dimanche 14 juillet 2013

Plus largement qu’en Syrie

Les Etats-Unis n’interviennent pas directement en Syrie, ils ne veulent pas d’un deuxième Irak et leurs difficultés économiques aiment bien que des pays du Golfe financent la guerre contre el-Assad. Même si la politique étrangère est le point faible d’Obama, le temps joue en sa faveur. Qu’el-Assad gagne la guerre, pourvu qu’il épuise avec lui l’Iran et le Hezbollah, et surtout qu’il les retienne le plus longtemps possible. Le temps de laisser se construire, peut-être, quelque chose entre le Hamas et Israël. Je ne crois pas à la coïncidence en voyant le Qatar financer le Hamas, au moment où ce dernier se démarque du Hezbollah. Les Etats-Unis ont remercié l'émir du Qatar et exigé de son successeur plus de discrétion, pour arrêter de faire de l’ombre à leur fidèle allié dans la région, l’Arabie Saoudite. Le Qatar doit à présent calmer la folie des grandeurs qu’on lui avait tolérée ou suggérée. Il met en sourdine son cheikh al-Qaradawi et sa chaîne télévisée Al Jazeera. Le cheikh fait haïr l’émirat par ses appels au djihad dans les pays arabes et la chaîne concurrence au-delà de la région.

La Chine aussi gagne à l’abdication de l’émir du Qatar. En plus de son implication dans le conflit syrien, l’émirat était trop vorace dans ses investissements à l’étranger, particulièrement en France. Au passage, je fais remarquer qu’outre la rentabilité, l’investissement qatari en France veut le prestige, alors que l’investissement chinois veut délocaliser les enseignes françaises mythiques et déplacer le pôle d’attraction culturel de l’Europe vers l’Asie. La Russie gagne aussi, en devenant encore plus incontournable dans la gestion des grands conflits armés. L’Union européenne perd, parce que sa position n’est pas unifiée et qu’elle est accaparée par sa crise financière et culturelle. D’ailleurs, la crise culturelle de l’Europe n’est pas sans conséquences sur ce qui se passe dans le monde arabe.

En effet, les pays de l’Europe de l’Ouest servent souvent de modèle, en raison de leur développement et des libertés qui y règnent. Pour des considérations liées au fait colonial, également. Or, ces modèles s’essoufflent et sont, par exemple, dans l’incapacité de répondre aux revendications croissantes de leur multiculturalisme. En l’absence d’un modèle laïc probant dans les pays musulmans, aucun modèle endogène ne suscitera la confiance, donc l’adhésion, s’il ne fera pas référence à l’islam. En plus, la religion est un instrument trop puissant pour ne pas être exploité par les politiciens, et même si la plupart des musulmans arrivent un jour à distinguer entre islam et islamisme politique, il y aura toujours intérêt à amalgamer.

Ceci pour dire que l’islamisme politique n’est pas mort, contrairement à ce que dit el-Assad après la chute des Frères musulmans en Egypte. Il l’a dit pour insinuer que c’est soit son autoritarisme soit l’islamisme, occultant tout autre courant politique, donc toute autre solution que lui. Le régime algérien l’a aussi dit, à travers son porte-voix dans ses partis satellites, Amara Benyounes, pour tacler la coalition islamiste qui se prépare. Un mot à propos de la délégation algérienne partie en Syrie soutenir el-Assad, quand le prudent officiel ne le soutient pas directement. Je rappelle que les réseaux sociaux l’ont encouragé à s’accrocher au pouvoir alors qu’il envisageait de partir. Je ne pense pas aux djihadistes venus de l’étranger, et que je dénonce. Je pense aux opposants syriens qui paieront lorsque les délégations seront reparties et que les internautes arabes reviendront à leurs autres « like ».

Avec l’islamisme politique, la solution est de le confronter à la responsabilité pour que les sociétés comprennent que la religiosité n’est pas synonyme d’essor. Les sociétés qui n’essaient pas leurs islamistes sont les plus susceptibles de les essayer dans la crise, là où l’affolement fait se jeter sur la première bouée venue. L’Algérie a payé le prix de la brutalité dans leur mise à l’écart et l’Egypte commence à le faire. En Syrie, en Egypte et en Libye, les Arabes sont les plus grands perdants. Les Arabes veulent les libertés et le développement de l’Occident, en les important sans autre effort. Dans l’impossibilité de le faire, ils préfèrent émigrer que réfléchir à un système de gouvernance adapté à leur réalité. Que serait la colère des Algériens, par exemple, s’il n’y avait plus de pétrole ? Entre autres importateurs de solutions, des islamistes proposeraient de la liturgie. Une grande partie de la société suivrait.


Hichem Achi

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