jeudi 13 juin 2013

La rue et l’empêchement de Bouteflika

Le ministère de la Défense vient de communiquer, après que Mohamed Mechati ait appelé l’armée à intervenir. Mechati est l’un des derniers en vie du groupe des 22, qui avait décidé de déclencher la révolution de 1954. L’armée ne destituera pas le président de la République. Tant mieux. Le président de l’Apn (Assemblée), lui, estime qu’il n’y a pas de justificatif valable pour appliquer l’article 88 de la Constitution et que la rue ne le réclame pas. Curieux que l’Assemblée dise être à l’écoute de la rue alors que, d’habitude, elle lui fait la sourde oreille. Les paraboles orientées vers Paris doivent faire mieux ouïr. De toute façon, la rue attend le retour de Bouteflika à ses fonctions mais n’y croit pas vraiment. Les images que la télévision algérienne en a diffusées hier, depuis l’hôpital des Invalides, ont montré un président très affaibli, qui bougeait peu les lèvres et pas du tout le bras gauche. Il est difficile de croire qu’il a réellement examiné les dossiers en cours.

Les institutions civiles gagnent du temps, tergiversent ou attendent de voir dans quelle direction va tourner le vent. La solution n’est pas dans la tergiversation ou dans un bulletin de santé présidentielle, plus clair que celui qui a été publié. D’ailleurs, les médecins réécriraient ce bulletin aussi illisiblement qu’ils rédigent leurs ordonnances. Dans la rue, on ressort qu’Abdelkader Bensalah, président du Cn (Conseil de la nation, dit sénat) ne pourrait pas être intérimaire du président de la République. Pour cause, la loi exige que le chef de l’Etat soit Algérien de naissance, alors que Bensalah (né en 1941) ne serait devenu Algérien qu’en 1965.

Bensalah est énigmatique, par sa biographie strictement professionnelle en dépit des doutes. Toutefois, il est invraisemblable qu’il ait tu sa supposée origine marocaine et que Bouteflika l’ait laissé présider le Cn. Comme si Bouteflika voulait devenir indispensable jusqu’après son départ. Indispensable, la rue semble dire qu’il l’est, en scrutant l’horizon. Et les autres, pourquoi n’auraient-ils rien dit ? Enfin, si c’était vraiment le cas, Bensalah pourrait démissionner de la présidence du Cn, au profit d’un Algérien de naissance qui assurerait l’intérim à la tête de l’Etat. Quoi qu’on dise ou spécule, les élections présidentielles anticipées sont la solution.

Ironiquement, Bensalah serait né Marocain près de Tlemcen, alors que Bouteflika est né Algérien près de Oujda. L’incertitude des frontières aurait alors compliqué l’imbroglio. En tout cas, au lieu d’inspirer la souhaitable paix entre les deux pays, la proximité historique de Bouteflika avec le Maroc aura fait jouir ou souffrir de monarchie multi-quinquennale. Sans couronne et sans prix Nobel de la paix, on aura intronisé le président de la République avec des burnous régionaux et autant de courbettes. Sans sujets pas de roi, sans roi pas de cour. Libre à chacun de faire le baisemain là où il veut. Au-dessus de rue et cour, le ciel est plus beau.

Hichem Achi

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