vendredi 31 mai 2013

Femen arabica


Aucune Femen n’est obèse ou squelettique. Alors, soit elles subissent un entraînement avant d’entrer en scène, soit les canons de la beauté disqualifient les autres activistes. La vision qu’a cette troisième vague féministe de la féminité est réductrice de sa cause. La première hypothèse est la plus plausible car tout producteur impose son casting et il est su que les Femen ne sont pas financées que par leurs cotisations. Gaëlle-Marie Zimmerman a dit que « la plastique des militantes aux seins nus est conforme aux standards de la mode ». Ce qu’elles réfutent. Quoi qu’il en soit, les fabricants de lingerie n’ont pas à s’inquiéter, eux qui ont survécu au féminisme le plus baba cool.

La première Femen arabe est égyptienne. Plus nue que les européennes et moins téméraire que la tunisienne qui est la première à l’avoir fait dans son propre pays et en pleine rue. Plus prudente que les fréquentes violées égyptiennes, aussi. La nouveauté a eu lieu le 29 mai dernier. Deux Femen françaises et une allemande ont manifesté en Tunisie, pour libérer la militante locale et dénoncer la condition de la femme dans ce pays. Maintenant qu’il se déplace après s’être exporté, le mouvement pourrait devenir une internationale socialisante. Pour dénoncer la condition de la femme dans d’autres pays arabes, elles devront être plus nombreuses.

Les Femen ne choquent pas parce qu’elles rendent public le corps de la femme. Il l’est déjà, le long d’une chaîne allant de la publicité à la pornographie. Ce n’est pas le nu, en lui-même, qui rend public ce corps. Les beaux-arts et la haute couture le montrent. Ces derniers ont su galber et dénuder, avec une beauté et un glamour qui écartent la bestialité. Hors ces deux là, la banalisation du nu féminin a anesthésié le désir masculin. Cette banalisation finit par ne plus vendre comme avant et il n’est pas impossible que la banalisation du corps de l’homme soit la réponse des mêmes exploitants.

Les Femen choquent d’abord, quand elles brisent la solennité des lieux dédiés. Manifester seins nus dans une cathédrale ou taguer une mosquée gérée par des salafistes est de l’irrespect envers les croyants, qu’ils soient ou non pour la théocratie. Elles étonnent ensuite, quand elles dénoncent l’exploitation du corps de la femme alors qu’elles le font elles-mêmes, soi-disant pour attirer l’attention. Elles gavent par l’image afin de dégoûter. Plus, en voyant le raidissement de ce qu’elles dénudent, on constate que l’adrénaline des amazones a remplacé le lait des mères. Même si les modèles traditionnels de société sont dépassés, je trouve violent qu’elles essaient d’imposer et je confirme que le féminisme souffre aussi bien de son ignorance du masculin que du machisme.

Les antiféministes affirment que le rabaissement et la culpabilisation du masculin l’ont psychiquement castré, ce qui aurait favorisé l’homosexualité et abouti au mariage homosexuel. Je suis d’accord que ce dernier n’est pas une simple question de liberté et d’épanouissement individuels, et le fait qu’on continue à manifester dans la rue française après sa légalisation prouve qu’on appréhende ses conséquences. Les nationalistes français, par exemple, craignent que leur pays ne procrée plus que grâce aux immigrés ou dans des laboratoires. Il y a sûrement un peu de racisme dans cette crainte, mais également un souci démographique et stratégique.

Je n’aime pas le sextrémisme des Femen mais, à son encontre, l’emprisonnement est une réponse d’ordre public, non de société. Ce qu’il faudrait, c’est plus de débat sur les modèles de société à venir. Ce débat inclut des spécificités locales, il en reste mondial, pas seulement arabe ou européen. Mieux ou pire que l’inertie, les actions de Aliaa Elmahdy et de Amina Sboui auront été un appel par l’absurde à la morale, et une façon de nous rappeler que la mondialisation ne fait pas circuler que des bulles financières.

Hichem Achi

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