jeudi 26 mai 2011

Séismes euro méditerranéens



Après la décapitation partielle de l’hydre Al-Qaida, Barack Obama revient sur la scène internationale. Cependant, à l’issue de sa récente rencontre avec Benyamin Netanyahou, aux Etats-Unis, il n’aura pas pu persuader de faire la paix au Proche-Orient. Une paix que rejette le premier ministre israélien pour prouver que le bellicisme se décide depuis Jérusalem, la cité de la paix. Entre ces murs, Netanyahou ne se lamente pas, il planifie la colonisation des territoires palestiniens qu’il fait semblant de voir inhabités. Il prétend que les Palestiniens ne veulent pas reconnaître Israël. Ce fut le cas avant mais plus maintenant. Et le prétexte des frontières indéfendables du plan de 1967 est fallacieux. Preuve en est, les actuelles frontières n’ont pas pu empêcher les agressions mutuelles et même les incursions et les rapts. Netanyahou doit savoir qu’il constitue actuellement le plus grand danger pour Israël et pour toute la région.

Toujours en Méditerranée, les Espagnols répliquent au séisme de Lorca et secouent leurs politiques. Ils sont inspirés par les Hellènes et les Arabes et exhortés par Stéphane Hessel. Dans son livre Indignez-vous, Hessel se demande comment une Europe riche n’arrive pas à réaliser ce qu’a pu un Conseil de la Résistance pauvre. Il répond en disant que c’est parce que les lobbies bancaires ont réussi à placer leurs serviteurs au sein des gouvernements.

Contrairement aux Arabes, les Espagnols ne demandent ni le départ du premier ministre ni celui du roi. Ils n’ont pas à le demander parce que ces deux détenteurs de pouvoirs sont légitimes, eux. Zapatero leur avait promis une économie plus puissante après le plan d’austérité de 1996 amis n’a pas réussi à cause de la non diversification. Aujourd’hui, les usuriers de la planète leurs commandent de passer à la caisse. Les Espagnols qui en sont à vendre leurs objets personnels pour survivre, renvoient dos-à-dos leurs deux principaux partis politiques. Ils s’entraident et recueillent les suggestions des uns et des autres. Louable en soi. Que les Espagnols me pardonnent quand je dis que la kermesse altermondialiste de la Puerta del Sol, à Madrid, n’ira pas loin. Elle ne donnera de résultats que si la société civile s’organise d’une façon durable. Je m’explique.

Un autre monde est possible mais il ne peut venir que progressivement car celui actuel n’est pas encore prêt et tout changement radical et rapide se solderait par un échec. Le mouvement « peace and love » de la fin des années soixante n’a pas essaimé parce qu’il était utopique. L’altermondialisme qui a pris la relève est noble dans ses objectifs, désordonné dans ses méthodes. Le seul changement efficient est celui que chaque individu s’imposera à lui-même, tout en encourageant les autres à changer eux aussi. En l’absence de palliatif, même avec Eric Cantonna, le monde aura encore besoin de banques dans le futur et le tout est de trouver la solution pour contraindre ces dernières à réfréner leur appétence pour le gain. Alors, comment s’organiser de façon durable ? Dans l’immédiat, en développant les réseaux d’entraide qui naissent, et là, Internet devient un moyen logistique intéressant. Dans l’après immédiat, en organisant des rencontres d’étude pour réfléchir aux moyens de lutter contre les aspects négatifs de la globalisation. Une erreur à ne pas faire est celle de la démocratie populiste, celle qui permet à tout un chacun de proposer. Les boîtes à suggestions que les Espagnols ont mis en place sont simplement un improvisé et colérique palliatif aux organes législatifs. Un exutoire bénin. Cela ne pourra pas perdure car cela donnera une montagne de propositions où le saugrenu aura bonne place et le pratique peu ou prou.

Le rejet des grandes tendances politiques aurait pu être une chance pour les autres formations (centristes, communistes, écologistes) mais ce sera l’extrême droite qui en profitera. Pas parce qu’elle propose de bonnes solutions mais parce qu’elle remplace le langage de la raison par celui du cœur. Le seul langage qu’on est prêt à comprendre lorsqu’on est paniqué par sa précarité et par l’incertitude de son lendemain. Pour dire que cette droite n’a pas tout faux, un certain protectionnisme serait le bienvenu en ces temps durs. En moins strict, quand même. Par contre, tout retour à l’Etat-Nation non fédéré (pour le moment) ou séparatisme serait affaiblissement. Les Européens savent déjà que, théoriquement, on résiste mieux lorsqu’on est uni mais ils en doutent lorsqu’ils voient s’effilocher les principes de solidarité sensés régir les relations entre pays de l’UE. L’Allemagne refuse de payer pour la Grèce et l’Italie se débarrasse des Tunisiens de Lampedusa en les expédiant en France. En même temps, on remarque que les séparatistes sont généralement les plus riches. La Ligue du Nord en Italie, les Flamands en Belgique, les Catalans en Espagne. Ce séparatisme là est égoïste. Des cas exceptionnels existent comme pour les Irlandais du Nord, motivés par la rancune et la religion.

En Algérie aussi, le séparatisme existe pour des raisons politiques et linguistiques. La gestion lamentable des affaires de l’Etat ne justifie pas tout et un affaiblissement certain s’ensuivra pour le pays si les séparatistes algériens devaient arriver à leurs fins. Difficile de persuader ces tenants que le verre est à moitié plein. Ils voient que la manne pétrolière qui s’est présentée à l’Algérie n’a pas servi à préparer l’après pétrole, en remettant sur pied l’agriculture et l’industrie, trucidées par les barons de l’import-import. Qu’elle n’a pas servi à améliorer les qualifications des Algériens pour consolider la plus grande richesse de tout pays, à savoir sa population. Au lieu de cela, le gouvernement distribue l’argent pour éviter la grogne, par peur d’être la prochaine échéance sur le calendrier du printemps arabe. N’empêche que l’union fera la force même si elle sera multilingue et il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Les Espagnols, les Français et les autres ne doivent pas tomber dans le piège du nationalisme. Il est normal d’actualiser ses politiques d’immigration mais le plombier polonais et le serveur tunisien, ne sont pas responsables de la crise, ils en sont victimes. Limiter le nombre d’immigrants est compréhensible, le réduire à néant est suicidaire. Un pays qui n’attire plus d’immigrés est un pays fini.

En Méditerranée et autour, les peuples se révoltent. Après les Islandais, les Irlandais, les Portugais, les Grecs et les Espagnols, à qui le tour ? Plus au Sud, après la Tunisie, l’Egypte, la Libye,  le Yémen, la Jordanie, le Bahreïn, la Syrie, l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie, à qui le tour ? Je crois que nous ne sommes qu’au début d’un vaste mouvement de remise en cause des politiques économiques dans le monde. Des signes assez forts pour que le malaise des mécontents soit sérieusement considéré. Et si, en bons pompiers, on essayait d’éteindre ce feu avec l’eau de la Méditerranée ? La citerne bienfaitrice est bien au centre, non ? On dira que la citerne est déjà pompée. Oui, mais ceux qui vivent autour sont pompés mais ne pompent pas.

Certains demandent le pouvoir d’achat, d’autres l’Etat de droit. Ils se rejoignent tous pour demander la dignité. Dans tous les cas de figures, ces peuples ne demandent pas la lune, ils veulent juste être respectés et heureux. Or, cela est possible. Bien sûr qu’il est difficile de rendre heureux tout le monde mais, à défaut de décréter le bonheur, il faudrait commencer par ne pas le prohiber.


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