dimanche 6 mai 2012

Lettre à mes amis français


Chers amis,

Confrontés à un moment déterminant de votre Histoire, vous venez de choisir votre président. Pour des raisons culturelles, j’ai, comme beaucoup d’Algériens, suivi ces élections et trouvé un plaisir à écouter, à lire et à analyser les propositions des candidats, notamment des deux finalistes. En entendant le résultat final de ces élections, j’ai pensé vous résumer mes sentiments à propos.

Plus que les raisons historiques, géographiques et linguistiques, le fait que la France soit le pays étranger qui accueille le plus d’Algériens me fait m’intéresser aux tendances actuelles, préoccupantes par la montée des extrémismes religieux et politiques.

Un extrémisme religieux enfanté par l’incompréhension de la philosophie de l’islam, par les musulmans et les non musulmans, ainsi que par l’interprétation exotérique des textes sacrés. Par le peu de place qui est fait à la différence.

Un extrémisme politique dont la formalisation partisane pose souvent de vraies questions sur l’immigration sans toujours donner de bonnes réponses, mais auquel on ne peut pas dénier le patriotisme. Un patriotisme qui se fait du mal, et fait du mal aux autres, en se tintant de nationalisme.

Je reste proche des valeurs de la culture de votre pays dont le passé colonial ne me fait pas oublier le rayonnement et l’universalisme.

J’avais espéré que Nicolas Sarkozy l’emporte. Non pas que je m’arroge le droit de choisir à votre place, mais parce que persuadé que personne n’aurait pu mieux faire face à une crise financière internationale de cette gravité. Je comprends ceux qui se sont sentis blessés et qui ont fait leur choix électoral pour sanctionner plutôt que pour approuver et, dans un pays qui a connu la peine et la précarité, rien ne peut justifier qu’on soit laissé pour compte ou abandonné à la précarité. Ce n’est pas le cas de tous les électeurs. Cependant, j’espère que nous saurons tous faire prévaloir la raison sur la passion.

Il serait trop facile de dire que tel courant politique, ou l’autre, joue le jeu de cette folle finance. Ou même de dire que l’un et l’autre se valent. Par le passé, des erreurs ont été commises de part et d’autre. Dans le futur, d’autres erreurs seront commises. Il s’agit d’abord de parer au plus urgent, puis de reconsidérer nos modèles politiques, économiques et sociaux.

Par amitié pour vous et par sympathie envers tous vos compatriotes, je prie Dieu de m’être trompé et qu’il fasse en sorte que François Hollande soit le bon.

Un monde nouveau doit voir le jour, plus mature et plus pragmatique que l’actuel altermondialisme. Un « néomondialisme », mieux outillé, mieux concerté. Cette nouvelle forme ne réussira pas si elle prend des airs de révolution sans ou contre les gouvernements. Elle ne réussira pas, non plus, si l’humanité n’accepte pas de changer de mode de vie. Je n’ai pas de réponse détaillée au comment et je doute que l’ait qui que ce soit. Je sais seulement que tout changement brutal serait aussi suicidaire que de continuer sur la voie de la surconsommation et du gaspillage des ressources naturelles, minérales et fossiles.

Pour dépasser le stade de l’indignation et aider ce monde nouveau à naître, les sociétés civiles doivent s’investir beaucoup plus dans le tissage des relations entre peuples et nations, entre l’Algérie et la France en particulier, afin de tourner la page de la période coloniale et de faire durablement la paix en laissant reposer nos morts. Ces morts mutuels auxquels nous devons dire que nous ne les oublions pas, que nous ne les trahissons pas, que nous voulons construire, ensemble, ce dont ils ont rêvé dans leurs plus humains instants.

Dans cette dynamique civile, les apports des réseaux sociaux ne sont pas négligeables et là où il n’y a plus de dialogue, s’installent l’incompréhension, la méfiance et la haine. Des réseaux sociaux qui souffrent, quand même, de vite atteindre leurs limites. En attendant d’aller encore plus de l’avant, en harmonie avec nos moyens.

Amis français, aucun candidat n’a gagné. Vous tous avez gagné. Vous avez gagné le débat, la mobilisation, la critique, la satire et la perpétuation ou l’invention de beaucoup de notions et de valeurs qui sont autant de garanties de pérennité de la démocratie et de la république.

Je vous souhaite tout le bien possible, persuadé que vous saurez trouver votre voie, vous qui avez traversé de nombreuses périodes difficiles en vous relevant à chaque fois.


Hichem Zoheïr Achi