vendredi 25 mars 2011

Elizabeth Taylor et pas seulement ses yeux



Elizabeth Taylor s’est éteinte, pas ses yeux. D’autres grands acteurs de sa génération survivent dans l’oubli mais sa mort nous rappelle qu’était déjà tombé le rideau sur le cinéma de toute une époque. Ses soixante dix-neuf ans lui ont donné le temps de mériter un palmarès plus remarquable par son côtoiement des grands que par le volume de sa filmographie. Est-ce pour autant la fin du cinéma, comme l’avait annoncé Alain Delon ? Je ne crois pas. C’est la fin d’un cinéma qui, en plus d’avoir été un facteur de mondialisation du rêve américain et de la chute du mur de Berlin, avait de beau qu’il était hautement théâtral et que la prestation était toujours due au talent et jamais aux gadgets ni aux effets spéciaux. D’ailleurs, comme tous les grands acteurs, Elizabeth Taylor a fini par délaisser le cinéma pour le théâtre, là où aucun « Coupez ! » ne peut être de secours. Est-ce pour cela qu’on les appelait acteurs et qu’on les appelle maintenant comédiens ? Peut-être.

Le fait qu’elle soit née en Angleterre, de parents Américains, confirme que nul n’est prophète en son pays. En tout cas, la diaspora et l’exil ne sont pas spécifiques aux juifs, nés en tant que tels ou convertis comme Elizabeth Taylor. Même Mahomet (qssl) a été obligé de quitter la Mecque pour Médine avant de pouvoir reconquérir sa ville natale. Je ne peux cacher mon admiration pour cette Amérique de la réussite où le melting-pot racial a été un élément décisif pour l’essor et où l’ « affirmative action » a permis de révéler des stars comme Morgan Freeman, Halle Berry ou Denzel Washington, en dépit de ceux qui en ont profité sans talent particulier. Les Etats-Unis restent un grand pays malgré Georges W. Bush.

Je repense aux yeux d’Elizabeth Taylor. Même en ce temps là, la couleur des yeux était un atout mais cela n’était pas suffisant pour être célèbre. L’inné donnait l’avantage, l’acquis donnait la reconnaissance. Evidemment, aujourd’hui c’est autre chose. Peu importent l’inné et l’acquis quand ils sont concurrencés par la médiatisation, c’est-à-dire par la visibilité.

Le phénomène « people », associé au pouvoir de la télé, a bouleversé les vieux processus d’acquisition de la célébrité. Cette phase de transition devrait durer quelques années encore. Ensuite, la démocratisation et la simplification du multimédia permettront à beaucoup de fabriquer leur propre cinéma. La télévision ne disparaîtra pas mais elle sera de plus en plus regardante aux « web-cinéastes ». Si elle s’y prépare bien, la télé pourra réguler une partie de l’économie que générera ce nouveau cinéma et pourra s’ériger en arbitre entre ses faiseurs. De nouveaux métiers du web verront le jour et une course folle à la célébrité (avant la richesse) s’engagera. Tout le monde n’aura pas pour autant son quart d’heure de célébrité comme l’avait prédit Andy Warhol. Il sera très difficile de réussir à se faire voir dans la jungle et les efforts non reconnus engendreront des « web-terroristes » qui auront changé de méthode pour devenir célèbres (toujours) et qui inspireront les scénaristes. Les cinéastes qui s’inspireront de ces nouveaux hackers feront d’autres mécontents et la boucle sera bouclée.

Bref, je m’éloigne. Je reviens pour saluer l’engagement de cette grande actrice pour la lutte contre le Sida et pour rassurer les internautes en leur disant que le monde ne va pas nécessairement vers le chaos. Il va simplement là où les humains l’emmènent.

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