samedi 11 juin 2011

Cannabis bis Connection


Le débat sur la légalisation du cannabis est relancé en France et des centaines de personnes ont manifesté à Paris, il y a peu, pour demander de dépénaliser la consommation de la résine, la régulation de sa production et sa prescription dans un cadre thérapeutique. Le débat a été relancé suite aux récents règlements de comptes dans la ville de Sevran. Les affrontements diurnes au Kalachnikov disent la taille du marché et les rêves qui vont avec. Rêves de grosses cylindrées et de gros cigares achetés par des larbins masculins et allumés par des canons féminins. D’ailleurs, depuis quelque temps, le maire de Sevran sollicite l’intervention de l’armée. Pas moins. Inutile de s’attarder sur les origines des dealers. L’argent de la drogue n’a pas de race précise mais il est souvent basané.

Je me demande comment est-ce qu’on peut arriver à faire passer toutes ses armes par les frontières. Est-ce la faute à Shengen ? Ce serait trop facile de dire ça. De toute évidence, les Européens concernés gagneraient à revoir les clauses afin de s’adapter à la conjoncture qui risque d’être durable.

Le maire de Sevran est de ceux qui préconisent la légalisation du cannabis pour couper l’herbe (sans jeu de mots) sous les pieds des dealers. Il cite l’exemple de la Prohibition qui ne s’est terminée qu’en 1933, lorsque Roosevelt légalisa la consommation d’alcool. Après treize années de descentes et de carnages. Le gouvernement fédéral avait remporté quelques batailles, sûrement pas la guerre. Les enjeux étaient et sont trop gros pour que cela ne fabrique pas de téméraires candidats à la richesse ou à la mort. Je me rappelle la prohibition à livres et à scénarios dont je me suis délecté. Aujourd’hui, le mot que j’en retiens est : « Incorruptibles ». Une utopie en soi.

Au Pays-Bas, on a légalisé la consommation individuelle de cannabis depuis longtemps et le Portugal, qui a suivi, consacre 75 millions d’euros par an pour accompagner les toxicomanes, soit 12 fois plus qu’en France, à proportion égale de population. On accompagne les consommateurs pour ne pas les laisser au milieu d’une jungle d’offres de consommation. Le budget est important mais cela vaut le coup si les résultats affichés par le Portugal sont avérés. Un nombre de consommateurs en baisse.

Ceux qui ne veulent pas légaliser le cannabis arguent que la légalisation rabattra les dealers sur des drogues plus dures. Comme si le trafic de l’herbe allait les retenir de se lancer dans celui de la poudre. Avant d’être dealers de cannabis, ils étaient pickpockets puis vendeurs d’objets volés puis cambrioleurs puis racketteurs. Aujourd’hui ils dealent du cannabis et demain ils dealeront de la cocaïne. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Autre avantage, la légalisation du cannabis prendra de court beaucoup de petits dealers. En voulant se recycler, ils n’auront pas assez de temps avant d’être neutralisés par l’Etat. Cela vaut mieux que d’attendre que le mal s’enracine pour essayer d’en guérir.

La guerre menée par les Etats aux narcotrafiquants est tout à fait louable mais elle m’amène à deux questions. Si le tabac est dangereux pour la santé, pourquoi pourchasse-t-on les fumeurs et laisse-t-on les fabricants de cigarettes en paix ? Dans une ville comme New York où il est interdit de fumer même dans son appartement et à Central Park, pourquoi le tabac est-il commercialisé ? Il y a moins besoin de répondre à la première qu’à la deuxième. Il faut, cependant, juste rappeler que les victimes sont toujours les plus pauvres. Maladies, taxes et pénalités. La triple peine.

L’Algérie n’envisage pas de légaliser la consommation du cannabis et, lors du dernier G20, elle a même essayé d’inscrire à l’ordre du jour la lutte contre le trafic de cette drogue douce.

D’un, je ne crois pas que les peines de prison actuellement appliquées soient opportunes pour les consommateurs individuels. Dans cette vision, l’institution algérienne en charge de la question, qui s’appelle « Office National de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie » devrait supprimer le dernier mot de son appellation. Les toxicomanes sont des victimes et ce sont les dealers qui sont les coupables. Les toxicomanes doivent donc être écoutés, accompagnés et soignés.

De deux, le trafic de cannabis, transitant fortement par le Maroc, ne doit pas rajouter au différend algéro-marocain sur le Sahara Occidental. Il serait temps de rouvrir les frontières terrestres avec ce voisin. Ce serait un début de normalisation en vue de la réconciliation des frères ennemis qui prétendent vouloir construire ensemble le Maghreb. D’ailleurs, la normalisation des relations permettra de collaborer dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogues dures venant d’Amérique latine. C’est ce trafic là qui est le plus grand danger. En plus d’être un fléau sanitaire, social et criminologique, le trafic de drogues dures profite au terrorisme subsaharien et des chiffres inquiétants sont avancés par l’administration algérienne. Plus de 310 millions d’euros auraient été payés par les narcotrafiquants colombiens aux groupes armés, pour leur assistance aux narcotrafiquants maghrébins [1]. La situation est d’autant plus préoccupante que l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, patine depuis sa création en 1997 et semble se battre contre des moulins à vents. Même les incursions et raids menés par les Etats-Unis contre les plantations colombiennes n’ont été que temporairement et relativement efficaces.

Le cannabis est interdit dans la plupart des pays du monde, conformément à la Convention Unique sur les Stupéfiants de 1961, qui a été largement influencée par la Prohibition états-unienne. Néanmoins, la tendance est à la distinction entre l’usage médical du cannabis et sa détention ou sa culture et commercialisation. Dans beaucoup de pays où la détention est interdite, la consommation personnelle est tolérée. Un pas en avant qui permettra de ne pas pénaliser ceux qui ont besoin d’être aidés au lieu d’être punis. Les toxicomanes doivent être soignés gratuitement et anonymement dès qu’ils manifestent la volonté de se faire soigner.

Le cannabis est la drogue la plus consommée en Algérie. Qu’en est-il réellement de la consommation de cocaïne et d’héroïne ? Les chiffres sont rarement communiqués et le sujet reste tabou. D’autres tabous existent. Qu’en est-il des femmes qui s’adonnent aux drogues douces ? Celles qui fument cigarettes ou cannabis sont dites salopes ou re-salopes quand les hommes qui fument cigarettes ou cannabis sont dits inconscients ou voyous. Qu’en est-il des adolescents et des pré-adultes qui se droguent ? Ceux qui se shootent à la colle ou aux psychotropes et qui ont même inventé fatwa et technique pour pouvoir se shooter tout en observant le jeûne du Ramadhan.

Autant de questions dont il faudra se saisir, préalablement à leur traitement. Taire les problèmes ne permet pas de les évacuer et c’est l’un des facteurs qui poussent les jeunes algériens à être candidats à l’exil ou à la pyromanie. Ces jeunes là ont besoin de centres de désintoxication et de travail. Surtout de travail.



Note :
1. Cf. Interview de Abdelmalek Sayeh, président de l’Office National de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie. Publié on-line le 15-05-2011 et consulté le 11-06-2011.

2 commentaires:

  1. Écrit intéressant cependant un gout d’inachevé, «omission sur les narcotrafiquants et les politiques la relation des dealers et services » et ce de part le monde.
    Hamza.

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  2. Trop dissonant en effet. N'hésite pas a rajouter les paragraphes que tu juges utiles, sur tes commentaires.

    Hichem Achi

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