jeudi 24 mars 2011

Kadhafi, le monde et la Ligue Arabe


Cet article a été publié sur Facebook le 12 mars 2011.

Au-delà des maladroites gesticulations de Kadhafi qui prouvent qu’il est deux fois dangereux, par son autoritarisme et par sa mythomanie, il est utile de se résumer ce que font les autres.

Les Etats-Unis ont envoyé des forces militaires dans la région. L’Union Européenne vient de reconnaître le Conseil National Libyen de Transition comme interlocuteur politique. Des internautes s’impliquent et dénoncent à la mesure de leurs moyens. Pendant ce temps, les gouvernements arabes refusent de condamner le fait que Kadhafi tue des Libyens. Lui qui, pire des arrogances, a longtemps continué à nier les faits ou à les minimiser.

On peut comprendre que les gouvernements arabes refusent de condamner explicitement Kadhafi. S’ils le condamnent, ils condamnent son régime et, par la même occasion, ils condamnent les leurs.

On peut comprendre que les gouvernements non arabes soient prudents. Leur rôle n’est pas d’assurer les intérêts des pays arabes mais d’assurer les leurs et le pétrole est un argument commercial et politique que ne peut négliger aucun gouvernement responsable. Aussi, la situation politique en Libye est probablement plus complexe qu’il n’y parait et une éventuelle intervention armée ne peut être envisagée que dans un cadre international légal afin d’éviter de rééditer la gabegie meurtrière qu’a été l’invasion de l’Irak.

Les gouvernements, russe et chinois, semblent être les principaux opposants à l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne. Plus boulimique, ce dernier doit savoir que, s’il est compréhensible qu’il protège un régime qui lui donne accès à 2% de la production mondiale de pétrole, il est en train de perdre l’estime de 340 millions d’Arabes et de 1,5 milliards de musulmans à travers le monde.

On peut comprendre qu’il y ait des non Libyens qui continuent à soutenir Kadhafi sous prétexte qu’il ait fait de bonnes choses ou aidé l’OUA dans le passé comme le soutient Calixthe Beyala, qui croit et milite pour le panafricanisme à une époque où le monde est devenu un grand village.

Je passe outre l’OUA et l’Union Africaine (pour le moment) et je me demande : que fait la Ligue Arabe dans cette conjoncture et à quoi sert-elle ? Je réponds : Elle espère et ne sert pas à grand chose.

Elle espère que la révolte en Libye se termine au plus vite. Ce serait plus commode. Cela enlèverait à cette ligue une épine du pied et éviterait à son secrétaire général de trop rougir. S’il y arrive encore. A défaut d’y arriver ou de s’occuper efficacement des problèmes dont il est en charge, il a mieux à faire : préparer sa campagne pour accéder à la présidence de l’Egypte. Le choix des Egyptiens ne pourra être que respecté, j’espère seulement que, s’il est élu président, Amr Moussa ne plongera pas son pays dans la même léthargie qui caractérise actuellement la Ligue Arabe.

Concernant le rôle de cette ligue, il faut se rappeler que deux des principaux objectifs de sa fondation, en 1945, étaient d’œuvrer pour la décolonisation des pays arabes et d’œuvrer pour empêcher la création d’un foyer national juif en Palestine. Or, le premier objectif a été atteint (à l’exception du cas de la Palestine) et le deuxième a échoué lors de la création de l’Etat d’Israël en 1948. De là à dire que la Ligue Arabe ne sert plus à rien, il n’y a qu’un pas que je suis tenté de franchir. Quant à ses positions, elles ont rarement été à la hauteur de son rôle censé être rassembleur. Impossibilité d’avoir une position unifiée lors de la guerre du Golfe et opposition à toute intervention militaire en Libye.

Certains disent qu’elle a d’autres missions comme la promotion de la langue Arabe. Possible, sauf que la réussite ou l’échec d’une institution ne se mesure qu’aux résultats obtenus sur le terrain. Et à propos de terrain, les Algériens, entre autres, continuent à désigner par « vista » la «veste ». Les académiciens arabes pourront se targuer d’avoir inventé le mot « hakoum » pour désigner une télécommande, il n’en demeure pas moins que les Algériens continuent à l’appeler « télécommande » et les exemples sont légion. Les Arabes n’ont pas attendu cette ligue ni les académies qui lui sont affiliées pour emprunter à l’Occident (c’était l’inverse dans le passé) les sonorités et les mots dont ils ont besoin et pour appliquer à ces mots leurs propres règles de déclinaison ou de conjugaison. Plus que diglossie, éloignement.

Il est temps que les gouvernements Arabes se révoltent à leur tour et se détachent de cette ligue, ou du moins, de ses coutumiers atermoiements. Ils pourront alors se targuer, à juste titre cette fois, d’avoir donné à la langue arabe une grande victoire. Celle de cesser d’être le témoin acquiescant de l’inutilité.

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