jeudi 30 mai 2013

Le panafricanisme autour du Sahel


Comme l’a pointé Mireille Fanon Mendes France, lors du sommet de l’Union africaine de mai 2013, cette organisation a produit beaucoup de textes légaux et les a peu appliqués. Le Soudan du Sud et le Sahara Occidental prouvent que ces textes ne sont pas la solution à tout et que la revendication du droit à l’autodétermination a peu de chances de s’arrêter un jour. Il n’y a pas que l’Ua qui soit un appareil à produire des textes. Les Nations unies n’interviennent réellement dans un conflit qu’une fois qu’il est terminé. Personne ne doute que les puissances chercheront toujours à dominer et à s’ingérer, elles ne seraient pas puissances, sinon. Il faut simplement se demander comment elles y arrivent, c’est-à-dire qu’il faut identifier les circuits et les réseaux formels ou informels qui le leur permettent et, plus important, il faut se demander ce que méritent les peuples qui se laissent faire.

Parallèlement à l’insurrection de Frantz Fanon face à la taxinomie colonialiste qu’il découvrit à l’hôpital de Blida, un autre panafricaniste à sa manière, Malek Bennabi, disait que la colonisabilité est préalable à la colonisation. Il serait intéressant de discuter s’il a eu raison de le dire et s’il aurait constaté le même caractère aujourd’hui. En opposant ces deux visions partiellement contradictoires, je plaide pour une remise en cause de soi qui ne justifie pas le colonialisme. On pourrait se dire que l’Histoire n’a pas à répartir les responsabilités, par chauvinisme ou parce que la version adverse est faite pour. Seulement, le rapport de forces ne permet pas toujours d’équilibrer la comparaison à la lecture. Si j’ai de l’indulgence envers la pédagogie des manuels scolaires, je n’accepte pas qu’on veuille en faire des manuels à vie. L’Histoire est censée servir, avant tout, à ne plus commettre les erreurs du passé.

Le Maghreb, lui, ne se considère africain que géographiquement. Il laisse aux politiques les affaires touchant au continent. A tort, se dit-on, en découvrant ce qui se passe depuis quelques mois au Mali, et en se demandant ce qu’on y faisait avant la guerre. Plusieurs facteurs contribuent à ce détachement psychique du Maghreb. La présence d’un Sahel séparant les climats et les couleurs de peau, sans racisme pourtant, fait oublier le Sud. Le rôle des comptoirs maghrébins dans l’ancien commerce des esclaves, rend l’Afrique subsaharienne méfiante sur l’africanité du Maghreb. Ceci ne la retient pas de le traverser en s’aventurant vers la Méditerranée. Enfin, depuis les Ottomans, le Maghreb navigue vers le Nord, la compétitivité chinoise et la crise européenne ne le détournant pas de son cap.

Le panafricanisme est un héritage un peu encombrant. Si on l’enterre, on donne raison à Nicolas Sarkozy qui a dit que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Si on le maintient, on ne l’actualise pas et son efficacité restera relative, ponctuelle et régionale. Les empires coloniaux n’ont plus les mêmes visages et Alger n’est plus la Mecque des mouvements de libération. L’Afrique est un ensemble d’individus, de tribus, de peuples, de nations, qui ont à être jaloux de leur indépendance et conscients de leur dépendance plus ou moins conjoncturelle. Conscients de leur rôle au sein des Etats, aussi. Dans l’actuel contexte mondial, ils doivent se concerter pour chasser leurs prédateurs internes et externes, précédés d’éclaireurs armés ou non. Dans le même temps, ils devraient revisiter leurs patrimoines culturels afin de dégager les éléments de modèles nouveaux, plus philosophiques et moins folkloriques, capables d’être des palliatifs à la culture occidentale qui s’essouffle et qui les essouffle.

En regardant autour des statues africaines, je me dis qu’il y a des hommes remarquables à toutes les époques et que leur défaut est de venir entre les virages décisifs de l’Histoire, là où le piédestal est bas ou au raz du sol. Quel que soit leur classement, ces hommes commettent des erreurs, et les déifier décourage de chercher à faire aussi bien ou mieux. En Algérie, le patriotisme de Houari Boumediene ne l’a pas empêché de rater la diversification économique et de laisser s’enraciner le népotisme dont souffre toujours le pays. S’ils revenaient au pouvoir, ces hommes changeraient sensiblement de politique et répondraient ainsi indirectement à Malek Bennabi.


Hichem Achi

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