mardi 16 juillet 2013

Sociétés civiles arabes, entre instinct et idéologie

Ce 14 juillet 2013, le président français a été sifflé et hué par des opposants au mariage homosexuel, du mouvement Printemps Français. A première vue et au-delà de l’irrespect de la date, l’adoption de la loi n’a pas clos le débat. En réalité, le malaise des Français est plus grand. La France vient de perdre son dernier triple A, l’euro est remis en cause, le chômage augmente régulièrement, les capitaux fuient le fisc, les délocalisations ne s’arrêtent pas, les centrales nucléaires sont abandonnées, le gaz de schiste fait peur, l’opposition est mal en point, l’intégration est un échec et le timbre Marianne est inspiré d’une non-française. Malgré ces problèmes et bien d’autres, l’Etat est debout et on cherche des solutions.

Plus largement qu’en France, le monde se réveille en s’indignant et, l’indignation changeant peu ou prou les choses, une post-indignation s’annonce. Pendant que le monde s’organise civilement, le monde arabe demande à l’armée à l’organiser. Je me rappelle de ce slogan populaire algérien, du temps où je baignais dans une ambiance familiale communiste, de mon côté maternel (j’ai connu d’autres expériences, depuis). On scandait « الجيش، الشعب، ضد الرجعية » (L’armée, le peuple, contre l’intégrisme.) Sous entendu, l’intégrisme religieux. Dans ce slogan, l’armée arrive avant le peuple, le fusil est sollicité avant la conscience.

En Algérie, heureusement en retrait par rapport au Printemps arabe de la désillusion, la tendance est au rejet de l’islamisme politique et au plébiscite de l’armée. Tant mieux pour le rejet, dommage pour le plébiscite. A présent, les islamistes sont plutôt perçus comme des alliés de l’Occident planificateur du Printemps. Tout en sachant que les alliances sont plus répandues et plus complexes, je relève que les Arabes privilégient toujours la force au débat et supportent indéfiniment ceux qui leur font peur. C’est respectivement humoral et humain. Contradictoire, cependant, de la part de ceux qui disent vouloir en finir avec les régimes militaires.

Je reviens à la France qui est toujours un eldorado aux yeux des Algériens. Ceux qui n’y sont pas veulent toujours y aller, et ceux qui y sont restent malgré la crise. Que reviendraient-ils faire, à part exploser les prix de l’immobilier et faire échouer un peu plus l’arabisation ? Point positif ou négatif, selon l’émigration ou l’immigration, ils s’intégreraient comme s’ils n’avaient jamais émigré.

De par ma vision que je simplifie, ceux qui réfléchissent et critiquent dialectiquement sont les intellectuels. Parmi eux, ceux qui proposent sont l’intelligentsia. Enfin, parmi ces derniers, ceux qui ont du pouvoir sont l’élite. La société civile se rallie à l’intelligentsia ou à l’élite, elle est vigilante ou révolutionnaire pour que le civil l’emporte sur le militaire et le religieux. La révolte étant déclenchée par l’instinct et la révolution par l’idéologie, je persiste à dire que le Printemps arabe est un ensemble de révoltes et non de révolutions. Il est périlleux que l’instinct et l’idéologie se mélangent. Cela peut arriver quand il y a menace perçue ou réelle sur la patrie ou la religion. Dans les pays arabes, l’islamisme est le plus périlleux des deux, car il fait passer la religion avant la patrie.

Plutôt que de demander tout et son contraire, il faut réfléchir à comment prévenir le plus possible les abus éventuels des gouvernants. La transparence est un moyen, à condition de dépasser la classique liberté de la presse et de garantir l’accès à l’information, et pas seulement pour les journalistes. Les débats de l’Assemblée nationale pourraient être transmis intégralement et en direct sur une chaîne télévisée créée à cette fin. Puisqu’on lâche plus facilement la partie que le tout, il ne faut pas obtenir satisfaction à toutes ses revendications d’un coup. Sinon, c’est le coup d’Etat. C’est sur des revendications ponctuelles et progressives que les intelligentsias et les sociétés civiles arabes doivent se concentrer.


Hichem Achi

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