mardi 5 juillet 2011

Algérie : Un an avant le cinquantenaire mais sans pré-bilan


Que dire en ce 49ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie ? Dresser un bilan préliminaire à celui de la date incertaine du cinquantenaire (2012) serait prétentieux et inopportun. Je connais la réflexion préférée des Algériens dans ce genre d’évènements : « Boumediene était un homme, s’il était encore vivant, nous n’en serions pas là ».

Nul doute qu’il fut un homme. Cependant, s’il était vivant, il n’est pas sûr qu’il eût été capable de maintenir l’opulence dans laquelle vivaient les Algériens, quelle que fut cette relative opulence et d’autant que ce rythme là de vie était largement subventionné et assurément maquillé. Aujourd’hui, la presse et les réseaux sociaux sur Internet dénoncent sans crainte, le tiers-mondisme s’est effondré et les politiques boumedienistes en matière d’agriculture et d’industrie ont présenté leur bilan moral malgré elles, erroné depuis ses choix de principe. Ce qui ne remet pas nécessairement en cause la bonne intention de celui qui promulguait.

Le jour du 5 juillet sied plus à l’expression protocolaire. L’utiliser pour critiquer jetterait de l’ombre sur les témoignages qui passent sur les chaînes télé algériennes, ces jours-ci. Personne ne doute de l’héroïsme des anciens moudjahidine. Les vrais. Pas ceux qui ont fait connaissance avec le maquis un certain 19 mars où le feu avait déjà cessé, ni ceux qui n’ont rien avoir avec la guerre de libération et qui ont quand même le sésame. Beaucoup moins héroïques sont les dérives post indépendance, qui sont aux antipodes des objectifs énoncés par la Déclaration du 1er Novembre 1954.

Rediscuter l’Algérie amènerait à remettre en cause beaucoup de choses, dont certaines remontent à avant 1962. Je ne m’étale donc pas sur le désenchantement, la confiscation de l’indépendance et les multiples redondances des dérives. Je dis juste que les 3 contre-constantes de la nation, à savoir : la hogra, l’à peu près et la fainéantise (on pourrait les formuler différemment), ont été confortées par les gouvernants mais sont le fait quotidien de l’Algérien monsieur tout le monde. Ceux qui méprisent les citoyens dans les administrations locales ne sont pas tous ministres ni généraux de l’armée, ce sont d’autres citoyens. Que pourrait faire le meilleur des gouvernements avec une population réfractaire à toute initiative d’essor ou, plus simplement, de civisme ? Inversement, que pourraient faire les corrupteurs face à une population qui refuse de jouer le jeu de la corruption ? Pas grand-chose. L’Algérie ne manque pas d’hommes, elle manque d’hommes d’Etat. Ces hommes d’Etat qui, responsabilisés ou non, agissent au quotidien en pensant à ce qu’ils laisseront derrière eux. En plus simple, des hommes qui abhorrent le je-m’en-foutisme et le « après moi, le déluge ». Un jour, chaque citoyen anti-Etat sera face à son Histoire et à sa conscience. Face à Dieu, du point de vue d’un croyant.

En cette circonstance où la bataille est en cours pour garder ses privilèges ou les perdre, le résumé du parcours algérien depuis le 5 octobre 1988 et le multipartisme me fait redire que le grand acquis est l’indépendance de la presse. Roue à pignons dans la machine de la démocratie, elle attend les deux autres roues qui lui manquent. Les intellectuels et la société civile, c’est-à-dire le peuple. Les intellectuels algériens sont de trois catégories : ceux qui mettent leur intellect au service du système, ceux qui se taisent parce qu’apeurés ou blasés et ceux qui s’expriment dans l’isolement et la désorganisation. Je ne compte pas les intellectuels qui ne s’expriment pas, ceux là sont juste des instruits. Reste la société civile. Je sais qu’on l’a volontairement désorganisée, acculturée et divisée mais, dans en l’absence de leaders, la responsabilité devient individuelle.

Des articles comme le mien, il y en a. Aussi peu efficaces fussent-ils, ils seraient d’utilité si un seul lecteur était sensibilisé à leur lecture et prenait de bonnes résolutions. Mahomet (qsssl) a commencé sa prédication seul et ses compagnons, hommes et femmes, ont diffusé la bonne parole et donné l’exemple. Le résultat est chiffré par les 1,5 milliards de musulmans que compte aujourd’hui la planète. Pas mal, non ?

Attendre du gouvernement qu’il engage des réformes allant directement à contresens des intérêts du système est une niaiserie. Attendre de ce même gouvernement qu’il engage quelques réformes sous le coup de la pression de la rue et des média est possible. Attendre du gouvernement qu’il replace tout seul le pays sur les rails du développement est une lâcheté. Personne ne pourra redresser la barre tout seul.

A l’heure où la carte du monde se redessine, où des questions se posent, liées à l’absence de modèles de démocratie et de laïcité spécifiques aux pays arabes et où il n’existe aucune proposition d’économie palliative à la rente pétrolière, chaque Algérien est appelé à faire un effort qu’il fera ou ne fera pas. Je demande juste aux guichetiers de ne pas déserter leurs guichets pendant les heures de travail et aux instituteurs de ne pas sacrifier les écoliers par ignorance malgré le diplôme ou par cupidité malgré le salaire.

La liberté, la démocratie et le développement se gagnent et se méritent au quotidien. Il est possible et nécessaire de continuer à pousser les gouvernants au changement. Seulement, lorsqu’on demande à l’autre de changer alors qu’on ne veut pas changer soi-même, la demande est comme volatile. Le « faites ce que je dis, pas ce que je fais » ne marche pas. S’il marchait, ce serait trop facile et ce qui est trop facile n’est jamais durable.

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