vendredi 31 mai 2013

Femen arabica


Aucune Femen n’est obèse ou squelettique. Alors, soit elles subissent un entraînement avant d’entrer en scène, soit les canons de la beauté disqualifient les autres activistes. La vision qu’a cette troisième vague féministe de la féminité est réductrice de sa cause. La première hypothèse est la plus plausible car tout producteur impose son casting et il est su que les Femen ne sont pas financées que par leurs cotisations. Gaëlle-Marie Zimmerman a dit que « la plastique des militantes aux seins nus est conforme aux standards de la mode ». Ce qu’elles réfutent. Quoi qu’il en soit, les fabricants de lingerie n’ont pas à s’inquiéter, eux qui ont survécu au féminisme le plus baba cool.

La première Femen arabe est égyptienne. Plus nue que les européennes et moins téméraire que la tunisienne qui est la première à l’avoir fait dans son propre pays et en pleine rue. Plus prudente que les fréquentes violées égyptiennes, aussi. La nouveauté a eu lieu le 29 mai dernier. Deux Femen françaises et une allemande ont manifesté en Tunisie, pour libérer la militante locale et dénoncer la condition de la femme dans ce pays. Maintenant qu’il se déplace après s’être exporté, le mouvement pourrait devenir une internationale socialisante. Pour dénoncer la condition de la femme dans d’autres pays arabes, elles devront être plus nombreuses.

Les Femen ne choquent pas parce qu’elles rendent public le corps de la femme. Il l’est déjà, le long d’une chaîne allant de la publicité à la pornographie. Ce n’est pas le nu, en lui-même, qui rend public ce corps. Les beaux-arts et la haute couture le montrent. Ces derniers ont su galber et dénuder, avec une beauté et un glamour qui écartent la bestialité. Hors ces deux là, la banalisation du nu féminin a anesthésié le désir masculin. Cette banalisation finit par ne plus vendre comme avant et il n’est pas impossible que la banalisation du corps de l’homme soit la réponse des mêmes exploitants.

Les Femen choquent d’abord, quand elles brisent la solennité des lieux dédiés. Manifester seins nus dans une cathédrale ou taguer une mosquée gérée par des salafistes est de l’irrespect envers les croyants, qu’ils soient ou non pour la théocratie. Elles étonnent ensuite, quand elles dénoncent l’exploitation du corps de la femme alors qu’elles le font elles-mêmes, soi-disant pour attirer l’attention. Elles gavent par l’image afin de dégoûter. Plus, en voyant le raidissement de ce qu’elles dénudent, on constate que l’adrénaline des amazones a remplacé le lait des mères. Même si les modèles traditionnels de société sont dépassés, je trouve violent qu’elles essaient d’imposer et je confirme que le féminisme souffre aussi bien de son ignorance du masculin que du machisme.

Les antiféministes affirment que le rabaissement et la culpabilisation du masculin l’ont psychiquement castré, ce qui aurait favorisé l’homosexualité et abouti au mariage homosexuel. Je suis d’accord que ce dernier n’est pas une simple question de liberté et d’épanouissement individuels, et le fait qu’on continue à manifester dans la rue française après sa légalisation prouve qu’on appréhende ses conséquences. Les nationalistes français, par exemple, craignent que leur pays ne procrée plus que grâce aux immigrés ou dans des laboratoires. Il y a sûrement un peu de racisme dans cette crainte, mais également un souci démographique et stratégique.

Je n’aime pas le sextrémisme des Femen mais, à son encontre, l’emprisonnement est une réponse d’ordre public, non de société. Ce qu’il faudrait, c’est plus de débat sur les modèles de société à venir. Ce débat inclut des spécificités locales, il en reste mondial, pas seulement arabe ou européen. Mieux ou pire que l’inertie, les actions de Aliaa Elmahdy et de Amina Sboui auront été un appel par l’absurde à la morale, et une façon de nous rappeler que la mondialisation ne fait pas circuler que des bulles financières.

Hichem Achi

jeudi 30 mai 2013

Le panafricanisme autour du Sahel


Comme l’a pointé Mireille Fanon Mendes France, lors du sommet de l’Union africaine de mai 2013, cette organisation a produit beaucoup de textes légaux et les a peu appliqués. Le Soudan du Sud et le Sahara Occidental prouvent que ces textes ne sont pas la solution à tout et que la revendication du droit à l’autodétermination a peu de chances de s’arrêter un jour. Il n’y a pas que l’Ua qui soit un appareil à produire des textes. Les Nations unies n’interviennent réellement dans un conflit qu’une fois qu’il est terminé. Personne ne doute que les puissances chercheront toujours à dominer et à s’ingérer, elles ne seraient pas puissances, sinon. Il faut simplement se demander comment elles y arrivent, c’est-à-dire qu’il faut identifier les circuits et les réseaux formels ou informels qui le leur permettent et, plus important, il faut se demander ce que méritent les peuples qui se laissent faire.

Parallèlement à l’insurrection de Frantz Fanon face à la taxinomie colonialiste qu’il découvrit à l’hôpital de Blida, un autre panafricaniste à sa manière, Malek Bennabi, disait que la colonisabilité est préalable à la colonisation. Il serait intéressant de discuter s’il a eu raison de le dire et s’il aurait constaté le même caractère aujourd’hui. En opposant ces deux visions partiellement contradictoires, je plaide pour une remise en cause de soi qui ne justifie pas le colonialisme. On pourrait se dire que l’Histoire n’a pas à répartir les responsabilités, par chauvinisme ou parce que la version adverse est faite pour. Seulement, le rapport de forces ne permet pas toujours d’équilibrer la comparaison à la lecture. Si j’ai de l’indulgence envers la pédagogie des manuels scolaires, je n’accepte pas qu’on veuille en faire des manuels à vie. L’Histoire est censée servir, avant tout, à ne plus commettre les erreurs du passé.

Le Maghreb, lui, ne se considère africain que géographiquement. Il laisse aux politiques les affaires touchant au continent. A tort, se dit-on, en découvrant ce qui se passe depuis quelques mois au Mali, et en se demandant ce qu’on y faisait avant la guerre. Plusieurs facteurs contribuent à ce détachement psychique du Maghreb. La présence d’un Sahel séparant les climats et les couleurs de peau, sans racisme pourtant, fait oublier le Sud. Le rôle des comptoirs maghrébins dans l’ancien commerce des esclaves, rend l’Afrique subsaharienne méfiante sur l’africanité du Maghreb. Ceci ne la retient pas de le traverser en s’aventurant vers la Méditerranée. Enfin, depuis les Ottomans, le Maghreb navigue vers le Nord, la compétitivité chinoise et la crise européenne ne le détournant pas de son cap.

Le panafricanisme est un héritage un peu encombrant. Si on l’enterre, on donne raison à Nicolas Sarkozy qui a dit que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Si on le maintient, on ne l’actualise pas et son efficacité restera relative, ponctuelle et régionale. Les empires coloniaux n’ont plus les mêmes visages et Alger n’est plus la Mecque des mouvements de libération. L’Afrique est un ensemble d’individus, de tribus, de peuples, de nations, qui ont à être jaloux de leur indépendance et conscients de leur dépendance plus ou moins conjoncturelle. Conscients de leur rôle au sein des Etats, aussi. Dans l’actuel contexte mondial, ils doivent se concerter pour chasser leurs prédateurs internes et externes, précédés d’éclaireurs armés ou non. Dans le même temps, ils devraient revisiter leurs patrimoines culturels afin de dégager les éléments de modèles nouveaux, plus philosophiques et moins folkloriques, capables d’être des palliatifs à la culture occidentale qui s’essouffle et qui les essouffle.

En regardant autour des statues africaines, je me dis qu’il y a des hommes remarquables à toutes les époques et que leur défaut est de venir entre les virages décisifs de l’Histoire, là où le piédestal est bas ou au raz du sol. Quel que soit leur classement, ces hommes commettent des erreurs, et les déifier décourage de chercher à faire aussi bien ou mieux. En Algérie, le patriotisme de Houari Boumediene ne l’a pas empêché de rater la diversification économique et de laisser s’enraciner le népotisme dont souffre toujours le pays. S’ils revenaient au pouvoir, ces hommes changeraient sensiblement de politique et répondraient ainsi indirectement à Malek Bennabi.


Hichem Achi

mardi 28 mai 2013

Un, deux, trois, sursaut


La situation d’incertitude que vit l’Algérie en ce moment n’est pas due à l’absence de Bouteflika, elle est la conséquence logique de sa politique et de son économie. Parallèlement aux appels à appliquer l’article 88 de la Constitution, qui déclare l’état d’empêchement du président de la République, les appels à un sursaut national se multiplient aussi. Ces appels ne seront jamais trop nombreux, vu l’urgence et la léthargie dans laquelle est plongée la société algérienne. Les propositions politiques font de la place aux actuels responsables, par rupture dans la continuité ou par incapacité de faire autrement. En dehors de ces propositions, comment pourrait se faire le sursaut de cette insaisissable société civile ?

D’un, à un niveau individuel d’abord. L’attitude qui consiste à se démarquer des autres en les désignant par « les Algériens » ou par « le peuple » permet de se laver les mains de leurs comportements, alors qu’on en est complice par sa similitude ou par son silence. La confusion entre abnégation et sacrifice pourrait paralyser la volonté. Il n’est pas demandé aux Algériens de se sacrifier mais de s’appliquer dans leur travail. Ce n’est pas sans rapport avec la situation du pays. La médiocrité démotive et pousse à l’abandon ou au départ, affaiblissant le service public et bouclant un cercle vicieux.

De deux, en comprenant que, sans lucidité, la vigilance est simple présence. Pire, elle est relais d’informations douteuses. Comme exemple, la photo de ce qui semble être un document officiel signé par Bouteflika le 19 mai 2013, et qui circule sur Facebook. Il s’agit peut-être du décret instituant le 22 octobre « Journée nationale de la presse ». Comment est arrivée là la photo de ce document « officiel » et pourquoi ? Une des réponses est dans la signature datée, qui en fait un bulletin de santé crédibilisé. Alors que le gouvernement en est à jurer, vainement, quand bien même par Allah, que le président se porte bien, les communiqués passent mieux sur Facebook qu’au journal télévisé national. Devant cette dualité, je me demande si c’est par médiocrité ou par intelligence que ce dernier ne s’améliore pas. Pas encore.

De trois, en demandant aux intellectuels algériens vivant à l’étranger de s’impliquer ou de s’impliquer plus. Je parle de ceux, indépendants, que le régime a poussés à partir. Par leur silence, ils me rappellent ceux qui se sont tus pendant la guerre de libération et juste après. On dira que ces derniers ont eu peur et que la situation actuelle est différente. Quel que fut leur nombre et toute humaine que fut leur peur, leur attitude reste curieuse, eux que la colonisation, aux moyens de répression considérables, n’a pas empêchés de résister. Le désintéressement des intellectuels algériens vivant actuellement à l’étranger dit peut-être qu’ils considèrent leur exil comme la solution finale. Si ça n’apprend rien de nouveau sur le taux d’amour que les Algériens réservent à leur patrie, ça rend moins sincère leur anathème sur les indigènes assimilationnistes.

Je pense soudainement à ce jeu auquel j’ai joué étant enfant et qu’on appelait Un, deux, trois, feu rouge. On devait s’arrêter de progresser quand celui qui surveillait se retournait brusquement et disait feu rouge. Sous d’autres cieux, les enfants y jouent en ne disant pas feu mais soleil, piano ou autre chose. Je ne sais pas si notre spécificité est due à l’inconscient ou à la prudence de nos aînés. Elle est édifiante, en tout cas, et didactique de plusieurs points de vue. Avec ce jeu, on a trompé les enfants, de leur naissance, ou avant, jusqu’au moment où leur taille leur a permis de regarder derrière la clôture. Et je sais que l’herbe n’y est pas toujours plus verte. Avec le concert 1, 2, 3 Soleils, des millions de jeunes algériens ont cru, à tort ou à raison, que les études les encombrent et qu’ils peuvent réussir, ailleurs, à coups de décibels, en se shootant ou en chahutant. Enthousiasmé par le souvenir de mon enfance, je dis Un, deux, trois, sursaut. On me dira quand fermer les yeux ou les ouvrir.


Hichem Achi

mercredi 22 mai 2013

Bab el Oued ou le déluge de nos malfaisances



Le quartier de Bab el Oued est une fois de plus inondé. D’autres quartiers d’Alger et d’autres wilayas aussi. Le gouvernement débloquera sûrement et heureusement une aide d’urgence et fera appel, peut-être, à la générosité des Algériens. Leur générosité est à saluer. Elle prouve que leur solidarité est seulement tiédie par la suspicion générale, elle-même nourrie par la chronique des détournements de deniers. D’autres Algériens attendent sans doute cette aide et salivent en faisant leur étude de marché parallèle, pour ce dont ils délesteraient les rescapés. Ces bandits de tous chemins semblent prendre la revanche du shérif sur Robin des Bois, en gardant la force de Petit Jean et en arborant étoile et croissant à la place de sa croix. Contrairement à Richard Cœur de Lion dans le conte, le Président Bouteflika n’est pas parti en croisade, ni à Paris ni à Alger. Qui attendre pour se plaindre, alors ?

Revenons au climat. Lui et le relief sont en grande partie responsables des inondations, moins de leurs conséquences. En 2001, on avait pointé du doigt la régularisation de constructions en zone inondable pour afficher une réduction du déficit en logements sociaux, ainsi que l’obturation de canaux d’évacuation des eaux. Les inondations de cette fin mai 2013 font déjà dénoncer le manque d’entretien des conduites d’évacuation souterraines et leur sous-dimensionnement. Des faits d’Algériens qui nous disent que, à différents degrés, nous sommes tous responsables de nos malheurs.

Après novembre 2001, mois de noyade pour des Algériens et de festin pour d’autres, les prochains jours nous diront si les pertes humaines des précédentes inondations auront fait réfléchir ou repentir. J’aurais préféré qu’il n’y ait pas encore mort d’homme pour le savoir. Je sais que des Algériens attendent d’être à leur tour en poste pour se servir, pour prendre ce qu’ils considèrent comme leur part de richesse spoliée. Je leur rappelle que s’ils ne prennent pas soin de leur pays, des étrangers le feront à leur place et à leur manière. Le nouveau shérif et sa horde auraient la mauvaise foi des locaux, desseins internationaux en plus et condescendance de compatriotes en moins. Et Robin des Bois restera un héros de télévision.

Hichem Achi

lundi 20 mai 2013

Le califat démocratique algérien



Au moment où les institutions algériennes sont affaiblies ou démasquées, des ex membres du FIS (Front Islamique du Salut) et de l’AIS (Armée Islamique du Salut) voudraient revenir à la vie politique. Leur terrorisme doit le leur interdire. S’ils reviennent ou nous reviennent exportés, il sera juste de revoir la position officielle par rapport au MNA (Mouvement National Algérien) qui est accusé de traîtrise pendant la guerre de libération. Si le comportement de certains de ses adhérents de l’époque avait causé des morts, il n’est pas le seul à avoir été dans ce cas. Un autre argument, de taille, plaiderait en faveur de sa reconsidération. Le FLN l’avait éliminé sous prétexte d’unifier les rangs et de faire prévaloir la lutte armée sur la lutte politique. Or, un parti politique est censé faire adhérer à ses idées par la persuasion et le libre choix, quand le FLN le faisait par la force, comme le souligne Mohammed Harbi.

Oui, l’arrêt du processus électoral en 1992 était une erreur, et la genèse de la décennie noire remonte à avant ces élections ou le multipartisme. Cependant, même si une guerre n’est jamais déclenchée pour une seule raison, quoi qu’en dise l’Histoire, celui qui fait feu en premier est toujours le fautif. En justification de cet arrêt des élections, on soutient que le FIS aurait aboli la démocratie, une fois arrivé au pouvoir. Difficile de dire s’il l’aurait vraiment fait et si cela aurait été légal. Son terrorisme et le fait qu’il ait été élu essentiellement par sanction au FLN rendraient aujourd’hui peu crédibles ses promesses de paradis national et céleste. Pour un certain temps, en tout cas.

Parmi les partis actuels, qui pourraient sérieusement se résumer à cinq, il y a le brumeux MSP des Frères musulmans. Influant de moins en moins sur la pensée musulmane contemporaine, les Frères musulmans se distinguent des autres islamistes par le caractère fondamentalement politique de leur mouvement, dû au fait que leur création, en 1928, était une réaction à l’abolition du califat par Atatürk. Même si tout le monde sait, eux compris, que le contexte a changé depuis, il reste à ce parti à dire s’il est pour un califat. Si ce califat aurait une forme ancienne ; s’il serait une union ou une fédération ; s’il laisserait de la souveraineté aux Etats qui le constitueraient ; s’il serait différent de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI). Des questions que l’officiel lui évite, pour services rendus. Ses réponses le mettraient sur le ban ou le banaliseraient un peu plus que ne le font les ministres qui en sont issus. Au lieu d’interdire les partis islamistes, comme certains le demandent, je serais pour l’interdiction de tout parti qui ne présente pas de candidat aux présidentielles.

Je ne crois pas qu’un califat à l’ancienne soit envisageable. La géographie des anciens califats est due aux déplacements de musulmans, partis transmettre le message de l’islam. Face au brigandage et aux armées, ces messagers se devaient d’être eux aussi armés. Géopolitiquement, c’est l’expansionnisme auquel tous les pays doivent leurs frontières. C’était avant qu’il n’y ait des Etats dont la plupart se reconnaissent mutuellement. Aujourd’hui, la transmission du message de l’islam peut se faire par d’autres moyens de communication, aussi efficaces que les anciens si les transmetteurs sont sincères et compétents. A quoi servirait de regrouper la oumma musulmane sur le territoire d’un califat que la disparité rendrait ingérable ? L’appartenance à la oumma doit être spirituelle.

La démocratie pourrait s’auto-abolir. En démocratie indirecte, le peuple légifère par le biais de ses représentants élus, qui pourraient voter l’abolition de la démocratie. Le peuple peut-il abolir démocratiquement la démocratie ? Le bon sens voudrait que oui, puisque les élus auront exprimé le choix du peuple sans nécessairement être obligés de l’appeler au référendum. Ce bon sens se heurte notamment à l’absence de modèle palliatif. Justement, c’est peut-être le moment de rappeler qu’il existe des variantes de la démocratie et qu’il serait sage d’en inventer de localement plus adaptées.

Sur la même lancée, je redis que nos élus manquent de représentativité. Les électeurs les choisissent parmi des candidats dont ils ne savent presque rien. L’anonymat qu’en perçoivent certains élus les rend moins soucieux de leurs électeurs. Comme exemple, la hausse de leurs indemnités qu’ont débattue les députés algériens pourrait financer, au salaire minimum légal, 2.566 emplois permanents. Tous les électeurs n’auront pas pris acte de cette récidive d’indécence. Les candidats pourraient être élus d’abord à partir de leurs quartiers, là où on les connaît mieux, pour donner plus de chances à leur remords. Les élus de quartiers éliraient parmi eux les représentants des communes (APC). Ces derniers éliraient parmi eux les représentants des wilayas (APW). L’Assemblée Nationale serait constituée de représentants de wilayas. En supprimant les daïras et l’inutile Conseil de la Nation.

La République peut cafouiller et être dénommée comme telle, en bénéficiant de l’indulgence qui se doit au balbutiement. Le souci qui n’attend pas, c’est de savoir comment faire en sorte que la législation et l’exécution soient constamment et exclusivement au service du pays. C’est-à-dire comment faire comprendre à un maximum de citoyens qu’ils sont le meilleur rempart contre les abus. Le reste est une spéculation capable au moins de faire réfléchir, au moment où les guetteurs du Val-de-Grâce s’apprêtent à promettre ou à encore promettre la rupture qu’ils n’apporteront probablement pas. Et, comme à chaque fois, on leur donnera moins de voix qu’aux candidats ex stars de foot ayant changé de jeu. Je préfère penser que c’est parce que l’homme vit d’espoir, sinon je me contaminerais de mon pessimisme.

Hichem Achi

vendredi 17 mai 2013

La 2ème République algérienne aux huiles conventionnelles


Un rapport vient d’être publié par l’Agence Internationalede l’Energie (AIE), estimant que le boom des huiles non conventionnelles nord-américaines va provoquer une onde de choc sur les marchés. Grâce au pétrole de schiste, les Etats-Unis deviendraient le premier producteur de pétrole en 2017. Cela veut dire qu’il y aurait une hausse de l’offre et que les recettes algériennes diminueraient. Certes, l’AIE a tendance à pronostiquer au détriment de l’Opep. N’empêche qu’en 2012, alors que l’Algérie ne dépensait pas autant pour sécuriser ses frontières, la Banque d’Algérie avait évalué autour de 110 dollars le seuil critique du baril. Les cours actuels n’en sont pas loin et le risque est bien réel. A chacun d’en imaginer les conséquences économiques et sociales. La plus grande indépendance énergétique des Etats-Unis ne veut pas dire qu’il y aura moins de conflits dans le monde, comme le laisserait penser ce que l’on sait de leur interventionnisme. Avec ou sans eux, il y en aura notamment pour l’eau potable et la terre arable, ou suite à des tensions interethniques. L’Algérie connaît la sécheresse et son brassage ne la rend pas monoethnique.

Une puissance ne peut pas être pacifiste, puisque c’est par l’hégémonie qu’elle a acquis sa puissance. Une puissance qui sert à plus faible, du reste. En 1512, des Algériens, n’ayant pas encore ce gentilé, ont appelé les Ottomans pour expulser les Espagnols occupant Bougie. En 1990, le Koweït a appelé les Etats-Unis pour expulser l’envahisseur Irakien, en l’absence d’armée arabe de taille. J’avais compris ses arguments et condamné son invasion et celle de l’Irak. Condamné sans plus d’effet, au point de me demander s’il est niais ou inconscient d’espérer que les puissances cessent de faire le gendarme du monde.

Prêt à tout pour se maintenir, l’actuel gouvernement algérien vide les caisses de l’Etat en augmentant les salaires des râleurs qui occupent la rue et les Assemblées. Dans cette entreprise, il est aidé par des gouvernés qui, en bâclant ce qu’ils font, nous attribuent le label « travail arabe » à l’effet d’agence de notation financière. Les Algériens savent leur qualité de production. Ils disent qu’une marchandise est importée dès qu’ils doivent justifier sa cherté. Ce n’est pas une simple question de taux de change de monnaies, ils précisent aussi que leur appartement a été bâti par des étrangers, aux coûts locaux de main d’œuvre, lorsqu’ils veulent le vendre plus cher. Il manque aux Algériens un esprit de constitution, de charte de citoyenneté. Il y a bien la Déclaration du 1er Novembre 1954 mais, étant la seule que personne ne remet en cause, elle a été trop manipulée. De fait, son esprit a été spolié en 1962, monopolisé en 1965, voilé en 1989, ensanglanté en 1991. Plus personne n’en parle aujourd’hui.

Je ne suis pas contre la deuxième République algérienne. Ce que je n’aime pas dans celle à laquelle on appelle, c’est qu’elle ne retient pas de la première la leçon de l’autruche. Elle n’explique pas comment elle traite le communautarisme et la contradiction apparente ou réelle entre la démocratie et la charia, par exemple. Pourtant, ces questions seront disséminées dans le prochain débat et elles seront opportunes au regard des revendications post-linguistiques et du retour à la charge des islamistes. Le simplisme qui se dégage de cet appel indique un certain suivisme, aussi. La France, pour la nommer, est l’un des exemples dont on pourrait s’inspirer. Cependant, il serait absurde de copier tel quel son modèle qui peine à faire cohabiter chez lui les races et les religions. La France rediscute en ce moment la possibilité de supprimer le mot « race » de sa Constitution. Ce mot n’existe pas dans la nôtre, tant mieux, mais il existe dans notre inconscient. Je ne crois pas que l’ignorer soit une bonne idée pour évacuer le malaise ressenti en parlant de notre identité.

Puis, peu de propositions accompagnent cette deuxième République et elles ont un goût de réchauffé. Un des problèmes sera de trouver des figures nouvelles, capables de redonner espoir. Dans la course qui a commencé, Ali Benflis, ancien ministre et premier ministre, annonce qu’il ne sera candidat à la présidence que si Bouteflika ne se représente pas. Une manière de dire que Bouteflika ne l’a pas battu en 2004 mais qu’il l’a éliminé. A croire que Bouteflika est le régime à lui tout seul. Aucun discours ne sera anti-démagogique s’il laisse en place les actuels corrupteurs, criards ou grands muets. Or, aucun politicien n’écartera ces corrupteurs sans le soutien de la seule force en mesure de les convaincre, c’est-à-dire du peuple. Le vrai, pas celui des décomptes électoraux. Un cercle vicieux qui montre que le renouveau de la République n’est pas une histoire de numéral ordinal.

Le rapport Global Trends 2030, qui établit des scénarios géostratégiques pour l’horizon indiqué, nous dit ce que nous savons déjà, que nous allons dans un mur matelassé de slogans de pouvoir et d’opposition. En publiant ce rapport, le National Intelligence Council dit aussi que nous ne lirons pas ou que nous ne changerons pas. Affligeant. Avec mes faibles moyens, je continue à indiquer des pistes et à réfléchir sur ce que pourrait être l’Algérie du rêve et du réalisme. J’appelle les intellectuels à oser les tabous de leur raison et les autres à ne pas se contenter de la vindicte. Faute de quoi, les radeaux et les canots de sauvetage ne suffiront pas.

Hichem Achi

lundi 13 mai 2013

Le contre-Etat algérien



En ces temps de maigreur économique, même des pays riches se serrent la ceinture. L’Algérie n’a pas de ceinture à son baril et ses hydrocarbures se veulent aussi inépuisables que sa démagogie. L’austérité arrivera, pourtant, et elle touchera les Algériens sans leurs députés qui n’auraient pas encore augmenté leurs indemnités débattues il y a six mois. Nous devrions les remercier de compatir, avec ce sursis, à notre paupérisation. Dans la difficulté, un pays doit savoir encore plus de quels atouts il dispose et, plus important, comment les exploiter au mieux. Ce à quoi la rente pétrolière n’est pas la réponse des planificateurs. Enfin, pas tous.

Le Sud de l’Algérie est en train de s’en isoler dangereusement. Aux chômeurs de Ouargla, qui dénonceraient leur handicap régional aux yeux de Sonatrach, s’ajoutent les contrebandiers mécontents de la fermeture de la frontière avec le Mali. Rien qu’en considérant ces deux problèmes, on comprend que certains ne voient l’algérianité du Sahara que dans les bulletins météorologiques. Les puissances qui salivent sur nos sous-sols se motivent de leurs taux de croissance et ambitionnent de gagner une des ders pour ces minerais-là. Elles n’étonnent donc pas. Par contre, que le parti marocain Istiqlal veuille redessiner des frontières communes que son pays reconnaît, donne une idée de comment on nous jauge en ce moment. Tout cela alors qu’on cache le président à sa République comme on cache les choses sérieuses aux enfants. La situation est pour le moins préoccupante.

Je me tourne vers ce qui aurait pu être une société civile. Dans le monde du travail, un corps après l’autre réclame des augmentations. Au lieu d’épuiser les réserves nationales de change, on devrait les utiliser à développer les projets de l’après-pétrole, à améliorer les télécommunications pour ne plus être pris de vitesse par la 3G de la Somalie, à améliorer la qualité de l’enseignement pour ne plus diplômer d’analphabètes, à réhabiliter les hôpitaux publics pour qu’ils soignent nos puissants et ne tuent pas nos faibles. Le premier syndicat du pays, lui, soutiendra le prochain candidat du régime aux présidentielles, avec ou sans son patron hospitalisé en Suisse par respect au prolétariat. Pour se maintenir et maintenir, le gouvernement prend des mesures soupapes de pression. Il vient, par exemple, d’exonérer d’intérêts les prêts destinés aux jeunes entrepreneurs de l’Ansej (Agence nationale de soutien à l’emploi de jeunes). Moyennement encourageant pour ces jeunes, à la merci de fonctionnaires musulmans qui voient «haram» le vin et «halal» son pot.

Je n’attends rien de ce régime qui ne pourrait pas s’autodétruire par un changement, et qui ne pourrait pas préserver les richesses qu’il dilapide. Je n’attends rien de ce gouvernement qui souhaite peu rétablissement à un président qu’il suppliait de devenir monarque. J’attends que les Algériens se réveillent. Qu’ils arrêtent de fantasmer sur Boumediene qui a enraciné ce qui les piétine. Qu’ils arrêtent de croire que nos frontières sont des murailles à nous passer de pragmatisme. Je leur dis que la richesse de leur pays est une partie de leur problème et que leur comportement en est une autre. Je leur rappelle que leurs devoirs sont les droits des autres comme leurs droits sont les devoirs des autres. Que l’Etat est plus qu’un gouvernement ou que des collectivités locales et qu’il est l’ensemble des services publics, du responsable au préposé. Je les appelle à enfin bâtir cet Etat, en s’appliquant dans leurs tâches et en n’ignorant aucun citoyen. Notre contre-Etat est la preuve de notre inconscience et c’est à cause de cette inconscience que notre service public affiche vacance et malfaçon. La vacance allèche l’intrus et la malfaçon nourrit la mal-vie. Celle dont chacun rend l’autre responsable.

Hichem Achi

dimanche 12 mai 2013

La succession télévisée à Bouteflika


Depuis une année, on assiste curieusement à l’apparition de chaînes télévisées algériennes non étatiques, après que les Algériens aient cessé d’en rêver. Elles bourgeonnent comme des champignons, sans contredire la botanique. La nouvelle chaîne Eldjazairia TV parodie et critique des personnes hier puissantes, comme le général Khaled Nezzar. Du jamais vu. Elles tombent à pic, à côté de Eldjazairia TV et de Echourouk TV, Ennahar TV est discrètement accréditée, juste au moment où s’arrête la chaîne d’opposition islamiste Al Magharibia TV, qui émettait depuis Londres. Elles font vite, aussi, quitte à s’inventer plus tard un historique comme l’ont fait les anciens combattants qui n’ont jamais pris les armes. Malgré leurs éditoriaux anonymes et signés, on dit qu’elles fonctionneraient sans budget notable. J’en retiens le dernier mot. Tout le monde sait que les couteaux sont tirés pour la succession à Bouteflika, que certains disent déjà mort, et que ces chaînes sont sur le front. C’est moins mauvais qu’un Printemps dont les fleurs seraient arrosées de sang puis étiolées de piété ostentatoire.

Les programmes de ces chaînes savent parfois capter l’attention. Facile en terrain régional vierge et suffisant pour retenir de zapper avant que ne soit délivré le message. Ce n’est pas pour rien que cela s’appelle une « grille » de programmes. Sur Ennahar TV, par exemple, l’imam star Chems Eddine el Djazairi, au nom bien rassurant, dissuade insidieusement de vouloir le changement, enrobant d’humour son conservatisme. Assez rare chez les prêcheurs, il faut le dire. Ennahar TV a bel et bien annoncé, la première, la mort d’un chef d’Aqmi, Abou Zeïd, cela ne lui suffira pas pour remplacer Al Jazeera ou concurrencer France 24. L’APS (Algeria Press Service), elle, a repris cette information en préférant citer BFM TV comme source, pour faire preuve d’honnêteté ou de compétence à sa manière. Je doute que, si elles survivent, ces nouvelles chaînes informent autrement qu’en rapportant ou qu’elles servent un réel changement politique en Algérie. Leur seul apport aura été de faire renaître un espoir, serait-il faux, quand c’est l’absence d’espoir qui décime le plus au sein d’une population.

La leçon de la déchéance n’est pas retenue par les assoiffés de pouvoir et elle ne doit pas l’être, cela rendrait morose la conquête et possible la candidature des pleutres. Seulement, les factions veulent impliquer le peuple pour qu’il sollicite ou plébiscite un vainqueur qui l’oubliera. Aux Algériens qui disent ne pas avoir besoin d’un président, je dis que les tempêtes ne se traversent pas sous commandement collégial et qu’il vaut mieux avoir un mauvais commandant que de ne pas en avoir du tout. Puis, je rappelle à ces Algériens que ce sont des compatriotes à eux qui ont peur de leurs cambrioleurs et qui attendent du président qu’il les attrape. Quel que soit le nom du futur chef d’Etat, les attitudes des Algériens l’encourageront à la dérive ou le décourageront du redressement.

De même, je n’approuve pas ceux qui disent à ces factions de livrer bataille tous seuls. Je me doute bien que le vainqueur et les siens iront eux aussi soigner leurs rhumes en Europe et que leurs enfants auront des CV prénataux. Cependant, en attendant de savoir qui sera mat ou pat, je refuse d’être un pion sur l’échiquier. Je préfère être un fou, gris, qui rit de l’héraldique des cavaliers et qui se moque de la vacuité des tours de guet.


Hichem Achi

mercredi 8 mai 2013

Le 8 mai 1945 se soigne entre l’Algérie et la France


Je condamne toujours la répression française des manifestations du 8 mai 1945 en Algérie. Nonobstant, j’observe que le 8 mai est une date de production algérienne de films rediffusés, sur le calendrier des disputes algéro-françaises. Une date pour saler la plaie de rancune et la poivrer de puérilité. Les relations entre l’Algérie et la France ont de plus que la géographie et l’Histoire qu’elles grisent le présent et noircissent l’avenir. Jacques Chirac avait parlé de « liens charnels », lorsqu’il avait proposé un traité d’amitié entre les deux pays. Bon ou mauvais, ce traité est tombé à l’eau de la Méditerranée non unie, après que fut votée la loi du 23 février 2005 qui cite le « rôle positif de la présence française outre-mer ». Cette loi fait l’effet de quelqu’un qui vous demande de le remercier de s’être bâti une maison sur votre terrain. Avec d’autres, Eric Zemmour dit que l’empire colonial a apporté le progrès. Oui, mais le prix en a été trop cher. Aujourd’hui, des Français regardent l’Algérie du Nord en noir et blanc et d’autres regardent l’Algérie du Sud en noir. Des Algériens en veulent à la France d’être venue et d’autres lui en veulent de ne pas les laisser venir.

Non sans lien avec le propos, ces jours-ci a eu lieu une notation peu flatteuse des hôpitaux algériens. L’hospitalisation, en France, du président de la République algérienne, a posé la question de sa succession. Or, les candidats des partis, presque tous secrets, sont soit opposants plébiscitaires ou figurants quinquennaux de parodies d’élections. L’élu a fait campagne en promettant l’environnement et l’emploi de l’île d’Henri Salvador, et son équipe, émergente ou non, semble gouverner sans cap, comme une unité de pompiers ou de sapeurs civils. Ils ne se soucient pas de l’avenir parce que le leur est octroyé en retraite exponentielle. Retraite professionnelle, s’entend. Quelques uns la prennent en France qu’ils ont fustigée les 8 mai. Là, le discours desdites dates devient malaisé sur la revendication. Possible que ces quelques uns exigent la repentance de la France et s’y installent pour mieux la lui exiger. La population, elle, volontairement plébéienne, hurle son patriotisme dans les stades de football et dévaste sa patrie autour.

La société civile n’est plus à la mode dans le discours officiel car, une fois président, Bouteflika n’a plus eu besoin d’affirmer qu’il comptait sur elle pour contourner les institutions du système. Comment une société civile pourrait-elle contourner le système qui la gère ? Dans l’entreprise de réconciliation entre les deux pays, elle n’a de chance d’aller au-delà des constats et des reproches qu’en ayant un pied sur chaque rive, dans la langue avec laquelle les deux savent s’écouter et rêver. Le 8 mai pourrait être marqué en commémorant 1945 et en travaillant tous les ans, ensemble et de manière plus diversifiée. Cela éviterait les drapeaux étrangers à la Bastille et les queues devant les consulats. Pour le respect mutuel, c’est pas mal.


lundi 6 mai 2013

Sur le conflit syrien


Si le conflit syrien prend autant d’ampleur médiatique c’est en raison de l’appréhension de sa suite, en observant le bourgeonnement voilé du Printemps arabe, en Tunisie, en Egypte et en Libye. Du côté des populations arabes, c’est la peur que s’installe un régime intégriste, en seconde position après celle de la montée d’Israël dans le Proche-Orient.

Certes, Bachar el-Assad est préférable aux islamistes, dans la considération du devenir de certaines libertés individuelles dans son pays. Comme lui, les dirigeants arabes qui ont été confrontés à de telles situations ont affirmé être des remparts contre l’islamisme, l’impérialisme et le sionisme. Sur ce dernier, d’abord, peu d’Israéliens croient encore au Grand Israël. Puis, si el-Assad pouvait s’opposer à Israël, il aurait récupéré le Golan que la communauté internationale a reconnu à la Syrie. Le monde a toujours été régi par des rapports de forces et la souveraineté des Etats-nations est une chimère dans sa perception. La Syrie n’y échappe pas et si elle est en mauvais termes avec Israël et les Etats-Unis, elle est assez proche de la Russie et de la Chine qui ne la soutiennent pas par philanthropie.

Quant au Qatar qu’on traite de tous les noms et dont on dénonce les OPA, en France et ailleurs, ses arguments méritent d’être écoutés. Bien qu’il dispose d’une industrie touristique et halieutique, la concentration de son économie autour des hydrocarbures, la rareté de ses terres arables et ses litiges frontaliers avec l’Arabie Saoudite l’ont poussé à se diversifier économiquement. Pour ce faire, il a fondé le Qatar Investment Authority, en 2005, chargé notamment d’investir hors du territoire.

Deuxièmement, sa chaîne télévisée Al Jazeera qui ne serait pas neutre, spécialement dans sa couverture du Printemps arabe. Pour rappel, cette chaîne a été créée en 1996 pour être le porte-voix du rayonnement économique et stratégique du Qatar. Dans leur inconscient, les populations arabes ont cru qu’elle était objective, parce qu’elle pensait comme eux ou vice-versa. Dans leur naïveté, ils ont cru que des médias totalement neutres pouvaient exister. Aussi objectif qu’il soit, le simple avis d’un journaliste ou d’un rédacteur est souvent un parti pris.

Troisièmement, on lui reproche ses bons rapports avec Israël que les pays de la Ligue arabe se cachent à peine de fréquenter. Ils viennent de faire un pas dans le sens de la normalisation des relations avec cet Etat, en échange d’une application partielle de la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies alors qu’ils avaient toujours rejeté le plan de partage. Autrement dit, après 65 ans et plusieurs guerres, les pays arabes reconnaissent un tout petit peu plus Israël. On ne les fustige ni pour la reconnaissance ni pour le retard.

Avec ou sans leur Ligue qui engage des pourparlers de limace avec l’Etat hébreu, les pays arabes auraient pu faire pression sur la Syrie pour qu’elle engage de vraies réformes et que le changement se fasse sans cette violence. Or, ces pays ne sont pas assez audibles ou crédibles pour concurrencer les puissances sur le terrain. D’ailleurs, si l’un d’eux devenait puissant, aurait-il le même regard et la même position sur tel conflit ? Pas sûr. Comme en Syrie, leurs régimes implosent. Ils sont occupés à se relooker ou à s’entre-déchirer pour la survie, les récentes révélations de scandales économiques dans la presse algérienne en sont une manifestation. Pendant ce temps, beaucoup d’Arabes ressortent les photos de Nasser, partagent du bruit et des slogans sur les réseaux sociaux, et pensent que Bernard-Henri Lévy a persuadé l’Occident de prendre militairement part à leur Printemps. Pauvres de nous.