vendredi 10 juin 2011

A mort, les provocateurs !



Le peintre indien Maqbool Fida Husain est décédé. Conformément aux règle établies, on le rattachait à l’Occident en le surnommant le ‘Picasso de l’Inde’. Un surnom qu’aurait désapprouvé Picasso s’il était vivant, lui qui fréquentait les peintres moins célèbres que lui ou à peine connus comme l’Algérienne Baya. Ou bien M.F. Husain est un artiste digne d’être considéré comme tel pour son coup de pinceau à lui, ou bien il est à classer comme illustrateur de prospectus touristiques pour amateurs d’exotisme.

Il était aussi réalisateur, producteur et scénariste mais il était controversé pour l’un de ses tableaux aux couleurs fortes. Reproduit en 1996 par un magazine indien, il lui avait valu d’être menacé de mort parce que la peinture représente des déesses hindoues nues, pour symboliser la pureté. Sa tête de musulman avait été mise à prix et cela l’avait obligé à s’installer au Qatar puis au Royaume-Uni. Questionné sur comment il vivait son exil forcé, il avait dit : « Quel que soit l'endroit où je trouve l'amour, je l'accepte ». Jolie phrase qui exprime la suprématie de l’amour sur la haine.

Son histoire est celle de tous les artistes provocateurs.

Je n’ai pas trouvé choquant qu’on dessine le prophète Mahomet (qsssl) mais qu’on l’insulte en le traitant de chien. Un homme qui fédère un milliard et demi de personnes, plus de quatorze siècles après sa mort, ne peut que forcer le respect. De même, je n’ai pas aimé le fait que Salman Rushdie insulte un prophète mais je n’ai pas admis qu’on le menace de mort pour ça. Les musulmans ont eu raison de rouspéter mais ils devraient aussi balayer devant leurs portes. En Algérie, pays musulman parait-il, on insulte Allah au quotidien. Depuis quelques années, le blasphème en vogue fait allusion à la fornication avec Dieu. Rien que ça. Cela ne choque presque plus et ne vaut excommunication à personne.

En avril dernier, l’œuvre Immersions (Piss Christ) de Andres Serrano, représentant un christ aux pieds immergés dans son urine a également choqué. Une polémique s’en est suivie mais personne n’a menacé le peintre de mort. L’Eglise a également râlé, bien que le débat sur la consubstantialité du Christ (qsssl) ait commencé il y a longtemps, de conciles œcuméniques en congrès. Il n’aura pas tranché depuis et des mouvements dits hérétiques, comme le catharisme, continuent à contredire la version officielle sur la nature du Christ. Je ne m’attarde pas trop sur les cathares sinon on dira que j’essaie d’aider l’actuel régime Libyen à se venger de l’Occident mécréant en déterrant le Libyen Arius, père du catharisme. D’autant que les cathares sont la raison d’être des Bénédictins à qui l’on doit l’Inquisition espagnole qui a suivi la Reconquista.

Donner la mort est intéressant à considérer. L’homme n’admet pas la différence et dénie le droit de vivre à celui qui insiste pour ne pas lui ressembler. La vie est considérée comme la chose la plus précieuse, c’est pour cela qu’on veut l’ôter. Oter la vie est signe de faiblesse. Faiblesse de l’assassin qui manque d’arguments et pense qu’il doit faire taire cet autre qui le déstabilise.

La vie est importante mais je crois que l’intégrité l’est plus encore. A quoi sert de vivre dans le mensonge, sinon à vous faire exécrer l’image renvoyée par le miroir ? Apparemment, beaucoup ne s’en formalisent pas ou s’y complaisent.

Je soutiens les actions qui visent à abolir la peine de mort dans le monde tout en me demandant s’il n’est pas utile de la maintenir pour certains assassins à répétitions qui font passer Jacques l’éventreur pour un enfant de chœur avant de se voir offrir le gîte et le couvert dans des prisons de plus en plus confortables. Et encore, il est possible qu’on les laisse rentrer chez eux parce qu’ils sont malades. C’est très à la mode, en ce moment. Et je ne parle pas des criminels contre l’humanité que certains imbéciles prennent pour des héros. Comme le héros Mladič qui a fait exécuter 8 000 prisonniers en leur tirant dans le dos pour aller se cacher ensuite.

Les provocateurs sont nécessaires à la vie sociale et culturelle. Ceux qui ne tuent pas. Ils sont les déclencheurs de l’expression spontanée du sentiment profond, celui qu’on se retient de dire pour ne pas se faire huer. Plus qu’huer si on est people dans un pays où la critique ne dort pas. Il est compréhensible alors que le discours BCBG se tienne en public alors que le double discours se tient en aparté. Un aparté trompeusement rassurant car souvent trahi par le proche, moyennant pécule, momentanée célébrité ou vengeance. Ou alors surpris par un improvisé paparazzi sans zoom ni microphone. Les politiques en sont obnubilés et, bientôt, il leur faudra se doter d’un porte-parole pour discuter entre amis.

En Algérie, pays où la liberté de la presse est le seul véritable acquis du pluralisme politique, des quotidiens de la presse à scandales aux éditoriaux délateurs imitent The Sun en version moins dénudée et soutien à la guerre en Irak en moins. Comme en Europe, ces quotidiens révèlent régulièrement des phrases assassines dites en tête-à-tête, mais ils diffèrent de leurs équivalents d’outre-Méditerranée par leur unique source qui est le « on ».

La provocation est sciemment et régulièrement utilisée pour émerger du lot en faisant parler de soi. Si elle n’avait pas été menacée de mort, Taslima Nasreen aurait difficilement pu faire promouvoir son livre Lajja paru en 1994 et qui n’a aucune valeur littéraire. Ce qui ne justifie pas les menaces dont elle a fait l’objet.

Ces impromptus épars disent l’absurdité de l’homme qui veut cacher à sa vue le problème qu’il ne peut pas traiter et qui désire la mort de celui qui représente ces problèmes. Ces anecdotes posent aussi la question de savoir si l’art justifie tout. Difficile de dire où s’arrête l’art et où commence la provocation. Même si j’abhorre qu’on se moque de la foi des gens, la véritable question est de savoir s’il faut ou non laisser l’art provoquer. Je dis oui parce qu’il vaut mieux être stimulé par la provocation qu’anesthésié par l’éloge.

1 commentaire:

  1. Parfois, la provocation est sciemment utilisée par certains pour atteindre « des objectifs, que sans ce moyen ils seraient perpétuellement des inconnus pis des nuls », n'est-ce pas Salman Rushdie et Taslima Nasreen.
    Je préfère les râleurs ceux qui ont un tempérament récriminateur.
    Hamza

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