dimanche 23 décembre 2012

Un crocodile, ça eut trompé, avant la fin du monde


Les Algériens regardent la France de plusieurs façons.

Certains, rares mais pas chers, auraient aimé que tout revienne à avant 1962 et que rien ne change. Ils considèrent que le départ de la France est abandon de progéniture.



D’autres auraient aimé que l’issue soit différente, à des nuances près.

D’autres encore aimeraient que les relations repartent sur des bases de respect mutuel, pour des échanges moins passionnés et plus fructueux. Ceux-là doivent comprendre que le respect se gagne et ne se donne pas, notamment en rejetant civiquement ceux qui nous représentent mal, y compris et d’abord parmi notre masse intra et extra-muros.

En regardant cette photo (ci-dessous) prise lors de la visite de François Hollande en Algérie, en cette fin décembre 2012, je me demande si ces personnes ne veulent pas simplement un allègement des formalités, pour des raisons professionnelles ou médicales, par exemple. Si les apparences sont souvent trompeuses, celles algériennes le sont le plus souvent. Elles le sont depuis un demi-siècle ou plus. Mais qui donc cela trompe-t-il encore ?



Je déplore que ces personnes qui ont demandé la suppression des visas n’aient pas eu l’occasion de s’expliquer. Je déplore que l’élu au baisemain ait eu, lui, l’occasion de s’expliquer et qu’il pourrait refaire le baisemain pour être réélu ou vice-versa.



La visite du président français aura montré ou rappelé des choses. Dont :

  • Si notre cadre de vie urbain doit se refaire une beauté pour les visiteurs, c’est parce que nous l'enlaidissons pour nous-mêmes.


  • Notre foi est essentiellement géographique puisque les Mayas sont plus prophétiques à nos yeux que nos prophètes (le coran reconnaissant tous les prophètes). Les Mayas nous ayant fait craindre de ne pas festoyer en fin d’année mais pas de laisser mourir de faim notre prochain. Pourtant, nous avons déjà exécuté notre apocalypse et refusons notre résurrection.

Ce sont notre hypocrisie et notre traîtrise quotidiennes qui sont sources de nos malheurs. Cela ne sert à rien de porter des masques devant ceux qui savent nos traits et qui savent que nous savons qu’ils savent. C’est aussi ça, la mondialisation.

Un crocodile, ça eut trompé. Les harraga l’ont démasqué en l’obligeant à sortir du marécage national. Depuis, il va à la mer, pour déclarer ses horizons chasse gardée. Comme le reste.





samedi 1 décembre 2012

Fraude, dites-vous ?


Les élections locales ont eu lieu ce jeudi 29 novembre 2012 en Algérie. Le plus important à mes yeux n’est pas de parler du dopage des chiffres, qui ferait pâlir d’envie certains cyclistes du Tour de France. La vidéo qui a fait le buzz, ces jours-ci, où l’on assiste au bourrage d’une urne, ne me fait pas oublier de remarquer la bizarrerie du fait de filmer cela avec autant d’aisance. Peut-être pour nous dire que la démocratie est vraiment là, attestée par une vidéo inespérément témoin de liberté de parler. Ou alors, pour nous faire oublier que la plus grande fraude est en amont, dans les listes électorales qui majorent à satiété l’état civil.

Cela me rappelle ces petites allusions que nous lisons de plus en plus, sur la toile, et qui annoncent l’éventuelle candidature du président Bouteflika pour un quatrième mandat. Si cela était planifié, l’opinion serait psychiquement prête à l’accepter. Si cela ne l’était pas, le remplaçant planifié passerait pour personnifier la rupture et le changement. Comme quoi, Facebook n’échappe pas à la tromperie de l’apparence. Les pseudonymes des trompeurs se confortent d’être invérifiables, ceux des trompés de latinisation désignant les pays dont les horizons les intéressent.

Les APC (assemblées communales) et les APW (de wilayas) n’ont plus que de petits pouvoirs. Les plus importants, les plus dangereux aux yeux du régime, sont aux mains des exécutifs désignés. Je persiste à dire que ce mode de représentation ne nous sied pas, même si les modèles d’outre-Méditerranée sont séduisants. Une élection pyramidale partant de la base, qui est le quartier ou la cité, serait plus à même de maximiser la probité des élus et de les faire bénéficier de l’adhésion des électeurs. Les représentants des quartiers éliraient à leur tour les membres de l’assemblée communale et ainsi de suite, jusqu’au plus haut échelon du pays.

Pour ces élections algériennes, les programmes politiques ont peu d’importance, au regard des limitatifs outils juridiques et limités moyens financiers qui participeraient à les mettre en œuvre. Les Algériens savent que ces élus feront peu ou prou pour communes et wilayas. Ce qui captive les Algériens c’est de regarder qui a réussi à franchir les barbelés pour se tailler une part dans la rente. Constat indifférent pour certains, jaloux pour d’autres.

Reste que, quelles que soient les bonnes volontés qu’elle recèlerait, aucune assemblée ne pourrait à elle seule assainir les insanités, organiques ou morales, que produisent des masses locales totalisant quelque trente-sept millions d’âmes insensibles ou insensibilisées. Le sensible se concentrant dans les chiffres de droite des recensements, officiellement sans virgules.

Ces élus sont issus de la société et représentent en assez bonnes proportions ses qualités et ses tares. Ce qui m’amène à dire que le problème des élections locales n’est pas essentiellement dans la fraude, bien que celle-ci reste blâmable et justificatrice d’abstention. Le problème est essentiellement dans le fait que les Algériens attendent que leurs élus changent les choses que eux conservent ou aggravent.

Lorsque nous serons majoritairement bons, par notre volonté de l’être puis par notre quotidien, nos élus, issus d’entre nous, le seront proportionnellement. En nombre et en bonne foi.

lundi 30 juillet 2012

Un billet pour Londres, et plus si ça se trouve


L’Algérie participe aux Jeux Olympiques de Londres et on entendra souvent scander « One, two, three ; viva l’Algérie », en indo-germano-latin, pour soutenir nos sportifs ainsi que pour confirmer que notre analphabétisme est bel et bien trilingue, même après l’université.

Sur la cérémonie d’ouverture, que je n’ai pas eu le loisir de suivre, des Algériens ont critiqué le fait que les sportifs algériens portent des survêtements alors que ceux des autres pays portent plutôt des tenues traditionnelles. Peut-être est-ce pour leur donner l’occasion de les porter le plus longtemps possible, entre l’aller et le prompt retour. Puis, le survêtement est l’habit algérien par excellence : on travaille avec, on sort avec, on dort avec et on va même à la mosquée avec. Pas mal, non ?


Au fait, une tenue traditionnelle unifiée pour nos sportifs, ce serait quoi ? Kabyle, staifie, constantinoise, algéroise, tlemcenienne, saharienne, chaouie, targuie ? Cette question nous rappelle le malaise du multiculturalisme que nous tentons de dissiper pas des décrets au lieu de le faire par la tolérance, la rencontre et le débat. Ladite tenue unifiée pourrait tout simplement être choisie à tour de rôle pour les différentes rencontres sportives ou, pourquoi pas, par tirage au sort.

Nos volleyeuses (avec un « y ») ont disputé leur premier match ce samedi 28 juillet. Possible que même avec leurs exclues coéquipières qui s’étaient entrainées à voler des accessoires de sport plutôt qu’à faire voler le ballon, elles n’auraient pas pu « voler » la victoire. A l’issue dudit match, elles ont pris trois sets et elles ne les ont pas volés, ceux-là.

Je ne sais pas si c’est à cause de la défection de leurs voleuses ou au jeûne qu’elles doivent leur défaite.

A propos, doit-on jeûner ou non pour participer efficacement aux Jeux Olympiques ? La question est compliquée et pas seulement pour des raisons religieuses. Là où ça coince, c’est que le ramadan est toujours prétexte à la fainéantise et à la procrastination pour les Algériens. Comme si ça nous épargnait le reste de l’année, dira-t-on.

Je serais tenté de demander à nos muftis fonctionnaires d’autoriser, que dis-je, d’obliger certains à ne pas jeûner, vu que leur jeûne est plus nocif que bénéfique. Après tout, ces muftis fonctionnaires ont bien émis une fatwa selon laquelle seraient hypocrites tous ceux qui boycotteraient les élections législatives algériennes du 10 mai dernier.

En considération de tout cela, ce qui me semble être une hypocrisie c’est de ne dire à ces sportifs ni oui ni non. On ferme l’œil pour ne pas outrer les décideurs. C’est la preuve que le religieux est au service du politique, comme il l’a presque toujours été. Ça ne pourrait pas être l’inverse, sinon ce serait la laïcité. Or, nous la rejetons, cette impiété, et nous nous complaisons dans nos contradictions. Et qu’importe si nous tenons la canne par le milieu, nous sommes les meilleurs ! One, two, three, etc.

Le comble c’est que les Algériens n’ont pas le droit de ne pas jeûner chez eux alors qu'ils en ont le droit à Londres, pour rapporter des médailles qu’ils ne rapporteront probablement pas. Du moins pour la plupart d’entre eux. En tout cas, si médaille il y aura, j’espère qu’elle aura été acquise sur le podium et non pas dans le vestiaire d’un distrait médaillé.

Et si c’était simplement une question de niveau athlétique ? Si l’Algérie veut affirmer sa position dans le monde grâce au sport, il est grand temps qu’elle y investisse. Or, le populisme de nos dirigeants fait en sorte que ce sont les disciplines sportives qui rapportent le moins de médailles qui sont les plus dotées en moyens.

Un autre « incident » a été causé par la rumeur selon laquelle trois de nos boxeurs participant aux JO de Londres auraient volé des vélos. Nos officiels ont clairement démenti mais le doute persistera toujours et l’on ne saura jamais si aucun d’eux n’était mal intentionné.

Soyons sérieux un instant. Un boxeur algérien ne se serait jamais imaginé rentrer au pays un vélo sous le bras. Un vélo c’est plus rapide et moins dangereux qu’un radeau mais quand même. Ou alors, pour rejoindre une dulcinée ne résidant pas à Londres. Pour prendre le tunnel sous la Manche, tiens. En dégonflant les pneus pour qu’ils suivent le rail salvateur et en s’enveloppant d’un drapeau algérien d’au moins trois mètres de long. Comme ça, s’il était arrêté, il pourrait dire qu’il est venu fêter la victoire de François Hollande aux élections présidentielles françaises.

-        Vous arrivez un peu tard, Monsieur. La Bastille a déjà été reprise d’assaut et la fête est finie. Lui aurait dit un policier à la frontière.

-        Ce n’est pas grave Monsieur l’agent. Après le printemps arabe qui donne des ailes, c’est l’été français et Paris Plage ne saurait être une réussite sans le tintamarre et avec trop de vélib’.

-        Ben vous alors, vous êtes gonflé ! (ndla : Il n'aurait pas parlé des pneus).

Et qu’aurait-il fait s’il avait été rattrapé par un train ? Il l’aurait traité de raciste ? Il se serait intégralement voilé pour devenir victime ?

Bon, je m’arrête sinon on dira que je vois le verre à moitié vide, c'est-à-dire que je préfère la pécheresse lie à la lucrative mousse « halalisée », et que je me trompe sur les aspirations de nos jeunes, avec ou sans accent.

Si ce vol de vélos s’était avéré être vrai, c’aurait été difficile de demander de l’aide aux Tunisiens, après la scène du film où l’Inspecteur Tahar et son Apprenti volèrent deux vélos à des agriculteurs tunisiens. Cette scène, montrant la kleptomanie algérienne qui devient licite par la prétention de supériorité sur leurs voisins, était censée guérir les Algériens de leurs mauxen les faisant en rire. Il est triste de constater que tout le talent de l’Inspecteur n’y aura pas suffi.

Je ne peux pas oublier de rappeler que nos autres sportifs sont honnêtes. Il y a juste qu’ils passent inaperçus, eux, et j’imagine leur souffrance dans l’amalgame. Un amalgame qui fait oublier qu’il existe des Algériens qui sont des modèles de citoyenneté et de civisme mais qui sont basanés avec ou sans bronzage. Méritent-ils ce qui leur arrive parce qu’ils se taisent et ne se démarquent pas ? Possible.

Une chose est sûre, ce sont nos comportements à nous tous qui nous rapporteront les meilleures médailles, celles de la bonne réputation qu’il sera bon de gagner et meilleur de mériter. Si personne ne volait en se fichant d’augmenter le contrôle au faciès de ses compatriotes, il ne subirait pas lui-même ces contrôles car ses compatriotes auront pensé à lui.

Cela ne redore en aucune façon le blason factice de certains de nos dirigeants, cela doit juste nous faire penser que, finalement, le système que nous haïssons c’est nous.

dimanche 6 mai 2012

Lettre à mes amis français


Chers amis,

Confrontés à un moment déterminant de votre Histoire, vous venez de choisir votre président. Pour des raisons culturelles, j’ai, comme beaucoup d’Algériens, suivi ces élections et trouvé un plaisir à écouter, à lire et à analyser les propositions des candidats, notamment des deux finalistes. En entendant le résultat final de ces élections, j’ai pensé vous résumer mes sentiments à propos.

Plus que les raisons historiques, géographiques et linguistiques, le fait que la France soit le pays étranger qui accueille le plus d’Algériens me fait m’intéresser aux tendances actuelles, préoccupantes par la montée des extrémismes religieux et politiques.

Un extrémisme religieux enfanté par l’incompréhension de la philosophie de l’islam, par les musulmans et les non musulmans, ainsi que par l’interprétation exotérique des textes sacrés. Par le peu de place qui est fait à la différence.

Un extrémisme politique dont la formalisation partisane pose souvent de vraies questions sur l’immigration sans toujours donner de bonnes réponses, mais auquel on ne peut pas dénier le patriotisme. Un patriotisme qui se fait du mal, et fait du mal aux autres, en se tintant de nationalisme.

Je reste proche des valeurs de la culture de votre pays dont le passé colonial ne me fait pas oublier le rayonnement et l’universalisme.

J’avais espéré que Nicolas Sarkozy l’emporte. Non pas que je m’arroge le droit de choisir à votre place, mais parce que persuadé que personne n’aurait pu mieux faire face à une crise financière internationale de cette gravité. Je comprends ceux qui se sont sentis blessés et qui ont fait leur choix électoral pour sanctionner plutôt que pour approuver et, dans un pays qui a connu la peine et la précarité, rien ne peut justifier qu’on soit laissé pour compte ou abandonné à la précarité. Ce n’est pas le cas de tous les électeurs. Cependant, j’espère que nous saurons tous faire prévaloir la raison sur la passion.

Il serait trop facile de dire que tel courant politique, ou l’autre, joue le jeu de cette folle finance. Ou même de dire que l’un et l’autre se valent. Par le passé, des erreurs ont été commises de part et d’autre. Dans le futur, d’autres erreurs seront commises. Il s’agit d’abord de parer au plus urgent, puis de reconsidérer nos modèles politiques, économiques et sociaux.

Par amitié pour vous et par sympathie envers tous vos compatriotes, je prie Dieu de m’être trompé et qu’il fasse en sorte que François Hollande soit le bon.

Un monde nouveau doit voir le jour, plus mature et plus pragmatique que l’actuel altermondialisme. Un « néomondialisme », mieux outillé, mieux concerté. Cette nouvelle forme ne réussira pas si elle prend des airs de révolution sans ou contre les gouvernements. Elle ne réussira pas, non plus, si l’humanité n’accepte pas de changer de mode de vie. Je n’ai pas de réponse détaillée au comment et je doute que l’ait qui que ce soit. Je sais seulement que tout changement brutal serait aussi suicidaire que de continuer sur la voie de la surconsommation et du gaspillage des ressources naturelles, minérales et fossiles.

Pour dépasser le stade de l’indignation et aider ce monde nouveau à naître, les sociétés civiles doivent s’investir beaucoup plus dans le tissage des relations entre peuples et nations, entre l’Algérie et la France en particulier, afin de tourner la page de la période coloniale et de faire durablement la paix en laissant reposer nos morts. Ces morts mutuels auxquels nous devons dire que nous ne les oublions pas, que nous ne les trahissons pas, que nous voulons construire, ensemble, ce dont ils ont rêvé dans leurs plus humains instants.

Dans cette dynamique civile, les apports des réseaux sociaux ne sont pas négligeables et là où il n’y a plus de dialogue, s’installent l’incompréhension, la méfiance et la haine. Des réseaux sociaux qui souffrent, quand même, de vite atteindre leurs limites. En attendant d’aller encore plus de l’avant, en harmonie avec nos moyens.

Amis français, aucun candidat n’a gagné. Vous tous avez gagné. Vous avez gagné le débat, la mobilisation, la critique, la satire et la perpétuation ou l’invention de beaucoup de notions et de valeurs qui sont autant de garanties de pérennité de la démocratie et de la république.

Je vous souhaite tout le bien possible, persuadé que vous saurez trouver votre voie, vous qui avez traversé de nombreuses périodes difficiles en vous relevant à chaque fois.


Hichem Zoheïr Achi