciter les vocations, le plus tôt possible. Cela permettra moins d’erreurs d’orientation et moins de sorties d’école sans formation. D’ailleurs, devant la réalité qui ne cesse de les contredire, même les organisations internationales, comme l’Unesco, devraient se pencher sur la question.

Si les gouvernements ne sont pas en mesure de procurer du travail à tous ceux qu’ils obligent à s’instruire ou à se former à leur manière (celle des gouvernements), alors qu’ils les laissent au moins choisir leur voie, en concertation avec les tuteurs et les conseillers pédagogiques. Se développer, c’est s’adapter continuellement. Seulement, aucune adaptation ne peut réussir en étant basée sur des chiffres erronés ou sur la crainte d’être internationalement montrés du doigt. Si des pays comme l’Algérie continuent à fuir en avant de peur de reconnaître les erreurs passées, leurs statistiques seront dangereusement contredites par les rapports des organes de l’ONU et par leurs harraga. S’ils ne prennent pas le taureau par les cornes et s’ils le décrètent éternel veau, ils risqueront quand même encornés. Après le printemps qui n’est plus seulement arabe, les muletas ne seront alors pas de grand secours.


vendredi 24 juin 2011

L'Afghanistan après l'Occident



Barack Obama vient d’annoncer qu’il allait progressivement retirer ses soldats de l’Afghanistan, comme il l’avait promis en 2009. Immédiatement, le Royaume-Uni a soutenu la décision et la France a annoncé qu’elle allait également retirer ses forces de renfort. D’ici à fin 2014, il ne devrait plus y avoir de soldat occidental en Afghanistan. L’écho donné par le Royaume-Uni et la France au retrait états-unien ne prouve pas que les forces de ces deux pays ne sont pas autonomes. Ni celles des autres pays, d’ailleurs. Le fait est que ces troupes sont seulement là en renfort et que, à elles seules, elles ne peuvent pas tenir. D’autant que les Talibans gagnent du terrain depuis quelques années, nonobstant les analyses optimistes de certains journalistes occidentaux. Combattre le terrorisme est l’affaire de tous, cependant, la guerre à l’Afghanistan est avant tout celle des Etats-Unis contre les Talibans et les justifications de son déclenchement restent, à ce jour, discutables.

Avec cette annonce de confirmation de retrait, Obama gagne sur plusieurs fronts. Il tient parole, satisfait les 56% d’états-uniens qui voudraient que leurs soldats stationnés en Afghanistan rentrent au pays, coupe l’herbe sous les pieds de ceux qui lui reprochent de dépenser 10 milliards de dollars par mois en Afghanistan, il se libère pour sa campagne électorale pour 2012 et il sort du match entamé par son prédécesseur en ayant été celui qui a éliminé Ben Laden. Que de bons points.

Alors, quelle suite pour l’Afghanistan ? Hamid Karzaï a applaudi la décision de Obama parce que son autorité sera renforcée par le départ des conseillers états-uniens à l’administration afghane qui ne lui ont pas toujours laissé la préemption de décision. Cependant, il sera seul face aux Talibans qui se souviendront qu’il a contribué à la chute de leur régime (1996-2001). Ils seront tentés de revenir au pouvoir, ou, à défaut, de le partager avec l’actuel président. Les Talibans à Kaboul ou alors chacun dans son fief, expansions souhaitables et accrochages attendus. Afin d’encourager les Talibans à se différencier d’Al-Qaida, le Conseil de Sécurité de l’ONU a « officiellement » décidé de ne plus considérer Talibans et Al-Qaida comme une seule et même entité. S’ils reviennent au pouvoir, les Talibans pourront à nouveau interdire aux filles d’étudier sous peine de leur couper le nez et les oreilles. Conformément à une charia qui leur est propre, puisque Mahomet (qsssl) n’avait jamais interdit aux filles d’étudier. Une charia locale qui permet aussi de transporter les femmes en burka dans les coffres des Lada soviétiques aux amortisseurs peu galants. Je suis habituellement contre la parité hommes-femmes dans les institutions, parce qu’elle peut faire dire que les femmes accèdent aux postes grâce aux quotas et non grâce à leurs compétences. Exceptionnellement, je bénis l’adoption de cette parité en Afghanistan car, au rythme ou évoluent les choses, les femmes ne devraient accéder aux postes importants que dans plusieurs décennies.

Mais qu’en est-il des intérêts géostratégiques états-uniens en Afghanistan ? Plus précisément, comment Obama compte-t-il garantir la sécurité des pipelines qui traverseront le pays en venant du Kazakhstan ?

Dans le scénario le plus probable, les Etats-Unis abandonneraient définitivement le tracé passant par l’Afghanistan. Le relief montagneux rendant le réseau difficile à construire et à entretenir. De plus, l’instabilité de la région (le Pakistan est considéré par beaucoup de stratèges comme le pays le plus instable au monde) n’encourage pas au maintien dudit tracé. Les pipelines passeraient alors vers l’ouest, en direction de la mer Caspienne.

Dans le scénario le moins probable, le retrait progressif permettrait de gagner du temps dans une situation d’enlisement et de redéploiement des Talibans, afin de se libérer pour les élections présidentielles, puis revenir par un quelconque prétexte, en ayant changé de tactique.

A noter que, quel que soit le scénario retenu, les Etats-Unis pourront toujours envoyer leurs multinationales et leurs services secrets pour « proposer » pipelines ou projets de développement. A coup sûr, ils garderont un œil sur l’Afghanistan. De même, ils n’excluront plus une possible intervention militaire en Iran, pour empêcher le nucléaire militaire et garantir les libertés individuelles en façade, pour garantir la mainmise sur le pétrole iranien en coulisses. Par la même occasion, Israël serait plus rassuré par la présence des Etats-Unis ou de coalisés sur le sol de celui qui voudrait rayer l’Etat hébreu de la carte. Une fuite en avant, car la seule véritable garantie de sécurité pour Israël est de faire la paix avec ses voisins en commençant par reconnaître officiellement l’Etat palestinien. Mais il n’y a pas qu’Israël qui serait rassuré par cette présence en Iran. L’Arabie Saoudite aussi le sera, elle qui craint le pire depuis l’annonce du retrait des troupes occidentales d’Afghanistan. Tout cela se dessinera en fonction des évènements à venir et, si la réélection de Obama ne devrait pas être une surprise, la nouvelle carte géopolitique du Proche-Orient est moins évidente à pronostiquer. En cours ou à venir, les révolutions arabes changent la donne en inaugurant une période d’incertitude qui sera suivie d’une période d’instabilité.

Je ne peux pas m’émerveiller de la présence américaine en Afghanistan mais, ce qui me consterne le plus, c’est qu’au regard de la situation économique et socioculturelle du pays, ce dernier ne dispose pas des outils nécessaires à son essor après 2014. Certes, le pays dispose d’une agriculture qui fournit environ la moitié du PIB, mais la culture du pavot (qui donne l’opium) en constitue la plus grande partie. Le pays dispose aussi de réserves de gaz et de minerais mais le réseau routier inexistant ou en mauvais état rend leur exploitation difficile. Le chemin de fer n’existe pas. A cela, il faut ajouter un taux d’alphabétisation faible (moins de 40%). Quant au tourisme, il faudra l’oublier pour le moment.

On dira que, même sans la guerre, le pays est enclavé et essentiellement montagneux, d’où son faible développement. Je réponds en donnant l’exemple de la Suisse qui est aussi enclavée et montagneuse, pour dire que c’est l’Histoire du pays qui lui fait prendre une bonne ou une mauvaise direction. La seule chose qui est évidente, c’est que le facteur qui pèsera le plus dans la pacification afghane sera le citoyen afghan lui-même et les Afghans ne s’en sortiront que s’ils font durer la paix et que s’ils entament la bataille la plus dure, celle du développement. Plus qu’avant, ils auront besoin de l’aide des autres pays et la diminution attendue de ces aides risque de replonger le pays dans le chaos en tentant la population de montrer son mécontentement par le soutien à ceux qui peuvent chasser Karzaï, c’est-à-dire les Talibans. On ne peut pas ne pas le craindre quand on sait que 97% du PIB de l’Afghanistan dépend de la présence de troupes étrangères et des organisations humanitaires.

L’Afghanistan est actuellement un bourbier international. Les forces de la coalition perdent de plus en plus d’hommes et sont confrontées aux tensions qui montent dans leurs propres pays. Des négociations sont en cours entre les différents acteurs présents sur la scène, entre les Etats-Unis et les Talibans, notamment. C’est déjà une bonne chose. J’espère que, d’ici 2014, les Afghans auront définitivement pris le chemin de la paix et du progrès. Plus aucun drone ne balancera de bombes, plus aucune statue de Bouddha ne sera dynamitée, les filles continueront à s’instruire sans être mutilées, les réfugiés pourront se réinstaller chez eux et tous les otages seront libérés.

Et si les Etats-Unis comprenaient enfin que leur politique étrangère a été le plus grand facteur d’émergence et de montée du terrorisme islamiste dans le monde ? Bien sûr qu’ils le savent déjà. Je ne m’étends pas sur la question qui m’amènerait à parler de la confrontation entre la globalisation et l’altermondialisme. Quelle que soit l’issue de cette confrontation qui connaîtra nombre de batailles, les sociétés civiles, y compris dans les pays musulmans, auront une responsabilité large ou limitée mais certaine. Gratuitement mais sincèrement, non seulement je me permets de rêver de lendemains meilleurs pour l’Afghanistan et pour le reste du monde mais, en plus, je dis Amen.


jeudi 23 juin 2011

L’art dans quelques uns de ses états


L’art se discute

L’Institut National (français) du Patrimoine vient d’organiser un colloque traitant de la réplique des œuvres d’art. Dans un article en ligne, Jean-David Raynal rapporte l’avis de ceux qui soutiennent que la copie dans l’art a des vertus. Sans donner l’impression d’y adhérer, l’auteur cite les exemples d’une promenade aux pieds du Sphinx reconstitué et au nez retrouvé ou d’autres monuments totalement reconstitués à force de remplacer les éléments dégradés. L’auteur parle aussi de ces fausses œuvres qu’on présente aux visiteurs, de peur que les authentiques ne soient dégradées ou volées. Ce dernier argument est discutable. Par contre, justifier le secret de la copie dans l’art par la peur de ne plus attirer les visiteurs, s’apparente au mensonge. De là, se pose une question : si l’art est l’expression d’une sensation sincère ressentie par un artiste, comment pourrait-il se passer de la vérité ?


L’art s’imite

L’homme a toujours essayé de copier l’œuvre de l’autre. La fascination l’y pousse et l’infériorité réelle ou perçue de son talent l’y oblige. Aussi souvent, c’est la volonté de duper en vendant une fausse œuvre qui pousse à copier. Dans l’urbanisme, l’homme a souvent été tenté ou poussé à construire ce qu’il enviait chez les autres et qu’il ne possédait pas. Ainsi, Las Vegas a été la première ville moderne à copier les monuments les plus célèbres du monde, voire des quartiers entiers de villes, comme les canaux de Venise. Plus tard, Dubaï en a fait de même et certaines villes nouvelles chinoises reconstituent des rues parisiennes ou carrément le Château de Versailles. C’est bien de s’ouvrir sur le monde, mais, on peut aussi valoriser sa culture d’abord. Les déserts du Nevada et d’Ar Rub’ al Khali ne sont pas vraiment déserts et ne sont sûrement pas déserts culturels.

Et les œuvres d’art, comme certaines peintures, rééditées à des millions d’exemplaires. Quelle horreur ! Je ne parle pas de l’artisanat. Contrairement à une idée reçue, ce dernier ne réédite pas les œuvres, même si peu les relient à l’art. Un artisan ne fait jamais la même chose et il y a toujours des petites nuances dans les objets qu’il produit et qui les distinguent les uns des autres.

Un seul cas échappe à l’abjection de la reproduction exacte. Celui où l’artiste fait appel à la manufacture pour éditer en série une œuvre destinée à l’usage physique. Comme la lampe « Pipistrello » de Gae Aulenti ou la chaise « Fourmi » de Arne Jacobsen.


L’art épate

Aligner les sourires pop art de Marilyn Monroe sur un mur de son salon n’est que vantardise culturelle. Essayer de faire sourire la Joconde chez soi est vanité. Quel que fut (pardon, que soit) son véritable nom, Mona Lisa ne sourit qu’à ceux qui la regardent elle et pas ses sosies. Après Léonard de Vinci et François Ier et d’autres, elle attend sagement dans la Salle des Etats où elle ne dort jamais et ne cligne pas plus des yeux, pour sourire, rassurer, narguer ou partager la tristesse de ceux qui prennent la peine de venir la voir, quel que soit l’angle de vue de ces derniers. C’est cela leur force, à elle et à Léonard.

Les Joyaux aussi sont des œuvres d’art. Je peux comprendre qu’une femme ne porte pas tout le temps ses joyaux. Le risque de banalisation s’ajoutant à celui de se faire détrousser. Je peux comprendre que les joyaux faisant partie du patrimoine d’une monarchie soient copiés pour simuler et répéter des cérémonies. Par contre, la galanterie ne m’empêchera pas de dire que porter des copies de ses joyaux est signe de mauvais goût. Pire, c’est signe de mépris envers ceux qui sont censés les voir car on considérera qu’ils ne sont pas assez connaisseurs pour se rendre compte de la supercherie. L’art du joaillier perd donc de sa sincérité.


L’art s’empile

Les collectionneurs d’œuvres d’art sont des égoïstes. Je ne parle pas des philatélistes, des numismates et autres ferrovipathes, je parle des collectionneurs d’œuvres d’art uniques en leurs genres. Pourtant, cet égoïsme est à la fois malfaisant et bienfaisant. Malfaisant parce qu’il prive les autres d’admirer et bienfaisant parce qu’il stimule l’imagination à propos de ce qu’on n’a pas vu mais dont on a entendu parler. Certains finissent par prêter ou donner leurs collections aux musées. Les musées sont donc des distributeurs d’art et des freineurs d’imagination.


L’art se vulgarise

Le récit de voyageur a été le premier à décrire l’art à ceux qui ne l’avaient pas vu. Puis vinrent d’autres véhicules comme la photographie et la télévision. Comme toute invention, la télévision a des avantages et des inconvénients. Elle fait oublier aux gens qui vivent ensemble de se parler mais elle rend possible de voir des œuvres d’art sans se déplacer. Internet va plus loin. Grâce à lui, on commence déjà à voyager devant son clavier, survolant les villes en hélicoptère ou visitant des sites touristiques avec des vues à 360°. Le tout en véhicule par haut débit et à pied par faible débit. Comme avant, en fait. Ironiquement, HTML signifierait toujours HyperText Markup Language à haut débit mais signifierait Haltes et Temps Mort à Loisir à faible débit. Comme chez nous.


L’art se « virtualise »

L’art devient virtuel. Ainsi, il se démocratise en permettant aux démunis de visiter des musées en étant devant un micro-ordinateur. Actuellement, les touristes virtuels peuvent déjà visiter le Colisée de Rome, l’Acropole d’Athènes ou le Musée du Palais Impérial de Pékin sans bouger de chez eux. Le réalisme n’est pas encore au top mais on se fait une idée. Plus, on n’est pas obligé de suivre les circuits tracés par les conservateurs et les radins peuvent oublier le guide. Bientôt, on pourra peut-être visiter virtuellement des sites archéologiques et des musées en examinant les œuvres sous toutes les coutures et en en 3D, comme un privilégie autorisé à manipuler les œuvres d’art sans risque de les détériorer. Or, une œuvre d’art c’est aussi une sensation visuelle transmise par la couleur et la texture autant que par la forme. L’image de synthèse devra donc gagner plus de réalisme. Cela pourrait être le début d’un véritable tourisme virtuel palliatif au tourisme de masse, coûteux, pollueur et dégradant. L’actuel tourisme virtuel n’étant pas au point. L’idée n’est pas du tout saugrenue et beaucoup y ont déjà pensé.


L’art se mercantilise

Pour des raisons compréhensibles, les œuvres d’art se volent. Massivement pendant les guerres et les révolutions comme en Irak ou en Egypte. Elles sont l’objet de trafic. Dans le futur, on tentera de faire voir l’art en ligne moyennant pécule. Dans ce contexte, il faut se rappeler le premier e-G8 de 2011 et les bases qu’il a jetées. La complexité des réseaux Internet et la résistance à la globalisation rendront la chose très difficile, voire impossible. Les e-traders tenteront alors d’emballer leurs offres de visites virtuelles dans un pack touristique plus complet et plus alléchant. Beaucoup de sociétés écrans appâteront et/ou arnaqueront, à renfort de publicités mensongères et de vendeuses pas très couvertes. S’il se met en place, ce genre de tourisme risque de nuire aux professionnels du tourisme, dira-t-on. Il faut être un peu imaginatif pour rétorquer que non. Les actuels voyagistes pourraient eux-mêmes proposer ces voyages virtuels et c’est aux Etats que reviendrait la tâche de protéger le secteur contre la web concurrence. D’où nécessité d’un minimum de protectionnisme. Quant à l’hôtellerie et à la restauration, elles essuieraient une crise et même la restauration locale verrait son chiffre d’affaires chuter car les locaux mangeraient de plus en plus chez eux à cause du travail à domicile. Par Internet, notamment.


L’art s’efface

Le plus bel art n’est il pas éphémère ? A la sortie de chez le coiffeur, l’œuvre sera détruite par l’oreiller ou par la croissance capillaire. Dans la rue, des artistes de valeur, dont l’autodidactie contredit le monopole de l’université sur la transmission du savoir, dessinent au sol et à la craie ou tagguent les murs à la bombe. La sol sera lavé et les murs recouverts d’une autre peinture, plus rassurante pour la société qui ne veut pas voir ses maux. Qu’ils soient récompensés de piécettes ou d’amendes, ces deux arts sont indéniables et infiniment contemporains.


L’art se vit

Grâce à la grandeur de la petitesse du quotidien, l’art pourrait se vivre à chaque instant et ne plus rester aussi élitiste. Il le pourrait si tout un chacun ajoutait une touche artistique à ses gestes. Ce serait magnifique d’entendre un bonjour musical d’un non musicien ou de remarquer le geste chorégraphié d’un non danseur. Peut-être cela ne pourra-t-il pas être le fait de tout le monde et peut-être qu’il en est mieux ainsi. N’empêche que cet art quotidien est là pour ceux qui veulent bien le voir. S’en rendre compte c’est recevoir la révélation que l’art est en chacun de nous. C’est de nous qu’il vient avant d’être figé en instantanés durables par les artistes. Cet art là, personne ne pourra nous le prendre.

mardi 21 juin 2011

La Méditerranée dans le sens des aiguilles d’une montre


Les Espagnols ont quitté la place madrilène Puerta del Sol qu’ils ont occupée pendant 4 semaines sous le slogan « Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir ». A présent, l’indignation se globalise en gagnant les autres villes du pays et la critique s'est étendue aux dérives du capitalisme et à la corruption politique.

L’Italie est mise sous surveillance par les agences de notation mais reste solvable. Là-bas, le plus urgent est apparemment de battre Berlusconi aux élections municipales. Ruby, elle, n’attend pas les urnes. Après avoir pris champagne et petits fours elle prend la poudre d’escampette et veut toucher au cinéma après avoir touché aux rubis. Elle vient de proposer à Woody Allen de jouer dans un de ces films. La demoiselle a du culot (la deuxième syllabe se prononce). Elle envie Michelle Obama qui va jouer dans un épisode de la série télévisée iCarly pour soutenir les familles de soldats états-uniens mais surtout Carla Bruni. Ruby veut éviter de passer par Lampedusa ou Gibraltar pour rejoindre le Paris des années 1920 puis celui des années 2010.

En Grèce, les « indignés » grecs et espagnols se rassemblent à Athènes pour essayer d’empêcher le Parlement de voter un nouveau plan de rigueur. Si le socialiste Premier ministre grec a caché à la population le véritable montant de la dette publique, il faut rappeler que le pays vivait au dessus de ses moyens. Aussi, la fuite fiscale est un handicap à l’efficience de l’inévitable diète économique. Les Grecs sont les champions européens en la matière, parait-il. Pas les pauvres, les riches. Mais si le Parlement grec décide contre la volonté du peuple grec, ce sera une anomalie : dans une démocratie c’est le peuple qui décide, non ? Et dire que la démocratie est née en Grèce.

En Syrie, Bachar al-Assad persiste et signe. Pardon, persiste et saigne. 1 300 morts parmi les civils, selon des ONG syriennes. Il se barricade derrière l’éternel alibi du complot pro israélien pour faire oublier le dictat et la corruption. Il n’y a qu’à comparer les indices de développement des deux pays pour comprendre des choses. Quant au soi-disant rempart contre le sionisme, qu’il soit d’abord repoussé derrière le Golan annexé par Israël et que la Syrie est incapable de recouvrer. La fausseté de la blogueuse lesbienne ne suffira pas pour redorer le blason de l’héritier qui a été désigné comme élu.

En Egypte, Moubarak compte éviter poursuites et procès en annonçant qu’il souffre d’un cancer de l’œsophage. Pinochet a démontré que ça marche, alors pourquoi pas lui. Peut-être pense-t-il à se réfugier en Arabie Saoudite où il pourrait former un triumvirat avec Ben Ali et Saleh, pour se préparer à accueillir de nouveaux estivants arabes anciennement de haut rang. Loin de Charm el Cheikh, les séquentielles escarmouches entre musulmans et coptes ne réussissent pas à détourner l’attention et les prix augmentent au grand dam des révoltés. Une mauvaise surprise parmi d’autres à venir.

En Libye, l’échec de la Jamahirya n’empêche pas Kadhafi de jouer aux échecs. Une façon d’attirer les touristes vers son Club Med tribal où les GO sont Grands Ogres et les GM Grands Meurtris. Seulement, le compte n’y est pas. Les 64 cases de l’échiquier ne correspondent à aucune variante de comptage d’acteurs du conflit. S’agit-il des tribus qui le soutiennent ? Si c’est ça, il devra bientôt troquer les échecs contre un morpion puis contre un solitaire car les tribus le lâcheront. A moins que ça ne soit pour faire peur du stratège dont la stratégie est de se maintenir au pouvoir en passant sur les corps de sa population. Une stratégie résumée dans un livre vert maculé de rouge sang.

En Tunisie, la condamnation par contumace de Ben Ali à 35 ans de prison exulte ses opposants et fait oublier ses sbires réfugiés chez eux. Elle détourne momentanément l’attention des tentatives de reconduire l’ancien système sous des bannières plus soft. Les boat people voguent toujours et les frontières avec l’Algérie sont prises d’assaut. Le procès a au moins pour avantage de donner aux dictateurs un avant gôut de ce qui les attend s’ils refusent le changement.

En Algérie, Abdelkader Bensalah préside la commission chargée de synthétiser les réformes à mener. Il est le produit du système et, dès qu’il avait été élu à la tête du Conseil de la Nation (seconde chambre du parlement), il avait démissionné de son parti politique tremplin. Il symboliserait le peuple pour signifier que c’est ce même peuple qui mène les réformes. Une blague. Plus près des citoyens, la bureaucratie majore le baromètre de la canicule et les formulaires à remplir pour renouveler sa carte d’identité frisent l’interrogatoire. Je me demande si ce n’est pas en relation avec les arrivées massives de Tunisiens et de Libyens fuyant leurs pays. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les accueillir mais il faudrait que l’administration algérienne impose vite la carte d’identité biométrique.

Au Maroc, les avis sont partagés pour dire le contentement ou la déception suite aux amendements à la constitution, annoncées par le roi et qui seront soumises à referendum. Pas de quoi s’affoler. La grogne ne remettra pas en cause la monarchie et, si ça va mal, certaines plumes plus royalistes que le roi pourront toujours dire que les troubles sont dus aux Saharaouis ou aux sionistes. Au bout de la chaîne, le Maroc transite relativement bien du printemps vers l’été.

Après cette brève croisière autour de la Méditerranée, dans les sens des aiguilles d’une montre, ladite montre montre que le temps est instable même si l’été sera plutôt chaud. L’indignation continue de monter et la migration avec. A 94 ans et sans avoir de compte Facebook ni de micro-ordinateur, Stéphane Hessel n’imaginait pas le poids de son livret au titre conjugué à l'impératif. La Méditerranée est en train de muer. Le tout est de faire en sorte qu’elle soit meilleure ou, à défaut, qu’elle ne soit pas pire. Alors, ne déshabillons pas Pierre. Habillons plutôt Paul et aidons Pierre à devenir plus présentable.

lundi 13 juin 2011

Peurs de la vie



Les gens ont peur. Ils ont peur de tout et de rien. Ils ont peur des étrangers, de la religion, des téléphones portables, de la folie bovine, de la grippe aviaire, de la canicule, du froid, du concombre, de la mondialisation, de la mort. En résumé, ils ont peur de la vie. A force de prétendre pouvoir tout sécuriser, les sociétés modernes ont fait oublier à l’homme qu’il peut se défendre par lui-même, qu’il doit savoir le faire et que la vie sans risques n’existe pas. Pire, plus elle est sans risques et plus elle est dangereuse, parce qu’elle désarme en faisant oublier comment se défendre. Comme un corps humain qui n’est jamais agressé et qui oublie de fabriquer ses anticorps. Je ne fais pas l’éloge du risque. Je dis que la peur est pathogène et qu’elle fortifie les sources de la peur. Je m’explique.

Lorsque les lieux publics sont désertés par les gens, suite à menaces d’attentats, le terrorisme se dope et se voit pousser des cornes pour mieux ruer. Lorsqu’on change de chemin pour échapper à des harceleurs, ils sont encouragés à faire plus et ils viennent vous guetter sur votre nouvel itinéraire.

On peut comprendre qu’un Etat comme Monaco soit hyper vidéo sécurisé car il suffit de traverser la rue depuis la commune française de Beausoleil pour être chez les Monégasques. Par contre, l’expérience britannique en matière de vidéo sécurisation a démontré le peu d’efficacité du tout sécuritaire. Les caméras ont permis d’identifier les auteurs des attentats de Londres de juillet 2005 mais n’ont pas permis de sauver les victimes.

La peur de E. coli (Escherichia coli) est compréhensible car la bactérie (ECEH) contenue dans les graines germées a tué 33 personnes. Des morts injustement mises sur le dos des Espagnols pour ne pas voir son propre dos en Bavière. Là où se cachait la bactérie qui a dissuadé les Européens de manger 5 fruits et légumes par jour. La bactérie serait due à un manque d’hygiène dans la ferme bavaroise incriminée ou à l’importation de semences infectées. Un nouveau dos, plus oriental, celui-là. En parlant d’hygiène, je me rappelle ce responsable constantinois des ressources hydriques, à qui on avait reproché de laisser les eaux usées se déverser dans un barrage d’eau potable, avait rétorqué que, sans cela, le débit en amont serait de 18 litres par seconde au lieu des 40 qu’il assurait. Ne parlons pas de certains maraîchers algériens qui arrosent leurs cultures avec les eaux usées. Si les Européens qui ont boudé sains concombre, salade et tomate, vivaient en Algérie, ils ne boiraient que de l’eau minérale et se mettraient définitivement aux barres multivitaminées.

Autrement, l’OMS a annoncé qu’elle venait de classer les appareils émetteurs d’ondes comme probablement cancérigènes. On s’en doutait un peu. Le risque viendrait des téléphones mobiles, des « téléphones sans fil, des appareils Wi-Fi, des micros sans fil, des ampoules basse consommation, des fours à micro-ondes, des plaques à induction, des émetteurs de radio ou de télévision, des antennes-relais, des émetteurs de police ou de pompiers, des radars ». Par ailleurs, l'OMS a classé « 900 agents et substances, présents dans des produits de consommation courante », comme aussi risqués que les ondes. Les risques viendraient du progrès, en somme. Sachons que la fumée d’un moteur diesel est plus dangereuse que tout ce qui vient d’être cité. Au fait, les pesticides et les OGM ne sont-ils pas dangereux, eux ? En fait, ils ne sont pas dangereux pour les multinationales.

Parallèlement à l’impossibilité d’abandonner toute cette technologie, sauf par désindustrialisation forcée et fausses prévisions de l’OPEP, le débat sur la fiabilité des études commanditées par l’OMS et les organismes gouvernementaux de santé, est lui aussi relancé. Essentiellement pour dénoncer, encore une fois, le financement des études sur les risques que pourrait présenter un produit, par les industriels qui le fabriquent.

Questionné sur la solution à cette contradiction, l’expert Pierre Meneton [1] dit que « La première solution immédiate serait d'obliger toute agence faisant une expertise à évaluer séparément les études financées par l'industrie et les études financées par d'autres sources ». « Il faut chercher une solution dans un cadre relativement public, sans jamais oublier que la science a besoin de temps, de calme, de tranquillité et de sérénité pour être efficace » [2].

La question n’est pas de savoir s’il faut abandonner les produits de la technologie du sans fil, comme les téléphones portables. Elle est de savoir si on peut s’en passer et, si non, comment faire pour minimiser les risques. Pour le moment, il est juste « conseillé » d’adopter une certaine hygiène d’utilisation dont la première mesure est d’utiliser, autant que possible, kit mains-libres et SMS. Pour dire la relativité des normes, l’OMS classe comme gros utilisateurs les personnes qui parlent par téléphone portable pendant 30 minutes par jour et pendant 10 ans. Dans ce cas, seuls peuvent être classés comme petits utilisateurs, ceux à qui on a menti en les persuadant qu’ils avaient besoin d’un gadget inutile. J’ai également entendu un spécialiste conseiller la fréquence d’utilisation suivante pour le téléphone portable : 3 minutes de communication puis 30 de non utilisation, et ainsi de suite. Déjà, rien qu’en huit heures par jour, cette fréquence d’utilisation vous fait classer gros utilisateur puisque vous aurez parlé au téléphone portable pendant 42 ou 45 minutes. Puis, à écouter ce spécialiste, je m’imagine l’efficacité d’un trader à la bourse ou d’un adjoint à commissaire-priseur lors d’une vente aux enchères avec des acheteurs potentiels au téléphone.

En Algérie, certains jeunes désoeuvrés auraient trouvé le moyen d’en finir avec le marasme de leur vie et avec leur vie tout court, en ayant le téléphone portable collé à leur oreille en permanence. Ils savaient donc déjà ? Une fois, un ami grosse gueule m’avait dit que si le suicide était licite en islam, les suicidaires constantinois se retrouveraient seulement un mètre plus bas en sautant du pont suspendu de Constantine, haut de 175 mètres. Toute la hauteur du précipice serait remplie de cadavres.

Dans les systèmes modernes de gestion urbaine, le tout sécurisé est une proposition idéale mais irréalisable. Les pays trop sécurisés comme la Suisse, où un tire-boulette serait suffisant pour commettre un hold-up, sont tout simplement barbants.

Les gens d’avant avaient peur aussi. Ils avaient moins peur parce qu’ils avaient peur de ce qui leur arrivait à eux. Aujourd’hui, ils ont peur de ce qui leur arrive à eux et de ce qui arrive aux autres. La faute aux média ? Non, la faute à personne. Enfin, si, à ceux qui surmédiatisent. C’est le revers de la médaille de la facilité de circulation de l’information.

Un verre n’est jamais à moitié plein ni à moitié vide. Il est les deux à la fois. Ne pas sécuriser c’est abandonner. Trop sécuriser c’est désarmer. Alors, trouvons la voie médiane.



Notes :

1. Pierre Meneton est expert au département de Santé publique et d'Informatique Médicale (SPIM) de la faculté de médecine Paris Descartes (Paris 5).

2. Interview accordée à Le Point.fr  (lien interactif perdu)

samedi 11 juin 2011

Cannabis bis Connection


Le débat sur la légalisation du cannabis est relancé en France et des centaines de personnes ont manifesté à Paris, il y a peu, pour demander de dépénaliser la consommation de la résine, la régulation de sa production et sa prescription dans un cadre thérapeutique. Le débat a été relancé suite aux récents règlements de comptes dans la ville de Sevran. Les affrontements diurnes au Kalachnikov disent la taille du marché et les rêves qui vont avec. Rêves de grosses cylindrées et de gros cigares achetés par des larbins masculins et allumés par des canons féminins. D’ailleurs, depuis quelque temps, le maire de Sevran sollicite l’intervention de l’armée. Pas moins. Inutile de s’attarder sur les origines des dealers. L’argent de la drogue n’a pas de race précise mais il est souvent basané.

Je me demande comment est-ce qu’on peut arriver à faire passer toutes ses armes par les frontières. Est-ce la faute à Shengen ? Ce serait trop facile de dire ça. De toute évidence, les Européens concernés gagneraient à revoir les clauses afin de s’adapter à la conjoncture qui risque d’être durable.

Le maire de Sevran est de ceux qui préconisent la légalisation du cannabis pour couper l’herbe (sans jeu de mots) sous les pieds des dealers. Il cite l’exemple de la Prohibition qui ne s’est terminée qu’en 1933, lorsque Roosevelt légalisa la consommation d’alcool. Après treize années de descentes et de carnages. Le gouvernement fédéral avait remporté quelques batailles, sûrement pas la guerre. Les enjeux étaient et sont trop gros pour que cela ne fabrique pas de téméraires candidats à la richesse ou à la mort. Je me rappelle la prohibition à livres et à scénarios dont je me suis délecté. Aujourd’hui, le mot que j’en retiens est : « Incorruptibles ». Une utopie en soi.

Au Pays-Bas, on a légalisé la consommation individuelle de cannabis depuis longtemps et le Portugal, qui a suivi, consacre 75 millions d’euros par an pour accompagner les toxicomanes, soit 12 fois plus qu’en France, à proportion égale de population. On accompagne les consommateurs pour ne pas les laisser au milieu d’une jungle d’offres de consommation. Le budget est important mais cela vaut le coup si les résultats affichés par le Portugal sont avérés. Un nombre de consommateurs en baisse.

Ceux qui ne veulent pas légaliser le cannabis arguent que la légalisation rabattra les dealers sur des drogues plus dures. Comme si le trafic de l’herbe allait les retenir de se lancer dans celui de la poudre. Avant d’être dealers de cannabis, ils étaient pickpockets puis vendeurs d’objets volés puis cambrioleurs puis racketteurs. Aujourd’hui ils dealent du cannabis et demain ils dealeront de la cocaïne. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Autre avantage, la légalisation du cannabis prendra de court beaucoup de petits dealers. En voulant se recycler, ils n’auront pas assez de temps avant d’être neutralisés par l’Etat. Cela vaut mieux que d’attendre que le mal s’enracine pour essayer d’en guérir.

La guerre menée par les Etats aux narcotrafiquants est tout à fait louable mais elle m’amène à deux questions. Si le tabac est dangereux pour la santé, pourquoi pourchasse-t-on les fumeurs et laisse-t-on les fabricants de cigarettes en paix ? Dans une ville comme New York où il est interdit de fumer même dans son appartement et à Central Park, pourquoi le tabac est-il commercialisé ? Il y a moins besoin de répondre à la première qu’à la deuxième. Il faut, cependant, juste rappeler que les victimes sont toujours les plus pauvres. Maladies, taxes et pénalités. La triple peine.

L’Algérie n’envisage pas de légaliser la consommation du cannabis et, lors du dernier G20, elle a même essayé d’inscrire à l’ordre du jour la lutte contre le trafic de cette drogue douce.

D’un, je ne crois pas que les peines de prison actuellement appliquées soient opportunes pour les consommateurs individuels. Dans cette vision, l’institution algérienne en charge de la question, qui s’appelle « Office National de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie » devrait supprimer le dernier mot de son appellation. Les toxicomanes sont des victimes et ce sont les dealers qui sont les coupables. Les toxicomanes doivent donc être écoutés, accompagnés et soignés.

De deux, le trafic de cannabis, transitant fortement par le Maroc, ne doit pas rajouter au différend algéro-marocain sur le Sahara Occidental. Il serait temps de rouvrir les frontières terrestres avec ce voisin. Ce serait un début de normalisation en vue de la réconciliation des frères ennemis qui prétendent vouloir construire ensemble le Maghreb. D’ailleurs, la normalisation des relations permettra de collaborer dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogues dures venant d’Amérique latine. C’est ce trafic là qui est le plus grand danger. En plus d’être un fléau sanitaire, social et criminologique, le trafic de drogues dures profite au terrorisme subsaharien et des chiffres inquiétants sont avancés par l’administration algérienne. Plus de 310 millions d’euros auraient été payés par les narcotrafiquants colombiens aux groupes armés, pour leur assistance aux narcotrafiquants maghrébins [1]. La situation est d’autant plus préoccupante que l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, patine depuis sa création en 1997 et semble se battre contre des moulins à vents. Même les incursions et raids menés par les Etats-Unis contre les plantations colombiennes n’ont été que temporairement et relativement efficaces.

Le cannabis est interdit dans la plupart des pays du monde, conformément à la Convention Unique sur les Stupéfiants de 1961, qui a été largement influencée par la Prohibition états-unienne. Néanmoins, la tendance est à la distinction entre l’usage médical du cannabis et sa détention ou sa culture et commercialisation. Dans beaucoup de pays où la détention est interdite, la consommation personnelle est tolérée. Un pas en avant qui permettra de ne pas pénaliser ceux qui ont besoin d’être aidés au lieu d’être punis. Les toxicomanes doivent être soignés gratuitement et anonymement dès qu’ils manifestent la volonté de se faire soigner.

Le cannabis est la drogue la plus consommée en Algérie. Qu’en est-il réellement de la consommation de cocaïne et d’héroïne ? Les chiffres sont rarement communiqués et le sujet reste tabou. D’autres tabous existent. Qu’en est-il des femmes qui s’adonnent aux drogues douces ? Celles qui fument cigarettes ou cannabis sont dites salopes ou re-salopes quand les hommes qui fument cigarettes ou cannabis sont dits inconscients ou voyous. Qu’en est-il des adolescents et des pré-adultes qui se droguent ? Ceux qui se shootent à la colle ou aux psychotropes et qui ont même inventé fatwa et technique pour pouvoir se shooter tout en observant le jeûne du Ramadhan.

Autant de questions dont il faudra se saisir, préalablement à leur traitement. Taire les problèmes ne permet pas de les évacuer et c’est l’un des facteurs qui poussent les jeunes algériens à être candidats à l’exil ou à la pyromanie. Ces jeunes là ont besoin de centres de désintoxication et de travail. Surtout de travail.



Note :
1. Cf. Interview de Abdelmalek Sayeh, président de l’Office National de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie. Publié on-line le 15-05-2011 et consulté le 11-06-2011.

vendredi 10 juin 2011

A mort, les provocateurs !



Le peintre indien Maqbool Fida Husain est décédé. Conformément aux règle établies, on le rattachait à l’Occident en le surnommant le ‘Picasso de l’Inde’. Un surnom qu’aurait désapprouvé Picasso s’il était vivant, lui qui fréquentait les peintres moins célèbres que lui ou à peine connus comme l’Algérienne Baya. Ou bien M.F. Husain est un artiste digne d’être considéré comme tel pour son coup de pinceau à lui, ou bien il est à classer comme illustrateur de prospectus touristiques pour amateurs d’exotisme.

Il était aussi réalisateur, producteur et scénariste mais il était controversé pour l’un de ses tableaux aux couleurs fortes. Reproduit en 1996 par un magazine indien, il lui avait valu d’être menacé de mort parce que la peinture représente des déesses hindoues nues, pour symboliser la pureté. Sa tête de musulman avait été mise à prix et cela l’avait obligé à s’installer au Qatar puis au Royaume-Uni. Questionné sur comment il vivait son exil forcé, il avait dit : « Quel que soit l'endroit où je trouve l'amour, je l'accepte ». Jolie phrase qui exprime la suprématie de l’amour sur la haine.

Son histoire est celle de tous les artistes provocateurs.

Je n’ai pas trouvé choquant qu’on dessine le prophète Mahomet (qsssl) mais qu’on l’insulte en le traitant de chien. Un homme qui fédère un milliard et demi de personnes, plus de quatorze siècles après sa mort, ne peut que forcer le respect. De même, je n’ai pas aimé le fait que Salman Rushdie insulte un prophète mais je n’ai pas admis qu’on le menace de mort pour ça. Les musulmans ont eu raison de rouspéter mais ils devraient aussi balayer devant leurs portes. En Algérie, pays musulman parait-il, on insulte Allah au quotidien. Depuis quelques années, le blasphème en vogue fait allusion à la fornication avec Dieu. Rien que ça. Cela ne choque presque plus et ne vaut excommunication à personne.

En avril dernier, l’œuvre Immersions (Piss Christ) de Andres Serrano, représentant un christ aux pieds immergés dans son urine a également choqué. Une polémique s’en est suivie mais personne n’a menacé le peintre de mort. L’Eglise a également râlé, bien que le débat sur la consubstantialité du Christ (qsssl) ait commencé il y a longtemps, de conciles œcuméniques en congrès. Il n’aura pas tranché depuis et des mouvements dits hérétiques, comme le catharisme, continuent à contredire la version officielle sur la nature du Christ. Je ne m’attarde pas trop sur les cathares sinon on dira que j’essaie d’aider l’actuel régime Libyen à se venger de l’Occident mécréant en déterrant le Libyen Arius, père du catharisme. D’autant que les cathares sont la raison d’être des Bénédictins à qui l’on doit l’Inquisition espagnole qui a suivi la Reconquista.

Donner la mort est intéressant à considérer. L’homme n’admet pas la différence et dénie le droit de vivre à celui qui insiste pour ne pas lui ressembler. La vie est considérée comme la chose la plus précieuse, c’est pour cela qu’on veut l’ôter. Oter la vie est signe de faiblesse. Faiblesse de l’assassin qui manque d’arguments et pense qu’il doit faire taire cet autre qui le déstabilise.

La vie est importante mais je crois que l’intégrité l’est plus encore. A quoi sert de vivre dans le mensonge, sinon à vous faire exécrer l’image renvoyée par le miroir ? Apparemment, beaucoup ne s’en formalisent pas ou s’y complaisent.

Je soutiens les actions qui visent à abolir la peine de mort dans le monde tout en me demandant s’il n’est pas utile de la maintenir pour certains assassins à répétitions qui font passer Jacques l’éventreur pour un enfant de chœur avant de se voir offrir le gîte et le couvert dans des prisons de plus en plus confortables. Et encore, il est possible qu’on les laisse rentrer chez eux parce qu’ils sont malades. C’est très à la mode, en ce moment. Et je ne parle pas des criminels contre l’humanité que certains imbéciles prennent pour des héros. Comme le héros Mladič qui a fait exécuter 8 000 prisonniers en leur tirant dans le dos pour aller se cacher ensuite.

Les provocateurs sont nécessaires à la vie sociale et culturelle. Ceux qui ne tuent pas. Ils sont les déclencheurs de l’expression spontanée du sentiment profond, celui qu’on se retient de dire pour ne pas se faire huer. Plus qu’huer si on est people dans un pays où la critique ne dort pas. Il est compréhensible alors que le discours BCBG se tienne en public alors que le double discours se tient en aparté. Un aparté trompeusement rassurant car souvent trahi par le proche, moyennant pécule, momentanée célébrité ou vengeance. Ou alors surpris par un improvisé paparazzi sans zoom ni microphone. Les politiques en sont obnubilés et, bientôt, il leur faudra se doter d’un porte-parole pour discuter entre amis.

En Algérie, pays où la liberté de la presse est le seul véritable acquis du pluralisme politique, des quotidiens de la presse à scandales aux éditoriaux délateurs imitent The Sun en version moins dénudée et soutien à la guerre en Irak en moins. Comme en Europe, ces quotidiens révèlent régulièrement des phrases assassines dites en tête-à-tête, mais ils diffèrent de leurs équivalents d’outre-Méditerranée par leur unique source qui est le « on ».

La provocation est sciemment et régulièrement utilisée pour émerger du lot en faisant parler de soi. Si elle n’avait pas été menacée de mort, Taslima Nasreen aurait difficilement pu faire promouvoir son livre Lajja paru en 1994 et qui n’a aucune valeur littéraire. Ce qui ne justifie pas les menaces dont elle a fait l’objet.

Ces impromptus épars disent l’absurdité de l’homme qui veut cacher à sa vue le problème qu’il ne peut pas traiter et qui désire la mort de celui qui représente ces problèmes. Ces anecdotes posent aussi la question de savoir si l’art justifie tout. Difficile de dire où s’arrête l’art et où commence la provocation. Même si j’abhorre qu’on se moque de la foi des gens, la véritable question est de savoir s’il faut ou non laisser l’art provoquer. Je dis oui parce qu’il vaut mieux être stimulé par la provocation qu’anesthésié par l’éloge.

mercredi 8 juin 2011

Et tant pis pour les maigrichonnes


Cet aricle a été initialement publié sur ce blog le 25 mai 2011 mais a été perdu suite à panne. Les annotations en arabe ne dérangent pas la lecture même si elles ne sont pas compréhensibles pour certains.


Insomniaque comme à l’accoutumée, je n’ai pas vraiment envie d’écrire. Sur les chaînes francophones, on parle sans arrêt de Dominique Strauss-Kahn. Alors je zappe et je tombe sur des chaînes arabes diffusant des clips musicaux. Elles se ressemblent toutes, y compris celles qui émettent depuis des pays qui se disent conservateurs. Ça doit être la tradition, là bas, de montrer des filles en robes moulées, mini jupes et jeans serrés, dansant et suggérant avec leurs croupes.

 ! غـير الـقـزوح

Certaines ont le nombril en l’air et font semblant de tirer leurs bustiers vers le bas. Bel exemple de pudeur de la part de pays musulmans d’où partent les fustigations contre celles qui ne portent pas le hidjab.

Les autres chaînes racontent en musique l’éternelle histoire de « mon amour, ma chérie » mais toujours avec une femme très sexy. Tellement sexy qu’on la croirait facile. Il paraît que la femme est beaucoup plus qu’un corps et que l’amour n’est pas que sexe. De toute évidence, l’arabité contemporaine confond les deux.

Quelqu’un a dit : « Lorsqu’une femme parle, l’importance du discours est inversement proportionnelle à la taille du décolleté ». Bien entendu, c’est une caricature, mais je crois que cela s’applique à beaucoup de chanteuses arabes. On dit que le sexe fait vendre et je me dis que les Arabes doivent être en train de tester une nouvelle économie pour préparer l’après pétrole. Quant aux chanteurs qui n’aiment que les femmes sexy, il ne faut pas croire qu’ils font ça pour vendre. Leur âme d’artiste est trop sensible à la beauté, surtout lorsqu’elle se rapproche du 90-60-90. Pourtant, même Marilyn Monroe faisait 88 de tour des hanches. Les deux centimètres ne manquaient-ils pas pour confirmer l’imperfection humaine ? Non et non. C’est 90-60-90, ou même plus, et tant pis pour les maigrichonnes.

Mais alors, les chanteurs qui n’aiment pas les dodues, ce sont de faux artistes. Ainsi donc, Serge Gainsbourg serait un imposteur. Certainement. Sinon, après BB, il aurait du se mettre avec Lova Moor et non avec Jane Birkin. Son imposture a quand même donné une certaine Charlotte chez qui les mensurations sont inversement proportionnelles au talent.

Karl Lagerfeld, lui, est bête. Il pourrait vendre plus, s’il dessinait des vêtements pour des filles rondes. A moins que les clips arabes ne l’intéressent pas. En tout cas, il devrait dessiner moins de recettes textiles pour jeûneuses permanentes et se rendre compte que même la poupée Barbie a abandonné ses dimensions 96-46-86.

Sur ce registre, c’est Silvio Berlusconi qui remporte la palme d’hors Cannes de l’artiste le plus sensible à la beauté « mensurée ». Après les émissions très « cul-ture-elles » de ses chaînes télé, il a voulu présenter des candidates siliconées pour régler les problèmes de l’Italie. La supériorité de sa civilisation ne l’empêche pas de se rapprocher de la civilisation islamique. Et pas que diplomatiquement, en parlant du Maroc. Il aurait du prodiguer des conseils à un certain voisin actuellement malmené.

Il faut dire aussi que dans les pays arabes, les mensurations sont seulement prénuptiales. Après noce, les femmes augmentent leur tour des hanches et les hommes, leur tour du ventre. Il arrive même que les trois dimensions s’alignent pour un gabarit plus homogène. Pourquoi séduire sa moitié quand elle est déjà à la maison, hein ? Les mollahs iraniens, eux, on réglé le problème une bonne fois pour toutes. Que la femme soit ronde ou svelte, elle ne doit pas laisser deviner quoi que ce soit. L’idéal aurait été de ne pas la deviner du tout, mais bon. Les hommes ne sont pas concernés, bien sûr, et Persepolis avait bien montré la contradiction.
Cette hypocrisie me rappelle un ballet de filles arabes en tutus classiques, qui refusaient de lever haut la jambe par pudeur. A se demander pourquoi elles pratiquent cette danse. Un dicton de chez nous décrit ceux qui sont dans cette situation comme « tenant la canne par le milieu ».

  حاكـمين العـصا من الـوسط

Je zappe encore. D’autres chaînes diffusent des feuilletons. Continuons sur ça, tiens ! Le même type d’aberration se constate chez les actrices arabes. Comme celles qui dorment en survêtement et qui émergent du sommeil, maquillées comme si elles allaient à un mariage. Il ne faudrait surtout pas que les téléspectateurs les voient démaquillées, au cas où de futurs prétendants se trouveraient parmi eux.

 !  آ خـلايـا رايـحـيـن يـشوفـوني

Une émission de cuisine est diffusée. Le Chef s’affaire et explique à la présentatrice qui semble tout ouïe. Pourtant, à la maison, on mange ce que mangeaient nos aïeux. Pour les plats les plus raffinés et les pâtisseries et confiseries, cela remonte carrément à l’époque ottomane. Au restaurant, on mange steack frites à se faire excommunier par les Belges, et la gastronomie est une notion inconnue, à part dans quelques hôtels à Alger. Question : A quoi servent ces émissions alors que nos recettes ne veulent pas évoluer depuis cinq siècles ?

Sur une autre chaîne au logo incompréhensible, une esthéticienne est en train de maquiller des paupières par décagrammes multicolores. La fille cobaye va bientôt rendre jalouse Paris Hilton. Ça doit être une émission du genre « La femme arabe ».

   الـمـرأة العـربـيـة

Au moins, ce genre d’émissions cloue le bec à ceux qui nous accusent de n’accorder d’attention à la femme que tous les 8 mars.

Sur une autre, des chanteurs (j’en connais certains de vue) se tiennent en groupe et chantent louange au pouvoir syrien. Ils ont l’air heureux de perspectives et personne ne semble leur tirer dessus.

Je m’arrête de zapper. Autant revenir à DSK et aux JT à répétition de TV5 Monde, destinés à ceux qui ne comprennent pas l’info du premier coup. J’aurais aimé trouver quelque émission arabe qui parle de prévisions économiques ou géostratégiques à long terme. De science. En vain. Il faut croire que nous avons définitivement résolu de ne rien inventer. Dans ce cas, il n’y a qu’à continuer à former des scientifiques qui iront travailler à l’étranger. Et puis, pourquoi inventer ? « Dieu nous a consacré l’Occident, il invente et nous n’avons qu’à prier », comme disent certains croyants. Prions pour que certains puits ne tarissent pas avant que Dieu ne nous donne un peu de sagesse.