dimanche 10 avril 2011

Treize hommes en colère




A peine Elizabeth Taylor disparue, qu’un autre grand nom du cinéma américain se détache des affiches pour devenir une épitaphe. Hier, 9 avril, est mort Sidney Lumet. Il était né en 1924.

Je ne peux parler de Sidney Lumet sans parler de son premier film, Douze hommes en colère (1957). Ce film qui, de mon point de vue, est le meilleur de Sidney Lumet, est beaucoup plus qu’une maîtrise technique. Il est la brillante mise en scène d’un sentiment réel qui est reconnu à son réalisateur : le souci de justice. Un thème qui lui était cher et qui revient dans toutes ses œuvres. J’en fais tout de même sortir une du lot. C’est Le Crime de l’Orient-Express (1974), où le fait de se rendre justice soi-même est discutable même pour une raison moralement noble. Evidemment, cela ne remet pas en cause son talent ni celui d’Agatha Christie.

Le pari d’avoir tourné la quasi-totalité du film en huis clos est une signature du style théâtral de Lumet. Assimilable, dans cette œuvre, à une tragédie néogrecque en noir et blanc. L’intégralité des débats est tournée et l’essentiel n’est pas dans le décor, froid comme une administration qui peut ôter la liberté ou la vie. L’essentiel est dans l’idée elle-même, celle de raconter une société atteinte de préjugés et d’individualisme.

Le panel de jurés représente volontairement cette société cosmopolite (il y a même un immigré) et la moralité est que les apparences trompent souvent et que les préjugés sont toujours injustice. La moralité est également qu’il n’est jamais superflu de s’attarder sur des détails quand il s’agit de rendre justice. Dans le film, on manque de peu de faire condamner, à tort, un adolescent accusé de parricide. Grande leçon également pour les humains qui font souvent passer la futilité avant la nécessité, uniquement par égoïsme. Un juré inconscient veut expédier l’affaire en cinq sec et vote coupable pour s’empresser d’aller regarder un match de base-ball, d’autant que la chaleur est caniculaire.

Dans le rôle principal, le juré numéro 8, interprété par Henry Fonda. Un excellent choix car je trouve que ce dernier a (au présent de l’indicatif) quelque chose de particulier : son regard figé à travers des iris bien centrés dans les yeux et ne s’approchant pas des paupières, comme ceux d’une statue, clignant peu pour soutenir sans interruption le regard et interpeller. Métallique et implacable, ce regard se révèle, aussitôt que s’y ajoute la voix, infiniment bienveillant, bien que pouvant simuler le contraire à la perfection. Cela s’appelle être acteur. Son calme contribue à sa prestance non hautaine et la couleur des yeux n’y est pour rien car cela se voit même en noir et blanc. Je suis tenté de dire que la génétique le confirme en sa fille Jane qui parait froide et détachée mais qui s’avère très humaine, contre la guerre américaine au Viêt Nam ou en Irak, notamment.


Dans le rôle non dit du salutaire objecteur au sein de la société, le juré numéro 8 (élément d’une série numérique et élément d’une société) se sent concerné et s’investit en allant aux objets trouvés où il retrouve le couteau de l’accusé. Celui qui était pièce à conviction n’était donc pas le bon.

Marquons ici un arrêt sur image. A la place de la scène où le juré exhibe le vrai couteau de l’accusé, situation que l’on peut aisément projeter sur la réalité, que ce serait-il passé si ce juré n’avait pas fait l’effort d’aller aux objets trouvés ? Et si la personne qui avait déposé le couteau aux objets trouvés, l’avait gardé pour elle ?

En Algérie, ces ô combien utiles objets trouvés, n’existent pas. Pourtant, cette petite institution vaut à elle seule une grande partie de l’appareil légal de l’Etat. Les objets trouvés valent cela parce qu’ils consacrent le respect de la propriété privée et le « penser aux autres » sans surveillance ni coercition. Je ne saurais dire si ce film a eu une quelconque influence sur la réforme du système judiciaire des Etats-Unis ou d’autres pays. L’unanimité requise en ce temps-là est peut-être impensable de nos jours car les tribunaux sont débordés. J’ai juste peur que la fluidité ainsi gagnée ne soit une tentation d’aller plus loin pour désengorger encore plus.

Au noir et blanc du film s’ajoute le clair-obscur des scènes de la salle d’audience, les deux éléments allant parfaitement ensemble et accentuant la perception, par le spectateur, du vide sous les pieds que ressent tout innocent qui aimerait avant tout qu’on le croie. La première des souillures n’est-elle pas dans la suspicion ? Ce clair-obscur me rappelle Le Procès (1962) d’Orson Welles mais c’est une autre histoire. Ces deux films sont ceux qui m’ont le plus marqué dans mon enfance.

J’aurais aimé pouvoir mieux parler de Sidney Lumet mais je ne le connais qu’à travers ses films. A côté de ses douze hommes, aussi humains que possible et pas du tout salopards, Sidney Lumet était le treizième. En colère.




2 commentaires:

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