samedi 7 mai 2011

Le gendarme qui tue




Comme par hasard, le raid contre la maison où se serait trouvé Oussama Ben Laden, arrive la veille des élections présidentielles américaines. Barack Obama n’était pas donné favori des sondages. Pire, le dossier de l’intervention armée en Libye a révélé un président américain hésitant. Une tare pour l’homme qu’on dit être le plus puissant du monde (pour le moment). Le gendarme du monde, plutôt lourdement armé, a un treillis de plus en plus délavé et un galon de plus en plus contesté. Récemment, des pays comme la France ont montré que les Etats-Unis ne sont pas toujours indispensables pour résoudre les conflits dans le monde. Au vu de cela, la mort de Ben Laden aura fait tirer trois coups en un. Obama est quasiment assuré d’un deuxième mandat et le doute sur sa capacité à décider et à agir est dissipé. Le troisième coup est que les 20% d’Américains qui pensent qu’Obama est musulman ne seront plus autant et il ne sera donc plus contraint de se montrer à l’église en dehors de Noël.

L’Amérique nous a habitué aux coups multiples. Six au Far West, historiquement tirés dans le dos mais à la loyale d’après les westerns-spaghettis. N’empêche que le constat est là et certains l’avaient prévu : la dernière superpuissance décline et une ère nouvelle s’amorce. Il n’y a pas de quoi s’alarmer, tous les puissants empires ont fini par s’effondrer. Les vraies questions sont de savoir quelles seront les nouvelles règles et qui prendra le leadership. L’empire du milieu, deuxième économie du monde ne le pourra pas à lui tout seul. Ses visées sont économiques et non militaires, encore moins expansionnistes. Sa bataille conséquente sera plutôt de vouloir vendre des armes aux pays qui étaient protégés par les Etats-Unis. Pour cela, il devra fabriquer des armes agréées par l’OTAN et le Kalachnikov, par exemple, n’en fait pas partie. Pour le remplacement progressif des Etats-Unis dans leur rôle de gendarme du monde, un consortium formé par les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU pourrait assurer la relève. Il ne faut surtout pas y associer le FMI car cela l’affaiblirait par une rétraction de la part des peuples qui y verraient la main gantée de la globalisation.

L’exécution d’un homme, fut-il terroriste, peut paraître plus « soft » lorsqu’elle est annoncée depuis une maison blanche immaculée et froide comme son marbre. Il n’en demeure pas moins que c’est une exécution et s’il s’avère que Ben Laden était debout et sans armes au moment où il a été abattu, cela devra s’appeler un meurtre. L’évolution du parcours d’Obama aura démontré que le politique prime sur tout et que la soif du pouvoir n’est pas exclusive aux pays arabes et aux républiques bananières. Le candidat Barack Obama a opté pour une action musclée pour se faire réélire. Il a donc privilégié l’American way of life sur le modèle socialisé et pacificateur qu’il a prêché pendant sa première campagne électorale. Oublié le combat contre la ségrégation et l’humiliation des races inférieures. Glorifiée la race multicolore qui s’empiffre de hamburgers dégoulinants, bénis par les vendeurs de régimes amaigrissants. Celle qui pollue la planète avec les échappements de ses quatre-quatre aux réservoirs alimentés à coup de guerres et d’agressions pas terroristes du tout. L’espoir qu’a suscité l’élection de Barack Obama, ou plutôt la joie du départ de Georges W. Bush, a fait oublier que « Yes we can » partout.

Non moins remarquable, la fatwa post-mortem de cheikh Al Azhar qui n’a pas trouvé plus opportun que de dire que l’enterrement d’un musulman ne devait pas se faire par immersion. A le croire, ce serait le seul reproche à faire aux Etats-Unis dans cette affaire. Un tel mufti aurait permis aux Algériens de dormir moins bêtes durant leur décennie sanglante car ils auraient su si, oui ou non, il était halal de mourir égorgé ou explosé. Merci, ô Allah, de ne pas nous avoir imposé le clergé !

Allongé, mon laptop sur le giron, j’entends Pierre Arditi demander à Jean-Christophe Ruffin si ce monde là était pour nous1 (ndla : Il parle de lui-même et de Ruffin). Je n’ai pas tout entendu et je ne sais pas si le fond de la question colle au sujet de mon article. Je m’en saisis quand même et je dis que ce monde là est aussi pour nous à condition que nous nous y investissions. Pacifiquement, s’entend. Moi je le fais avec mes faibles moyens sur ce blog.

Petite parenthèse : je remarque qu’Elizabeth Lévy n’est pas sur le plateau. Dommage. Je ne l’approuve pas toujours mais son absence enlève du piment à l’émission de Franz-Olivier Giesbert.

Je reviens pour dire qu’il y aura évidemment de la vengeance. Le fait que Ben Laden ait été tué par les Américains ne rendra pas les terroristes plus sympathiques et il n’y a qu’à regarder ce que ces derniers viennent de commettre à Marrakech pour comprendre que leurs bombes se soucient peu de la couleur du passeport ou de la confession des victimes.

Je m’attends aussi à plus de contrôles dans les espaces publics et les aéroports. Après l’interdiction des produits liquides en cabine et le scanner pour fonctionnaires voyeurs malgré eux, je ne sais pas ce qui sera inventé. Le terrorisme est le fait d’hommes et le meilleur moyen de le prévenir est de renseigner en amont, non de multiplier vainement les contrôles et les fouilles sur la base du faciès.

Certains excusent ou justifient les attentats terroristes d’al-Qaida contre des civils non musulmans en arguant que Ben Laden n’a jamais revendiqué les attentats du 11 septembre 2001 alors que les Américains tuent des civils musulmans.

Certes, mais les musulmans ont un code de l’honneur, y compris dans la guerre où il est interdit de tuer des civils. Et puis, toute action militaire doit être coordonnée par une instance qui, généralement, s’appelle un gouvernement. On dira que les gouvernements en question sont impuissants et illégitimes. Possible, mais un gouvernant contesté vaut mieux qu’une légion de leaders autoproclamés qui ouvrent la voie au chaos.

J’aurais préféré que Ben Laden soit pris vivant par les Pakistanais pour être jugé au lieu d’être tué. Mais, s’il l’a été, c’est peut-être parce qu’il en savait trop. Un quatrième coup ? On saura peut-être dans l’avenir s’il y en a un cinquième et un sixième. Moi, je déplore qu’on tue mais je me concentre sur les vivants pour essayer de contribuer à leur cohabitation, quelles que soient leurs races ou leurs religions. Pour la vérité, j’espère mais je ne me fais pas trop d’illusions car cela risque de durer derrière Kennedy et Luther King. A la queue leu leu.




Note :

1. Durant l’émission La semaine critique du 6 mai 2011 sur France2.

1 commentaire:

  1. Ils viennent de l'exécuter de manière extra judiciaire non armé... Maintenant personne ne pourra prétendre être crédible pour « contrarier » la « vérité » des néoconservateurs.
    Hamza

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