mercredi 3 juillet 2013

Qui a réellement déposé Morsi ?

L’armée égyptienne vient de déposer le président Mohamed Morsi. La Constitution est gelée, l’intérim sera assuré par le président du Conseil constitutionnel et un gouvernement provisoire sera constitué de technocrates. Profitant des manifestions qui ont commencé le 30 juin 2013, un an après l’élection de Morsi, l’armée a adressé à ce dernier un ultimatum de 48 heures pour « satisfaire aux revendications du peuple ». Plutôt court comme délai, et de la part d’une armée qui n’avait adressé aucun ultimatum à Moubarak. La menace vient d’être mise à exécution, après que le chef d’Etat ait rejeté l’ultimatum et que cinq ministres et deux porte-paroles aient démissionné.

Morsi a écarté les tendances politiques qui l’ont aidé à gagner les élections et a engagé une « frérisation » de la culture et des mœurs égyptiennes. Les touristes et les investisseurs boudent son pays et les pénuries se cumulent. Sa solution, d’emprunter au FMI, n’est sûrement pas la plus brillante et les islamistes sont en train de montrer que ce sont de piètres politiciens. Néanmoins, déposer un chef d’Etat démocratiquement élu est-il une bonne solution ? Entre autres contacts, le chef d’état-major étasunien a contacté son homologue égyptien, avant l’annonce du coup d’Etat qui prétend ne pas en être un. Cela confirme que le Printemps arabe est sous surveillance, afin qu’il respecte sa feuille de route. Enfin, le coup d’Etat a une autre conséquence. Il rend dérisoire toute légitimité dans les élections à venir.

On peut se demander qui vient de déposer Morsi. Lui-même, les Frères musulmans, le peuple, l’armée ou les Etats-Unis ? Quoi qu’il en soit, si la démocratie est fragile dans les pays arabes, ce n’est pas seulement à cause de la domination de l’armée, c’est aussi à cause de l’immaturité des populations. Je ne prétends pas savoir mieux que les Egyptiens ce qu’il leur faut. Je dis qu’en cautionnent l’armée et en refusant de négocier avec le gouvernement, ils ont ouvert la porte à tous les possibles. Longtemps privés d’expression et grisés par leur victoire contre Moubarak, pas nécessairement contre son régime, les Egyptiens croient que le mot « dégage » est un sésame. Comme à Moubarak et à Morsi, ils le diront peut-être à d’autres. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que l’autoritarisme ne disparaît pas juste en rasant la barbe ou en camouflant le fusil. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que le peuple est le meilleur garant de la démocratie et que le débat est l’un de ses piliers.


Hichem Achi

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