mercredi 5 juin 2013

Quel modèle pour l’Algérie ?


Laissons de côté les raisons de la colère des Turcs de la place Taksim et d’ailleurs. Ni le ralentissement de leur croissance économique (8,8%, 2,2% et 3,1% entre 2011 et 2013), ni les conditions de modernisation de vieux quartiers d’Istanbul, ni la privatisation d’espaces publics, ni la promotion du voile dit islamique, n’en font un Printemps turc.

La laïcité de la Turquie est intéressante à regarder. D’abord parce qu’elle lui a fait essayer les antipodes, après le califat. Puis, parce que sa non-arabité en fait un modèle d’islam républicain autre que celui des pays arabes, nonobstant ses rapports avec Israël. Pas le seul modèle, un exemple. En regardant ce que fait Erdogan, on confirme qu’en l’absence de contrepoids, le plus tolérant peut imprégner de rudesse sa vertu. On en apprend que le triptyque islam-république-démocratie n’est pas encore totalement fonctionnel. Sans doute a-t-il besoin de temps et de débat. L’arrivée de l’AKP au pouvoir prouve que la laïcité turque ne montrera pas comment interdire les partis islamistes. Heureusement pour le respect des affinités des Algériens et malheureusement au regard de cet islamisme qui nous revient poussé par l’Atlantique. Beaucoup d’Algériens ont sauté sur la venue d’Erdogan en l’Algérie, le 4 juin 2013, pour le fustiger encore sur son attitude lors du conflit syrien. Le régime d’El-Assad reste moins mauvais que celui des salafistes mais il faut arrêter de le soutenir inconditionnellement, pour qu’il parte le plus tôt possible et que la guerre dure le moins longtemps possible. Il faut penser aux insurgés syriens, ceux que les djihadistes abandonneront une fois repartis chez eux, et qui subiraient des représailles.

Revenons ici. Avec Ben Bella et Boumediene, les modèles étaient inspirés de pays de l’Est ou du bloc de l’Est, pour les raisons connues. Or, ces pays ne sont plus des modèles, de par leurs situations politiques, économiques et sociales. Après ces deux présidents, les Algériens regardent dans des directions diverses, selon la langue dans laquelle ils lisent ou lorgnent. Cette divergence est peu discutée parce qu’elle divise et colle l’étiquette de « hizb frança », de mécréant ou d’obscurantiste. Pour disposer de recul par rapport à ces visions, il faut se libérer du monolinguisme et des préjugés. Si Istanbul a été l’Orient vers lequel étaient tournées les cartes géographiques, nous sommes l’Orient et l’Occident et cela se voit rien qu’à notre diglossie.

Dans l’impasse du moment, Bouteflika ne pourra plus assumer ses fonctions et on fait patienter les Algériens avec une communication désolante et des cadeaux aux plus râleurs. Entre-temps, on essaie de persuader Zeroual (né en 1941) d’assurer la transition, sans succès pour le moment. Il est intègre aux yeux du peuple, il a été élu avec un taux moins princier que les autres (61,3%, en 1994), il est le plus politiquement consensuel, et il est décrit, à présent, comme celui qui a vaincu le terrorisme et qui en a laissé les honneurs à son successeur. Annoncée par qui semblent être bien informés, cette transition d’une à deux années pourrait repousser les élections présidentielles à 2015, au lieu de 2014 où elles devraient se tenir. Le délai constitutionnel de deux mois, durant lequel le Sénat gère, est court pour organiser des élections sérieuses, long pour la vacuité du siège. Une autre question se pose, en attendant que soit créé le poste de vice-président ou autre, et que soit traitée la légalité de cette proposée transition. Zeroual refuse-t-il d’assurer la transition ou refuse-t-il autre chose ?

Une génération de politiciens est en train de se terminer et il faut que se termine avec elle la dangereuse concentration des pouvoirs. Il est temps de refaire notre pluralisme politique, pour qu’aucun politicien ne dirige un parti depuis l’exil et pour qu’aucune opposition ne soutienne le candidat du parti au pouvoir. Il est également temps de réfléchir à un système plus démocratique, plus tolérant envers les différences, orienté vers un islam des Lumières. Peu importe qu’un système soit désigné par un nom usité ou par un néologisme. Le plus important est que ce système parte de la réalité et s’oriente vers l’intérêt collectif.


Hichem Achi

1 commentaire:

  1. L'état de grâce est terminé pour Ordogan et son AKP. En effet il a prospéré le pays avec une croissance économique étonnante au moment où le monde dit libre était en crise. Les cinq 1ere années de son règne il avait injecté une islamisation modérée à petite dose dans une société laïque depuis les années 20. Maintenant il est impatient de pousser plus avec le conflit syrien qui lui a donné l’opportunité de rêver d’un nouveau protectorat sur le monde arabe comme autrefois. Lui aussi pour acheter une paix sociale (…) doit s’appuyer sur le dessin des Qataris en s’impliquant directement contre Bachar El Assad et l’axe du mal (…). C’est dans ce sens qu’il a fait une visite d'affaire éclaire au Maghreb arabe ou le Roi du Maroc ne l’a pas reçu, le régime algérien l’a accueilli sans faste mais la Tunisie de Ghannouchi , complaisante avec les Touars Syriens lui avait déroulé le grand Tapis et ont fait sortir beaucoup de drapeaux Tunisiens au lieu celui d’Annahda. Une visite d’affaire au moment où les villes turques sont en flamme, stratégie qui montre à l’Europe que « nous savons vous tournez le dos » car vous ne vouliez pas de nous à votre « UE ». Erdogan doit désormais compter avec les laïcs, fini le rêve du retour au califat Ottoman. Ah ! Le maudit Hizb de Nasr Allah qui a repris la ville stratégique d’Elqussayr, et que le tournant de la guerre fait très mal. Désormais avec l’entrée de hizbollah en territoire syrien, c’est le traité des frontières héritées du colonialisme qui saute. Et oui, tout est lié. Hafid Mouats.

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