vendredi 28 juin 2013

Fatwas aux hormones

Après la fatwa pour voiler les filles dès leur naissance, la fatwa pour tuer les chiites, les sunnites, et tous ceux qui sont différents, la fatwa pour le concubinage en période de djihad armé, voici celle sur la licéité de la sodomie pour les besoins des attentas-suicides. Cela permettrait d’élargir le conduit anal, pour pouvoir y insérer des capsules explosives. A observer les mouvements de lèvres du cheikh, il est possible que la vidéo soit un montage comme cela est souvent le cas en ce moment.

Les pays ciblés par les attentats-suicides vont penser à remplacer les scanners corporels par des scanners médicaux, ou alors à généraliser le toucher rectal que pratiquent parfois les Etasuniens à leurs frontières. Sinon, faire boire une potion aux contrôlés pour qu’ils évacuent les capsules éventuelles avec leurs selles. Il ne faudrait pas s’étonner d’entendre, un jour, une fatwa autoriser le mariage homosexuel pour espionner l’ennemi sur une longue durée. Les homosexuels musulmans deviendraient tous des moudjahidine espions.

Plus sérieusement, parmi ces vidéos qui pullulent sur Internet, certaines sont là pour dégoûter les arabophones de l’islam. Elles ont des chances, parmi la majorité qui ne lit pas, ne réfléchit pas, ne critique pas. Dans les maisons de cette majorité, on ne trouve de livres que des classiques religieux achetés pour décorer le living ou pour la baraka.

Que la vidéo soit vraie ou fausse, le sang et le sexe reviennent sans cesse dans les fatwas des wahhabites. Il y a plus d’hormones que de bon sens. Puis, le fait qu’on gobe ces absurdités prouve qu’un minimum d’habileté permet de faire dire ce qu’on veut aux textes sacrés et d’être cru. Les muftis qui captent le plus l’attention sont ceux qui stimulent la passion. Ceux qui défoulent. La qualité de la mise en scène et le talent de l’acteur, comme chez Amrou Khaled qui n’est pas wahhabite, rajoutent au succès. Le gouvernement algérien sait que ce ne sont pas ses imams qui remplissent les mosquées les vendredis mais la peur de l’enfer pour les absents. Dans les années 1990, il a vainement tenté de promouvoir les zaouïas pour contrer les salafistes. Au pays de la laïcité, où les muftis sont censés être financièrement indépendants, hors Cfcm, l’islam des Lumières convainc peu.

A défaut d’une fatwa obligeant les musulmans à cogner sur des punching-balls à leur effigie, il en faudrait une pour les exhorter au multilinguisme et à la lecture. Il n’y en aura pas, bien sûr, cela ouvrirait la porte à une concurrence dangereuse. La solution est dans l’universalité de l’islam. Une universalité qui apportera une variété de langues et de cultures, mais aussi, et surtout, une variété de tempéraments.


Hichem Achi

mercredi 26 juin 2013

L’été des trônes arabes

L’émir du Qatar (61 ans) a cédé son trône à son fils Tamim (33 ans). Décidément, ce prince est atypique. Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani avait pris le pouvoir en déposant son propre père, en 1995. Pareille abdication n’est pas arrivée depuis longtemps dans les monarchies arabes. Possible que ce soit là un choix aussi libre que ceux de Bendjedid et de Zeroual qu’on avait démissionnés de la présidence de la République algérienne, respectivement en 1992 et en 1998. Je doute que Bouteflika apprécie ce qui se passe au Qatar. Hamad était l’alibi qui transforme l’échec de sa politique étrangère de ces dernières années en complot, et l’idée même de l’abdication lui fait sécréter une bile supplémentaire. Du reste, on l’a sans doute prié de faire comme s’il n’en avait pas entendu parler, pour le moment. J’observe le ménagement qui accompagne l’abdication des reines des Pays-Bas et d’Angleterre, cette dernière étant en préparation. Des monarchies constitutionnelles, beaucoup moins influentes sur la vie politique de leurs pays que ne le sont les arabes, proclamées ou non. Dans le passé, les monarques se sont rarement souciés du bonheur de leurs peuples, ce sont les peuples qui leur ont imposé de s’en soucier. Qu’attend le nôtre pour respecter son pays et se faire respecter ?

Loin du Qatar, sauf par les insultes, et à l’approche du ramadan, mois de piété et de compassion exprimées par la hausse des prix, les Algériens se demandent s’ils doivent se payer des vacances ou un couffin plus grand. Les babines seront plus fortes que la transpiration. Puis, à quelle plage aller, puisque les Algériens vont majoritairement à la plage, en été ? Nos plages sont sales sans touristes, parfois chères et pas aménagées malgré les plagistes et les gardiens de parkings qui se sont accaparés le sable et les trottoirs du peuple. Les plages tunisiennes, elles, traditionnellement florissantes d’Algériens, font craindre la baignade voilée, plus surveillée et plus coûteuse que la douche chez soi. En plus de leur loisir estival préféré, selon le sexe : les mariages dans des salles de fêtes pas insonorisées ou les matchs de foot, les Algériens attendent le plus de viandes et de friandises que leur enverra Bouteflika depuis les Invalides. Peu importe si les exportations algériennes ont fléchi de 8,26 % durant les cinq premiers mois de cette année, nous serions la troisième réserve mondiale de gaz de schiste. Mais, à qui vendre ce gaz si quasiment tous les pays en ont chez eux ? A l’opinion publique algérienne, pardi.

Ramadan ou pas, beaucoup louent Bouteflika, peu voient que Nelson Mandela se fait soigner dans son pays et encourage ses compatriotes à produire pour être la première économie d’Afrique. Beaucoup sont contents qu’Arnold Schwarzenegger implante l’Ong écologiste R20 en Algérie, peu voient que rares sont les usines algériennes qui fument encore et que Renault Algérie sera peut-être écologique mais peu contribuable. Beaucoup abandonnent leurs postes de travail pour suivre les éliminatoires du mondial de foot, peu entendent les Brésiliens hurler, dans la rue, que l’évènement leur coûte trop cher. Beaucoup dénoncent un Occident qui sème la zizanie entre sunnites et chiites, en Irak, en Syrie et ailleurs, peu voient que sunnites et chiites n’attendent personne pour s’exclure, s’entre-tuer ou se lyncher, comme maintenant en Egypte.

Cela fait beaucoup de critiques, je sais. Le problème n’est pas dans leur nombre, il est dans le fait que ce qui est critiqué est le plus souvent le fruit de nos attitudes. Alors, au marché ou à la plage, n’espérons pas de baisse tant que nous n’aurons pas élevé notre esprit et nos aspirations.


Hichem Achi

vendredi 21 juin 2013

Les Algériens, leurs élus, leurs oulémas.

En Algérie, des candidats à la présidence de la République bougent et on essaie de les discréditer ou de les booster. Les amateurs de restes de votes et de festins attendent de connaître le candidat du système pour faire, contre lui, une campagne volontairement faible pour le montrer fort. Ou alors pour dire qu’ils ne peuvent pas être candidats car celui du système est, comme ses prédécesseurs, le seul sauveur possible du pays.

Pourquoi le président de la République ne se déclare-t-il pas lui-même dans l’incapacité d’assumer ses fonctions ? Est-ce un fol espoir de quatrième mandat ou une persuasion accompagnée de gâteaux au miel, aux Invalides ? Il sait que, quelles qu’aient été ses promesses et ses réalisations, son bilan est un échec.

L’Association des oulémas algériens ne parle pas de la situation politique dans son pays. Pourtant, est éminemment politique sa présence au Caire, le 13 juin 2013, pour établir la position de la Ligue des oulémas musulmans sur la question syrienne. Quoi qu’il en fut, elle a bien fait d’y aller, la chaise vide aurait pu être occupée par nos salafistes religieux et suggérer à nos salafistes politiciens un gouvernement parallèle. Elle a bien fait de ne pas être d’accord pour l’exclusion des oulémas chiites. Elle a bien fait de ne pas appeler les non-syriens au djihad contre Bachar el-Assad. Mais, pourquoi ne demande-t-elle pas à l’Assemblée algérienne de prendre ses responsabilités ? Son deux poids, deux mesures, montre que, comme dans les autres pays musulmans, nos officiels oulémas sont au service du politique. J'ai du mal à croire que cette allégeance est sans contrepartie. Les musulmans doivent arrêter de regarder aux avis et fatwas des oulémas d’ici et d’ailleurs, le temps où la science ne s’acquérait qu’en se déplaçant au péril de sa vie est révolu.

Entre affaiblis et renforcés par l’incapacité de Bouteflika, les deux solutions présentent des inconvénients. En organisant des élections on risque d’être écarté du pouvoir, en se passant d’élections on risque de provoquer un Printemps algérien. Se passer d’élections tout en évitant le Printemps n’est pas impossible, cependant, et c’est ce vers quoi nous mène la léthargie de l’Assemblée. La déliquescence et le ras-le-bol général, qui s’installent, justifieraient cette « solution ». D’autres éléments aideraient à la justifier ou à l’adoucir, comme la présence d’Aqmi au Sud du pays, ou le rassemblement des partis islamistes à Sidi Fredj, le 14 juin 2013, brèche éventuelle pour l’engouffrement du Fis relooké.

Que faire ?

Appeler l’armée à intervenir, comme a eu tort de le faire Mohamed Mechati, est anticonstitutionnel. Appeler Bouteflika à reprendre ses fonctions est une sottise. Sortir dans la rue ouvrirait la voie au chaos. Ce qu’il faut faire, c’est appeler l’Assemblée à prendre ses responsabilités, en déclarant l’état d’empêchement du président. Le pays est dans un tournant dont la signalisation est cachée par le pessimisme général et occultée par le calcul politique. Les Algériens pourraient faire la différence en faisant la révolution. Pas celle à laquelle les avait conviés Karl Marx, ni celle de la décennie noire. Celle où les ennemis sont l’égoïsme, le je-m’en-foutisme et le fatalisme. Le veulent-ils ? C’est la question qui fera d'eux une population ou une nation.


Hichem Achi

dimanche 16 juin 2013

Le transgenre au chevet du genre humain

A partir du 1er juillet 2013, l’Australie ajoutera une case sur ses passeports, devant les traditionnelles H et F (Homme ; Femme). Ce sera un X. La cour de Canberra l’a décidé à partir du cas d’un citoyen devenu ni homme ni femme, après avoir arrêté le traitement hormonal qu’il suivait depuis trente ans. Il y a des personnes qui présentent des anomalies génétiques, la médecine en juge et en traite. Pour les autres, le changement de sexe se simplifie administrativement et complique autrement.

La théorie du genre (gender) ne date pas d’hier et des dispositions liées arrivent. La cour suprême du Népal vient d’ordonner au gouvernement d’ajouter une catégorie « transgenre » aux passeports, par exemple. Dans les écoles maternelles suédoises, on donne des voitures aux filles et des poupées aux garçons et, respectivement, des gobelets bleus et roses. Après les anglo-saxon, les programmes scolaires français vont inclure la théorie du genre. On ne peut pas s’empêcher de faire le lien avec le mariage homosexuel, autorisé dans de plus en plus de pays, et les revendications qui le suivent. Si personne ne peut dire exactement sur quoi tout cela débouchera, on peut d’ores et déjà imaginer, satiriquement ou non, quelques chamboulements.

Avant qu’il ne soit reconnu en sport, le transgenre n’aura pas besoin de se doper, juste à s’inscrire parmi les femmes et à viser la barre des hommes. Le transgenre généralisera l’article neutre dans les langues ; il terminera par des voyelles tous les prénoms masculins et élidera les féminins ; il créera des emplois chez les chirurgiens esthétiques et les couturiers qui classeront rétro Jean-Paul Gaultier ; il fera fondre les canons de la beauté en disant De Vinci précurseur et l’ambiguïté de la Joconde enfin expliquée ; il transformera les pin-up en papier vintage, pour cadeaux discrets, après la plainte portée contre une chaîne française de supermarchés, pour publicité montrant une famille « classique ».

Le transgenre pourra vendre son sperme et louer son utérus à la fois. Mais il pourra être non procréatif et il y aurait moins de monde sur Terre que prévu. Il paraît qu’il y en aura 9 milliards en 2050. Heureusement que les Algériens stagneront autour de 55 millions entre 2050 et 2100. Avec leur démographie actuelle et seulement deux sexes, ils ne passent déjà inaperçus nulle part. Peut-être que le transgenre rééquilibrera leurs chances à l’embauche et au mariage, et qu’il permettra de voyager sans autorisation patriarcale et sans justifier de service militaire. Les Norvégiens s’en fichent, eux qui vont étendre le service militaire aux femmes, en temps de paix.

Une chose ne se crée que pour combler un vide et, sur ce sujet, le vide est le triomphe de l’individu sur la collectivité. Un thème dont se saisit la religion, même si elle produit la morale moins qu'elle la prêche. Dans le futur, faute de place sur les passeports et dans les esprits, on proposera sûrement de supprimer la case du sexe. Peu importe qu’on soit né sous X ou qu’on vive sous X, l’essentiel est d’être reconnu humain ou en voie de devenir Ogm. On sera libre d’épouser qui on veut ou ce qu’on veut. Tant qu’on acceptera le fichage biométrique et qu’on dépensera son argent pour les actionnaires de la planète, on sera ex-citoyen ou « citoyex » modèle.


Hichem Achi

vendredi 14 juin 2013

Le massif préélectoral

Un sondage des intentions de vote, pour les prochaines élections présidentielles algériennes, a été réalisé en ligne, par Jeune Afrique, entre le 3 et le 12 juin 2013. Je m’interroge sur sa commande, sa fiabilité et son interprétation. Néanmoins, il est possible d’en tirer des choses.

D’après les sondeurs, il y aurait eu fraude en faveur du candidat du Msp (Mouvement pour la société de la paix). Le fait que les internautes fraudeurs se trouvent aux Etats-Unis n’étonne pas, ce pays nous conseille bien l’islamisme en nous donnant les exemples, tunisien, égyptien et libyen. Le Msp n’a pas de candidat de taille et son ancien président a pris trop de kilos, une fois devenu ministre, pour rester crédible. Dans les trois premières positions, le sondage donne Ali Benflis (87 %), Ahmed Benbitour (2 %) et Abderrezak Mokri du Msp (1 %). Quel que soit le degré de fiabilité de ce sondage, ce score de 87 % retient l’attention.

Si ce score est fiable, il voudrait dire que les Algériens aiment toujours ce qui est massif. Benbitour l’intègre a démissionné de son poste de Premier ministre en 2000, et il est déjà sur le terrain avec des propositions. Seuls 2 % l’auraient remarqué ? Benflis s’était classé deuxième en 1994, avec 6,42 %. Comment expliquer qu’il ait obtenu 87 %, alors qu’il se prépare dans le secret et qu’on ne connaît rien de son programme ?

Après la fraude, ce sont l’idéologie et les promesses, même irréalisables, qui ramènent le plus de voix. Beaucoup plus que le détail des programmes. De fait, durant les émissions télévisées des premiers temps du multipartisme, peu de questions étaient techniquement embarrassantes. Depuis, les candidats ne sont plus embarrassés et font somnoler ceux qui les regardent. La biométrie pourrait aider à contrôler les listes des électeurs, mais rien ne vaut la conscience et la vigilance.

Dans les scrutins à deux tours, on est censé choisir au premier et éliminer au deuxième. Les Algériens éliminent dès le premier tour. C’est le caractère du prédisposé à l’extrémisme, de celui qui donne le tout et ne nuance pas, qui interdit et ne tolère pas, et ce caractère se ressent dans les rapports sociétaux. On se rappelle des législatives de 1991 où, au premier tour, ils avaient voté pour le Fis (aujourd’hui dissous). Même si on ne peut pas se fier totalement aux scores finaux, la tendance était palpable dans la rue et le vote étonne par son taux (81,38 %) plus que par la volonté de sanctionner le régime de l’époque. Eliminer dès le premier tour a pour inconvénient de ne pas permettre aux candidats de se positionner réellement entre deux élections, alors qu’ils en ont besoin pour établir leurs tactiques à venir.

Si, par contre, le score de 87 % est l’œuvre des fraudeurs officiels, il voudrait dire deux choses. D’une, que ces fraudeurs savent que le peuple aime les scores lourds et ils ne se priveront pas de lui en servir. De deux, que ces fraudeurs miseraient sur Benflis, ce qui ne ferait pas nécessairement de lui le candidat du régime. Le candidat du régime c’est celui que soutiendront les syndicats, les organisations nationales et les partis satellites. En attendant de découvrir qui sera le héros du prochain vaudeville électoral, je ne sais pas si j’irai voter. Je cautionnerais le régime ou l’esprit populaire. Peut-être les deux. Les deux à la fois, c’est ça le véritable système.


Hichem Achi

jeudi 13 juin 2013

La rue et l’empêchement de Bouteflika

Le ministère de la Défense vient de communiquer, après que Mohamed Mechati ait appelé l’armée à intervenir. Mechati est l’un des derniers en vie du groupe des 22, qui avait décidé de déclencher la révolution de 1954. L’armée ne destituera pas le président de la République. Tant mieux. Le président de l’Apn (Assemblée), lui, estime qu’il n’y a pas de justificatif valable pour appliquer l’article 88 de la Constitution et que la rue ne le réclame pas. Curieux que l’Assemblée dise être à l’écoute de la rue alors que, d’habitude, elle lui fait la sourde oreille. Les paraboles orientées vers Paris doivent faire mieux ouïr. De toute façon, la rue attend le retour de Bouteflika à ses fonctions mais n’y croit pas vraiment. Les images que la télévision algérienne en a diffusées hier, depuis l’hôpital des Invalides, ont montré un président très affaibli, qui bougeait peu les lèvres et pas du tout le bras gauche. Il est difficile de croire qu’il a réellement examiné les dossiers en cours.

Les institutions civiles gagnent du temps, tergiversent ou attendent de voir dans quelle direction va tourner le vent. La solution n’est pas dans la tergiversation ou dans un bulletin de santé présidentielle, plus clair que celui qui a été publié. D’ailleurs, les médecins réécriraient ce bulletin aussi illisiblement qu’ils rédigent leurs ordonnances. Dans la rue, on ressort qu’Abdelkader Bensalah, président du Cn (Conseil de la nation, dit sénat) ne pourrait pas être intérimaire du président de la République. Pour cause, la loi exige que le chef de l’Etat soit Algérien de naissance, alors que Bensalah (né en 1941) ne serait devenu Algérien qu’en 1965.

Bensalah est énigmatique, par sa biographie strictement professionnelle en dépit des doutes. Toutefois, il est invraisemblable qu’il ait tu sa supposée origine marocaine et que Bouteflika l’ait laissé présider le Cn. Comme si Bouteflika voulait devenir indispensable jusqu’après son départ. Indispensable, la rue semble dire qu’il l’est, en scrutant l’horizon. Et les autres, pourquoi n’auraient-ils rien dit ? Enfin, si c’était vraiment le cas, Bensalah pourrait démissionner de la présidence du Cn, au profit d’un Algérien de naissance qui assurerait l’intérim à la tête de l’Etat. Quoi qu’on dise ou spécule, les élections présidentielles anticipées sont la solution.

Ironiquement, Bensalah serait né Marocain près de Tlemcen, alors que Bouteflika est né Algérien près de Oujda. L’incertitude des frontières aurait alors compliqué l’imbroglio. En tout cas, au lieu d’inspirer la souhaitable paix entre les deux pays, la proximité historique de Bouteflika avec le Maroc aura fait jouir ou souffrir de monarchie multi-quinquennale. Sans couronne et sans prix Nobel de la paix, on aura intronisé le président de la République avec des burnous régionaux et autant de courbettes. Sans sujets pas de roi, sans roi pas de cour. Libre à chacun de faire le baisemain là où il veut. Au-dessus de rue et cour, le ciel est plus beau.

Hichem Achi

mercredi 12 juin 2013

Promesse de ripaille au halal des Invalides



Bouteflika est très malade mais vivant, on l’a vu aujourd'hui, s’entretenir aux Invalides, à Paris, avec le Premier ministre le chef d’état-major algériens.

Première observation, sa robe de chambre est sombre, comme les costumes de ses deux visiteurs. Le fond et le mobilier sont également sombres. Je regarde les porcelaines, à l’arrière-plan de la pièce où ils sont assis, et je me réjouis de ne pas y voir un vase de Soissons, la symbolique aurait rajouté du cassant à la situation. Quel spécialiste en communication a conseillé ces tons vestimentaires qui siéent à la gravité mais pas à l’augure ? Peut-être que nos meilleurs en communication sont installés en France. Mais alors, pourquoi ne pas les avoir consultés sur place puisque l’entretien a eu lieu à Paris ? Non, si la sollicitation était une question de distance, l’Algérie les aurait consultés pendant qu’ils étaient dans leur pays.

Deuxième observation, un président qui donne des instructions depuis l’étranger donne l’image d’une présidence provisoire. Cela me rappelle le gouvernement provisoire algérien le (Gpra), écarté en 1962 par les militaires. Malgré les conditions différentes, l’expérience acquise, dans les procédés, dit que la mise à l'écart pourrait continuer.

Mourad Medelci, ministre des Affaires Etrangères, disait il y a quelques jours que Bouteflika donnait des instructions par téléphone, surtout concernant l’approvisionnement du pays en denrées pour le ramadan. J’ai presque une overdose de nourriture en voyant comment le président conforte les Algériens dans leur stomacale piété. Marine Le Pen s’est étonnée, à juste titre d’ailleurs, que le président algérien se fasse soigner en France. Après ce qu’a dit Medelci, elle invitera elle-même le président algérien à venir chaque année juste avant le ramadan. Comme ça, elle videra son pays des produits halal. Et si nos estomacs se surpassent, elle pourra même puiser dans les cantines scolaires françaises et faire taire les parents d’élèves musulmans. Il n’y a pas que les estomacs qui affichent le trop-plein pendant le ramadan, les poubelles aussi. Or, nos sacs-poubelles sont souvent des sacs en plastique tout court. Le Premier ministre veut interdire les sacs en plastique et, en même temps, rendre le pays plus propre. Je présume qu’il a prévu quelque chose à la place et j’aimerais savoir si ce quelque chose sera fabriqué ici ou importé.

Des Algériens attendent le retour du messie Bouteflika, en oubliant qu’il nous a fait dégringoler dans tous les classements mondiaux. Il y en a qui espèrent le voir briguer un quatrième mandat ou un mandat à vie. Ceux qui savent n’attendent pas, dont Zeroual qui refuse toujours d’assurer la transition jusqu’aux élections présidentielles. Parallèlement aux candidats inexpérimentés ou de remplissage, il y a sûrement ou éventuellement Belkhadem, Benbitour, Benflis, Hamrouche, Ouyahia et Sellal. Ils ont tous été Premiers ministres ou chefs de gouvernement. Et si Sellal continuait à gérer les affaires courantes en attendant que soient organisées des élections anticipées ? Ce serait la solution constitutionnelle. Ce serait aussi celle qui m’éviterait de penser que les monarchistes votants ont raison et que j’ai tort d’être né à l’Est.

Hichem Achi

mardi 11 juin 2013

Ecouter ou être écouté




Après le Projet Echelon, voici Prism. Un programme secret étasunien, permettant d’intercepter les communications d'internautes étrangers se trouvant hors des Etats-Unis. Commencé en 2007, Prism permet à la NSA et au FBI d’accéder aux serveurs de neuf géants nationaux de l’Internet, dont Facebook, Google, Microsoft et Yahoo!, d’après The Washington Post et le quotidien britannique The Guardian. AOL, Apple, Paltalk, Skype et Youtube y participeraient aussi. Les mis en cause réfutent et nuancent, on ne révèlerait que ce à quoi la loi autorise.

 

En Europe on s’inquiète, on n’a pas oublié comment les écoutes ont raflé des marchés sous le nez d’Airbus. Les écoutes pourraient rafler plus que des marchés économiques, en l’occurrence. Rattrapera-t-on les écoutes en étant à l’écoute ? L’avenir le dira.


Ce n’est pas parce que le FBI et la NSA espionnent qu’on doit ne plus communiquer. On verrait plus de flou à travers les écrans. La communication entre internautes du monde est une bonne chose même si, en circulant, l’information s’amplifie et peut se mal interpréter ou intoxiquer. Je ne sais pas pourquoi les réseaux sociaux me font penser à la bataille entre partisans du Printemps algérien et partisans de son hiver interminable. Ne soutenant ni les uns ni les autres, je trouve l’actuel régime moins mauvais qu’un remplaçant qui voilerait les corps et les cerveaux en plus des esprits. Possible que les Algériens se retiennent car tétanisés par le souvenir de la décennie noire. Mais, qui a dit qu’un obus ne tombe jamais deux fois au même endroit ?

Ce programme Prism me rappelle l’ancienne Première dame roumaine, Elena Ceausescu, qui passait son temps à écouter les conversations téléphoniques intimes de ses sujets. Moralité de sa fin en 1989 : il y a plus de longévité à écouter qu’à mettre sur écoute.

Hichem Achi

dimanche 9 juin 2013

Le malaise de la mémoire algérienne



Les institutions symboles de l’Etat algérien fonctionnent mal ou ne fonctionnent pas. Or, elles sont l’Etat. Donc l’Etat fonctionne mal ou ne fonctionne pas. Si, au baccalauréat 2013, des candidats ont agressé des surveillants qui ne voulaient pas les laisser frauder, les autres surveillants voient la fraude et ferment les yeux, par peur ou par complicité. A l’état civil, les nombreuses erreurs font réagir le Premier ministre qui sait que les fonctionnaires font semblant de l’écouter. Durant l’opération de recopiage de registres d’état civil usés, des scribes auraient déchiré et jeté des pages entières pour aller plus vite. Dans l’éducation, ceux qui ont échoué dans leurs études enseignent et se joignent à leurs collègues qui font payer aux élèves des cours particuliers obligatoires, sous menace de saper leur scolarité. A l’Université, les cursus se notent au coup de pouce, au dinar ou au cuissage. Pire, on peut étudier à l’Université, y enseigner et en devenir administrateur, le tout sans baccalauréat. Le diplôme a peu de valeur et n’ouvre droit qu’au chômage pour les non pistonnés. Le président de la République se fait soigner chez ceux qui ont colonisé son pays, pendant que les hôpitaux de son pays, plus délabrés qu’avant, tuent les malades et révoltent les personnels médicaux.

Je n’arriverai pas à rendre exhaustive la liste de ce qui ne va pas. J’arrive à répartir les responsabilités en voyant des Algériens donner des pots-de-vin pour aller faire le pèlerinage à la Mecque, alors que ce pèlerinage est facultatif et que l’islam damne le corrupteur avant le corrompu.

Le plus grave dans ce pré-chaos c’est sa banalisation et l’impunité de ceux qui en sont à l’origine. Avec leurs comportements, les Algériens ont assis le contre-Etat et sont en train d’asseoir la non-société. La distribution de gouttes de pétrole, aux plus tapageurs d’entre eux, permet de contenir le vase de déborder. Pour le moment. Après, on se posera les questions qu’on évite maintenant. On se pose un peu la question du où va-t-on. On se pose beaucoup celle de pourquoi la révolution si c’est pour aboutir à la situation d’aujourd’hui. Mais il y en a qu’on ne pose pas, par peur ou par honte. Pourtant, on y répond déjà en disant que la gestion était meilleure avant l’indépendance. On y répond en préférant ce qu’a bâti la France à ce qu’a bâti l’Algérie indépendante. On y répond avec des ex-ministres algériens qui s’installent en France. On y répond en s’installant chez l’ex-colonisateur et en demandant à devenir son compatriote. Qu’ils sont ridicules, ces Algériens qui n’en parlent pas sous prétexte de ne laver le linge sale qu’en famille. Comme si les Français ne s’étaient pas aperçus des flux de déçus qui leurs arrivent.

Je regarde les souffrances que les Algériens ont endurées pendant la colonisation française, et avant, les sacrifices qu’ils ont consentis pendant la révolution de 1954, la morale de l’islam qu’ils contredisent au quotidien. Je regarde tout cela et je me demande ce qu’il faudrait pour qu’ils arrêtent de saborder leur pays de manière plus durable que ne l’a fait le terrorisme.

L’Emir Abdelkader, considéré, à tort ou à raison, comme le fondateur de l’Etat algérien, a accepté d’être médaillé par la France. Le mouvement des Jeunes Algériens comptait des assimilationnistes. Messali Hadj, père du nationalisme algérien, a opté pour la lutte politique. L’imam Benbadis n’a jamais explicitement appelé à l’indépendance et a été pour l’assimilation. Ferhat Abbas, président du Gpra (Gouvernement provisoire algérien), a également été pour l’assimilation. Malek Bennabi a dit que les Algériens sont colonisables. Avaient-ils tort ou raison, eux et les innombrables méconnus Algériens qui étaient de leur avis ? Le problème n’est pas de savoir s’il fallait se battre contre la tyrannie, il est de savoir comment fallait-il le faire et qu’aurait-il fallu faire après. La décolonisation a-t-elle été trop rapide ? Les Algériens veulent-ils vraiment se prendre en main ? On n’a quasiment pas débattu des deux premières questions et, à la troisième, on répond unanimement par discours officiel ou par vœu pieux. Dans cette dernière réponse, le plus décontenançant est que chacun sait la démagogie de l’autre.

D’autres questions peuvent être posées, mais le malaise de l’Algérien se tapit précisément dans celles-ci. Ne pouvant ni s’en extirper ni partir, en France en premier lieu, il le fait payer aux autres Algériens. Je vois là une explication à la « hogra » (mépris ; abus de pouvoir) dont se plaignent les Algériens et qu’ils reprochent à tous les responsables confondus. L’accès à la responsabilité hiérarchique ne génère pas la hogra, il lui permet de se manifester alors qu’elle était latente. Les Algériens ne fuient pas l’Algérie, ils se fuient les uns les autres, ils se fuient donc eux-mêmes. Le nécessaire travail de réconciliation avec leur mémoire ne sera pas initié par le régime, ce dernier a intérêt à l’étouffer pour garder l’exclusivité à sa version de l’Histoire, à sa version du savoir-faire. Ce travail doit être fait par les intellectuels pour que suive la société civile qui en naîtra.

Je reviens à ce qui va mal et qui retient le plus l’attention en ce moment. Il me semble vite dit qu’il n’y a que l’armée qui peut assurer la transition, avec Liamine Zeroual, en attendant les présidentielles de 2014 ou plus loin. Oui, la préemption du militaire sur le civil dure depuis plus d’un demi-siècle et elle ne peut s’arrêter brutalement. Oui, Bouteflika a fait des mécontents dans l’armée en s’accaparant les pouvoirs. Oui, la situation requiert la vigilance de l’armée. Malgré tout cela, cette armée est aujourd’hui interpellée par une situation à l’issue de laquelle elle pourrait gagner le meilleur, le respect par temps de paix. Le profond, pas celui qu’on lui témoigne par crainte. Là, elle aurait l’adhésion de tout un peuple, plus que ce que pourrait recueillir un président. La seule façon républicaine d’être indétrônable.

Hichem Achi

mercredi 5 juin 2013

Quel modèle pour l’Algérie ?


Laissons de côté les raisons de la colère des Turcs de la place Taksim et d’ailleurs. Ni le ralentissement de leur croissance économique (8,8%, 2,2% et 3,1% entre 2011 et 2013), ni les conditions de modernisation de vieux quartiers d’Istanbul, ni la privatisation d’espaces publics, ni la promotion du voile dit islamique, n’en font un Printemps turc.

La laïcité de la Turquie est intéressante à regarder. D’abord parce qu’elle lui a fait essayer les antipodes, après le califat. Puis, parce que sa non-arabité en fait un modèle d’islam républicain autre que celui des pays arabes, nonobstant ses rapports avec Israël. Pas le seul modèle, un exemple. En regardant ce que fait Erdogan, on confirme qu’en l’absence de contrepoids, le plus tolérant peut imprégner de rudesse sa vertu. On en apprend que le triptyque islam-république-démocratie n’est pas encore totalement fonctionnel. Sans doute a-t-il besoin de temps et de débat. L’arrivée de l’AKP au pouvoir prouve que la laïcité turque ne montrera pas comment interdire les partis islamistes. Heureusement pour le respect des affinités des Algériens et malheureusement au regard de cet islamisme qui nous revient poussé par l’Atlantique. Beaucoup d’Algériens ont sauté sur la venue d’Erdogan en l’Algérie, le 4 juin 2013, pour le fustiger encore sur son attitude lors du conflit syrien. Le régime d’El-Assad reste moins mauvais que celui des salafistes mais il faut arrêter de le soutenir inconditionnellement, pour qu’il parte le plus tôt possible et que la guerre dure le moins longtemps possible. Il faut penser aux insurgés syriens, ceux que les djihadistes abandonneront une fois repartis chez eux, et qui subiraient des représailles.

Revenons ici. Avec Ben Bella et Boumediene, les modèles étaient inspirés de pays de l’Est ou du bloc de l’Est, pour les raisons connues. Or, ces pays ne sont plus des modèles, de par leurs situations politiques, économiques et sociales. Après ces deux présidents, les Algériens regardent dans des directions diverses, selon la langue dans laquelle ils lisent ou lorgnent. Cette divergence est peu discutée parce qu’elle divise et colle l’étiquette de « hizb frança », de mécréant ou d’obscurantiste. Pour disposer de recul par rapport à ces visions, il faut se libérer du monolinguisme et des préjugés. Si Istanbul a été l’Orient vers lequel étaient tournées les cartes géographiques, nous sommes l’Orient et l’Occident et cela se voit rien qu’à notre diglossie.

Dans l’impasse du moment, Bouteflika ne pourra plus assumer ses fonctions et on fait patienter les Algériens avec une communication désolante et des cadeaux aux plus râleurs. Entre-temps, on essaie de persuader Zeroual (né en 1941) d’assurer la transition, sans succès pour le moment. Il est intègre aux yeux du peuple, il a été élu avec un taux moins princier que les autres (61,3%, en 1994), il est le plus politiquement consensuel, et il est décrit, à présent, comme celui qui a vaincu le terrorisme et qui en a laissé les honneurs à son successeur. Annoncée par qui semblent être bien informés, cette transition d’une à deux années pourrait repousser les élections présidentielles à 2015, au lieu de 2014 où elles devraient se tenir. Le délai constitutionnel de deux mois, durant lequel le Sénat gère, est court pour organiser des élections sérieuses, long pour la vacuité du siège. Une autre question se pose, en attendant que soit créé le poste de vice-président ou autre, et que soit traitée la légalité de cette proposée transition. Zeroual refuse-t-il d’assurer la transition ou refuse-t-il autre chose ?

Une génération de politiciens est en train de se terminer et il faut que se termine avec elle la dangereuse concentration des pouvoirs. Il est temps de refaire notre pluralisme politique, pour qu’aucun politicien ne dirige un parti depuis l’exil et pour qu’aucune opposition ne soutienne le candidat du parti au pouvoir. Il est également temps de réfléchir à un système plus démocratique, plus tolérant envers les différences, orienté vers un islam des Lumières. Peu importe qu’un système soit désigné par un nom usité ou par un néologisme. Le plus important est que ce système parte de la réalité et s’oriente vers l’intérêt collectif.


Hichem Achi

lundi 3 juin 2013

Pour délester il faut lâcher du lest


A quoi font penser les enquêtes de l’Algérie sur la corruption et ses annonces de réformes intérieures ? Réponse : A un régime de système qui s’agite pour sa survie.

Des soucis sécuritaires, à la plupart de nos frontières terrestres, accompagnent cette agitation. Il serait impensable que l’Algérie reste inerte alors que d'autres, dont le Maroc, courtisent l’Afrique. La récente annulation, par l’Algérie, de 902 millions de dollars de dettes africaines rentre dans ce cadre, et ce n’est pas la première fois. A quelle proportion ces aides bénéficieront-elles aux peuples des pays concernés ? Là est la question des aides. Idéalement, l’Afrique rapatrierait les 1000 milliards de dollars qui auraient été illicitement transférés et déposés dans des banques européennes. Si j’étais gouverneur de la Banque centrale européenne, je ferais en sorte de priver les dépositaires de cet argent et je leur remettrais, à la place, la pièce de 1000 milliards de dollars de Barack Obama. Là, elle n’occasionnerait aucun dégât, au contraire. Toujours sur l’Afrique, je pense au Sahel où les QG terroristes sont introuvables par drones et satellites. Je me demande où se trouve leur argent, sur lequel leurs demandes de rançons donnent une idée. Ils doivent avoir inventé la banque ambulante et la parade à la lutte contre les paradis fiscaux. Pour l’Algérie, la tension est aux quatre coins cardinaux.

En parlant de cardinaux, j’en imagine ici plus d’un, de Riche-lieu, qui usent de rouerie. Comme sur un navire volant dont une pièce Du-mât pair serait cassée mais jouable. Pour gagner, le mousse-que-terre, qui n’est pas nécessairement gentil-homme, doit réaliser un décor printanier, distraire le public, distribuer gratuitement quelques amuse-gueules et estoquer quelques compagnons. Je me réveille et je constate que le système ne garantit pas la fixité du poste et qu’il arrive que l’immunité soit lâchée avec du lest.

En dehors de cela, le front d’agitation s’étire du Sud au Nord et le voyage continue pour ceux qui se sont fait la valise avec notre argent comme pour les enquêteurs. Air Algérie y participe sûrement, en attendant qu’elle quitte le palmarès des vingt plus mauvaises compagnies aériennes au monde ou que son personnel arrête de calculer son salaire en euros. Le prétexte serait que la responsabilité est grande concernant la vie des passagers. Mourir en altitude serait moins dangereux que mourir dans un hôpital délabré, alors. En tout cas, c’est moins douloureux et moins long que de mourir de désespoir, appuyé contre un mur.

A l’intérieur du pays et après les entreprises publiques, les services de sécurité s’intéressent aux walis. Je ne m’arrête pas à la volonté affichée de combattre la corruption, c’est une pilule à la posologie qui préserve sa tête à notre ténia. On veut nous faire croire que les irrégularités dans l’attribution du logement social préoccupent en haut lieu. C'est-à-dire que ça va changer. On se doute bien que seuls des noms changeront et qu’il ne sera pas distribué plus équitablement qu’avant. Le plus important c’est que les gens y croient. Or, ils n’y croient pas et, là, il y a matière à s’étonner. Les Algériens n’y croient pas mais assistent silencieusement au simulacre. Alors, soit ils sont morts, avant ou après la décennie noire, soit ils s’accommodent des règles actuelles de distribution. Ils seraient donc eux-mêmes le système. A propos, on revend les pas-de-porte des logements sociaux, en Algérie. Ceci pour dire que tout s’y vend et pour donner une idée de comment on y conserve le patrimoine immobilier public. Le fait reproché au wali d’Oran, d’avoir fait passer Djamel Debbouze par le salon d’honneur de l’aéroport alors qu’il n’y ouvrirait pas droit, est un prétexte, on l’aura compris. Puis, les wilayas ne sont pas les seules collectivités où il y aurait de l’abus. Pour les collectivités locales, il faudrait une brigade spécialement formée, outillée, indépendante et résistante à la pression. Une gageure, donc. Le seul moyen qu’aurait cette brigade d’éviter les écueils c’est d’être transparente. Pas comme cette « police parallèle » dont on n’a entendu parler qu’une fois dissoute, ces derniers jours, et dont l’opacité ne semble pas inquiéter les représentants du peuple. Il est su que, quelle que soit la force d’un régime, le peuple lui fait toujours peur. Seulement, est-ce du peuple que le régime a le plus peur ?

Le va-et-vient entre le Nord et le Sud laisse également le temps au gouvernement de dire que les hydrocarbures nord-américains ne nous déclasserons pas. Ça me rappelle la mosquée Emir Abdelkader (Constantine) qui devait être la plus grande d’Afrique et qui avait été déclassée par la mosquée Hassan II (Casablanca), entamée après la nôtre et achevée avant. L’Algérie ne désarme pas pour autant. La prochaine plus grande mosquée d’Afrique est programmée à Alger au coût de plus de 1,3 milliards de dollars. Elle sera peut-être battue à plate couture mais qu’importe, un autre mégaprojet démesuré permettra de détourner les regards et les deniers. Pour le moment, nos législateurs pensent à réviser des articles de la Constitution et s’arrêtent de compter au 87, pendant que des Algériens guettent Bouteflika avec anathèmes ou lauriers. D’autres souhaitent de la chance aux 555 694 candidats au baccalauréat 2013, les encourageant, sans s’en rendre compte, à se leurrer de diplômes et à chômer.

Je ne veux pas de Printemps arabe parce qu’il remplacerait des corrompus par des affamés. Je crois à la vigilance et à la critique. Je m’adresse à la conscience qui sommeille en ceux que la cupidité aveugle, en sachant qu’il y a de l’humain dans le carriérisme et que la raréfaction de la probité justifie le pragmatisme. Je continue à jeter mon grain de sel pour que le grincement de l’engrenage donne envie d’améliorer et de réparer.


Hichem Achi

samedi 1 juin 2013

Le calendrier des dindons


Ce 1er juin est la Journée internationale de l’enfance. D’autres journées sont fêtées en Algérie, on y fait la fête le plus souvent aux plus ignorés. Curieux que cette journée soit dite internationale, alors que les pays la fêtent à des dates différentes. Peut-être être pour dire que l’égalité en droits est une question de climat. L’Algérie le fait le 1er juin, c’est-à-dire à la date instaurée par l’ancien bloc soviétique. C’est que l’Algérie a des enfants non-alignés, derrière un Rideau moins ferreux mais plus tenace. A ce rythme, nous aurons bientôt finalisé notre calendrier des dindons. Mais, attention, des saints y figurent déjà, garnis d’historicité ou de puissance du jour. Ce sera une farce.

Au fait, si nous dédions chaque jour de l’année à quelque chose, que ferons-nous du quart de jour restant ? Nous pourrions le consacrer aux natifs du 29 février. Khaled viendrait chanter à son anniversaire et rappeler de prendre soin du pays. On le raccompagnerait à l’aéroport en déplorant de ne pas être né un 29 février, et en se demandant pourquoi les enfants ne sont plus studieux.

Avec ma sympathie aux associations qui se consacrent aux enfants, je mesure le courage et la folie de ceux qui enfantent encore en ne sachant quels taux de droiture et d’hypocrisie ils inculqueront.


Hichem Achi